Arbrealettres

Poésie

Penché dans les soirs (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024




    
Penché dans les soirs
je jette mes tristes filets
à tes yeux océaniques.

Là s’étire et flambe
dans le plus haut brasier ma solitude
qui tourne les bras comme un naufragé.

Je fais de rouges signaux sur tes yeux absents
qui palpitent comme la mer au pied d’un phare.

Tu ne retiens que ténèbres,
femme distante et mienne,

de ton regard émerge parfois
la côte de l’effroi.

Penché dans les soirs
je tends mes tristes filets
à cette mer qui bat tes yeux océaniques.

Les oiseaux nocturnes picorent
les premières étoiles
qui scintillent comme mon âme
quand je t’aime.

La nuit galope sur sa sombre jument
répandant des épis bleus sur la campagne.

***

Inclinado en las tardes tiro mis tristes redes a tus ojos oceánicos.

Allí se estira y arde en la más alta hoguera mi soledad que da vueltas los brazos como un náufrago.

Hago rojas señales sobre tus ojos ausentes que olean como el mar a la orilla de un faro.

Sólo guardas tinieblas, hembra distante y mía, de tu mirada emerge a veces la costa del espanto.

Inclinado en las tardes echo mis tristes redes a ese mar que sacude tus ojos oceánicos.

Los pájaros nocturnos picotean las primeras estrellas que centellean como mi alma cuando te amo.

Galopa la noche en su yegua sombría desparramando espigas azules sobre el campo.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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