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Poésie

Posts Tagged ‘clair de lune’

« Instant» (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



 

… à l’endroit où nous étions arrêtés se trouvait justement une poterne.
« Regarde cette poterne, gnome, lui dis-je encore.
Elle a deux issues. Deux chemins se rejoignent ici ; nul ne les a suivis jusqu’au bout.
Cette longue route qui s’allonge derrière nous dure une éternité.

Et cette longue route qui s’étire devant nous, c’est une autre éternité.
Ces chemins se contrecarrent ; ils se heurtent du front,
et c’est ici, sous cette poterne, qu’ils se rencontrent.
Le nom de la poterne est inscrit au fronton: « Instant».

Mais si quelqu’un suivait l’une de ces routes, sans arrêt et jusqu’au bout,
crois-tu, gnome, que ces routes s’opposeraient toujours?
« Tout ce qui est droit est menteur, murmura le nain d’un ton méprisant.
Toute vérité est courbe, le temps lui-même est un cercle. »

«Esprit de Pesanteur, dis-je avec colère, ne prends pas tout ainsi à la légère,
ou je te laisse accroupi où tu es, pied-bot – et je t’ai pourtant porté haut!
Regarde, lui dis-je, cet instant.
A partir de cette poterne de l’instant une longue route,
une route éternelle s’étend en arrière de nous;

il y a une éternité derrière nous.
Tout ce qui de toutes choses est apte à courir n’a-t-il pas dû, nécessairement,
parcourir une fois cette route?
Tout ce qui peut arriver, entre toutes les choses, ne doit-il pas déjà être arrivé,
s’être accompli, être passé?

Et si tout ce qui est a déjà été, que penses-tu de cet instant, nain?
Cette poterne ne doit-elle pas aussi avoir déjà été?
Et toutes choses ne sont-elles pas si solidement enchevêtrées
que cet instant présent entraîne à sa suite toutes les choses futures?
Et lui-même aussi par conséquent ?

Car ce qui de toutes choses est apte à courir devra parcourir une fois encore
cette longue route qui s’éloigne devant nous!
Et cette lente araignée qui rampe au clair de lune,
et ce clair de lune et toi et moi sous cette poterne,
parlant à voix basse de choses éternelles
– ne faut-il pas, de toute nécessité, que les uns et les autres nous ayons déjà existé ?

Ne nous faudra-t-il pas revenir et parcourir cette autre route qui s’éloigne devant nous,
cette route longue et redoutable
– ne faut-il pas que tous nous revenions? »

(Frédéric Nietzsche)

Illustration

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CLAIR DE LUNE (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
CLAIR DE LUNE

Clair de lune
Soleil de minuit sur la dune
Coucher de sommeil admirable
Au lever de merveilles
De tes yeux insondables
De joli diable

Clair de lune
Né sous le signe du croissant
Et de l’étoile du Berger
A l’aube d’un matin d’été

Clair de lune
Soleil de minuit sur la crête
Où se profilent en silhouette
Les chameaux de la caravane
Du marchand de sable

Esprit léger
Esprit rêvant, esprit volage
C’est le soupir et le silence
D’un esprit qui veille et qui danse

Clair de lune
Soleil de minuit sur la dune
Sous le rideau de tes paupières Mystère

Coucher de sommeil éveillé
Sur l’insaisissable beauté

Mercredi 28 août 1996.

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Combien d’automnes (Richard Wright)

Posted by arbrealettres sur 31 octobre 2023



Illustration (cf son histoire)
    
Combien d’automnes
Ce roc géant fut-il l’hôte
Du clair de lune ?

***

How many autumns
Has this giant rock been host to
The moon and its light?

(Richard Wright)

Recueil: Haïku Cet autre monde
Traduction: Patrick Blanche
Editions: La Table Ronde

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La pendule — Quelle heure est-il? (Marina Tsvetaeva)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2023




    
La pendule — Quelle heure est-il?
A déjà sonné !
Creux immenses de vos yeux,
Votre robe à reflets de satin…
Je vous vois à peine,
À peine, à peine.

Au perron de la maison voisine
— Lumière éteinte.
Quelque part, l’amour à la folie !
Le dessin de votre visage
Me fait peur.

La chambre est presque noire,
Nuit unique !
Le clair de lune à la fenêtre
Profonde ressemble
À de la glace.

— Vous vous êtes rendue ? C’est la question.
— Je n’ai pas lutté.
La voix est glacée par la lune,
Venue de très loin,
C’est bien cette voix-là !

Le rayon de lune dressé entre nous
Dirige le monde.
Éclat de cheveux fous,
Foncés et roux,
Brillant tel du métal.

Oubliée la course de l’histoire
Dans la course lunaire.
Le miroir brise la lune,
Les fers des chevaux tintent au loin
La charrette grince.

Le réverbère est éteint.
La course est ralentie.
Bientôt le coq chantera
La séparation
De deux jeunes femmes.

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

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Être, tendre, folle et bruyante (Marina Tsvetaïeva)

Posted by arbrealettres sur 30 septembre 2023



Marina Tsvetaeva
    
Être, tendre, folle et bruyante
Avec une telle soif de vivre
Adorable, intelligente
Être charmante !

Plus tendre que tous ceux qui ont été
Être innocente…
Mais quelle indignité qu’au tombeau
Tous soient égaux !

Devenir ce qui déplaît à tous,
Devenir de glace !
Ne pas savoir ce qui a existé
Ni ce qui adviendra,

Oublier le coeur brisé
Et de nouveau guéri,
Oublier ses paroles et sa voix
L’éclat des cheveux.

Le bracelet : turquoise ancienne
Sur une tige fine,
Sur mon poignet si fin :
Ma longue main

Dessinait un petit nuage
De loin,
Prenant dans la main
Un porte-plume de nacre !

Oublier mes lestes jambes
Sautant sur la clôture.
Oublier qu’à côté, sur la route
Courait une ombre.

Oublier le chaud de l’azur,
Les jours paisibles.
Toutes mes espiègleries et mes tempêtes
Tous mes poèmes !

Mon rire dissipera
Le miracle accompli.
Et moi, toujours rose,
Je serai plus pâle que tous.

Elles ne s’ouvriront plus
— Il le faut ! Pitié !
Ni pour le regard ou le soleil couchant,
Ni pour les champs —

Mes paupières abaissées !
— Pas même pour une fleur
Oh terre, pardonne-moi,
Pour toujours, à jamais.

Les clairs de lune fondront aussi
Et toutes les neiges,
Lorsque sera à jamais enfui
Ce tout jeune siècle.

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

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Au clair de la lune (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2023



Illustration: Suppa
    
Au clair de la lune
Trois petits lapins
Qui mangeaient des prunes
Comme trois coquins.
La pipe à la bouche,
Le verre à la main,
Ils disaient : « Mesdames,
Versez-nous du vin
Jusqu’à demain matin. »

(Anonyme)

Recueil: Petites Comptines pour tous les jours
Editions: Nathan

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Séjournant au temple (Bashō)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




    
Séjournant au temple
j’admire le clair de lune
d’un air pieux

***

(Bashō)

Recueil: L’intégralité des Haïkus
Traduction: Makoto Kemmoku et Dominique Chipot
Editions: Points

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L’AUBERGE DES ERRANTS (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
L’AUBERGE DES ERRANTS

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables,

Et encore et toujours, tel un parfum,
S’étale le clair de lune sur les toits,
Et par les airs, frais et sombres,
Vole l’essaim léger des nuages.

Tout cela existe, est bien réel,
Mais nous, errants, reposons une nuit,
Puis repartons par les champs,
Et nul ne pense plus à nous.

Bien plus tard, des années après peut-être,
Un rêve en nous évoque la fontaine,
La porte et le toit, et comme tout était là,
Et comme maintenant et longtemps encore tout sera là.

C’est en nous un petit jardin familier,
Et pourtant il n’y eut qu’une halte brève,
Un toit étranger pour l’hôte inconnu,
Il ignore la ville et le nom.

Comme il est étrange et saisissant
Que chaque nuit, sans cesse,
Coule la fontaine discrète
Dans l’ombre fraîche des érables…

(Hermann Hesse)

 

Recueil: L’Allemagne en Poésie
Traduction: Rémi Laureillard
Editions: Folio Junior

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Qu’ils sont tristes (Tokiko Takahashi)

Posted by arbrealettres sur 1 février 2023




    
Qu’ils sont tristes
ces cadavres qui s’embrassent.
Clair de lune.

***

(Tokiko Takahashi)

HIROSHIMA

Recueil: Haïjins japonais
Traduction: Dominique Chipot & Makoto Kemmoku
Editions: Points

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SUR L’AIR DE LA MÉLODIE DES PASSES DU SOLEIL (Kòu Zhùn)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    
SUR L’AIR DE LA MÉLODIE DES PASSES DU SOLEIL

L’herbe du défilé sous un halo de brouillard s’étale,
De la Wei en remous s’entend le grondement.
Les vagues de pluie du printemps s’apaisent,
une légère poussière se répand,
On monte en selle pour partir en campagne.
Voyez là si verdoyants les saules,
Dont ici on a tiré et brisé un rameau.
On se met en branle le coeur lourd,
Qui sait en quelle saison nous serons à nouveau réunis ?

Alors, vidons encore un verre,
Chantons encore un air !
On soupire sur l’existence,
Si amer de passer d’une joyeuse compagnie aux adieux, au départ.
Aussi ne nous dérobons pas à l’ivresse profonde,
Prêtons l’oreille aux « Passes du Soleil » jusqu’au bout.
Quand nous repenserons à nos chers vieux amis,
Éloignés de cent lieues, avec eux nous partagerons le clair de lune.

***

(Kòu Zhùn) (961-1023)

 

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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