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Poésie

Posts Tagged ‘dialogue’

La bataille commença (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024



Illustration: An He
    
La bataille commença.
Comment ? Par un doux sourire.
Elle me dit : — Comme ça,
Vous ne voulez pas m’écrire ?

— Un billet doux ? — Non, des vers.
— Je n’en fais point, répondis— je. —
Ainsi parfois de travers
Le dialogue voltige.

Après le sourire vint
Un regard, oh ! qu’elle est fière !
Moi, candidat quinze-vingt,
Je me dis : Elle est rosière.

Et je me mis à songer
À cent vertus, rehaussées
Par mes mauvaises pensées
D’adolescent en danger.

Je me taisais, cela passe
Pour puissance et profondeur.
Son sourire était la grâce,
Et son regard la pudeur.

Ce regard et ce sourire
M’entraient dans l’âme. Soudain,
Elle chanta. Comment dire
Ce murmure de l’Éden,

Cette voix grave, touchante,
Tendre, aux soupirs nuancés !…
— Quoi ! m’écriai-je, méchante,
Vous achevez les blessés

(Victor Hugo)

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Dialogue entre moi et moi (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
Dialogue entre moi et moi

Je t’ai dit:
– J’ai fléchi
Et tu as dit:
– Ne t’en fais pas.
Déçois-toi tranquillement.
Accepte sereinement
la pendule arrêtée.
Désespère-toi raisonnablement
de ce qu’elle soit pourtant remontée
de ce que ton temps à toi fonctionne ainsi.
Et si soudain
l’un des aiguilles vient à bouger,
ne te risque pas à te réjouir.
Ce mouvement ne sera pas du temps.
Mais de certains esprits le faux témoignage.
Descends sérieusement,
détrône-toi sobrement
passant par tes mille fenêtres.
Pour un peut-être tu les as ouvertes.
Et puis oublie-toi joyeusement.
Ce que tu avais à dire,
sur l’automne, les chants du cygne,
les souvenirs, canaux des amours,
les heures qui s’entretuent,
la fiabilité des statues,
ce que tu avais à dire
sur ceux qui peu à peu fléchissent,
tu l’as dit.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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DIALOGUES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



Illustration: Berthe Morisot   
    
DIALOGUES

Comme la tombe sur les morts mon coeur est lourd,
La tombe sur les morts close avec de la pierre.
Mes yeux veulent toujours regarder en arrière.
Qu’ai-je donc égaré le long du temps qui court ?

— Va prier le soleil pour que mon champ prospère,
C’est ta dot qui mûrit dans nos blés.
— Oui, mon père.

Depuis qu’on a fermé la porte sur ses pas,
La nappe du festin est à jamais pliée.
Je ne sais pas s’il m’a tout à fait oubliée,
Mais quand je le rencontre il ne me parle pas.

— Sommes-nous au couvent ? Cette robe sévère,
Ôte-la. Mets ta robe à volants.
— Oui, ma mère.

J’ai mal… je ne sais pas où souffrir me conduit,
Et dans mon coeur j’entends un rossignol de flamme
Désespéré qui chante, chante à perdre l’âme.
Mais j’attends pour pleurer, comme j’attends la nuit !

_ Soeur, la chanson d’amour que tu savais naguère,
Celle où passe un oiseau, chante-la…
— Oui, mon frère.

Quand donc viendra la mort dont les pas font frémir
pour qu’enfin de l’aimer, enfin ! je me repose…
II sera doux le jour où de la chambre close
On joindra les volets pour me laisser dormir.

_ Soeur, partons ! Serais-tu par hasard endormie ?
Le bal est commencé. Vite, allons !

— Oui, ma mie.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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JEUNESSE ENGENDRE LA JEUNESSE (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Maria Amaral
    
JEUNESSE ENGENDRE LA JEUNESSE

J’ai été comme un enfant
Et comme un homme
J’ai conjugué passionnément
Le verbe être et ma jeunesse
Avec le désir d’être homme

On se veut quand on est jeune
Un petit homme
Je me voudrais un grand enfant
Plus fort et plus juste qu’un homme
Et plus lucide qu’un enfant

Jeunesse force fraternelle
Le sang répète le printemps
L’aurore apparaît à tout âge
À tout âge s’ouvre la porte
Étincelante du courage

Comme un dialogue d’amoureux
Le cœur n’a qu’une seule bouche.

(Paul Eluard)

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Il s’allonge sur la terre noire (Jean Fanchette)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2023




    
Il s’allonge sur la terre noire
Et ce n’est pas mourir
Il reprend le dialogue avec la terre noire
Et la nuit des racines habituelles

Voici que des fleuves débouchent dans son sang
L’estuaire de nouveau promis.

(Jean Fanchette)

Recueil: L’île Équinoxe
Editions: Philippe Rey

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DIALOGUE (Gérard d’Houville)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023




    
DIALOGUE

Résignez-vous, mon âme, aux choses imparfaites;
Transformez-vous, changez, passez avec le temps;
Quittez vos anciens biens pour de neuves conquêtes
Et dans l’oubli, les deuils, les travaux et les fêtes
Reflétez l’univers aux rythmes inconstants.

Pourquoi? J’ai le dégoût de ces grâces d’une heure;
De ce monde où tout change afin de vivre encor;
Je voudrais ce qui dure avec ce qui demeure
Et fixer, haut et loin de tout ce qui vous leurre,
Le vol resplendissant d’un immobile essor…

— Ma dernière saison va s’effeuiller… Mon âme,
Il me faut en cueillir les suprêmes beautés.
Taisez votre rumeur, votre ordre et votre blâme
Je veux me défleurir dans mes jardins de femme
Parmi la passion des défaillants étés.

— Il n’est point de bonheur dans les amours mortelles;
Détournez vos regards de ces sombres plaisirs.
Il est terrible d’être aimée et d’être belle ;
Tout ce qui crie en vous, éphémère et rebelle,
Impitoyablement, écoutez-le finir.

Mon âme, il faut jouir de tout ce qui nous quitte
L’attrait de ce qui passe est amer et divin.
Tout fuit et tout renaît pour expirer plus vite…
Encore un jour! avant que ce coeur qui palpite
Soit cendre, puisque tout, ô ma chère âme, est vain !

— Mais alors, quelle est donc cette flamme immortelle
Qui, partant d’un grand coeur, dépasse son destin?
Et que tout alimente et que tout renouvelle
Et dont la force vive et si brûlante, est telle
Qu’elle brille le soir plus haut que le matin?

Quel est donc ce tourment tout rempli d’espérance?
Ce jaillissant élan, ce désir d’un bonheur,
D’une félicité sans heure et sans souffrance,
Que les voix de la terre ayant fait le silence,
Un ciel de certitude emplisse notre coeur?

Non, non ! tout n’est pas cendre au creux morne de l’urne ;
Tu me dis que tout sombre en des gouffres obscurs…
Non ! tout n’est pas promis au néant taciturne
Et hors de sa corolle infiniment nocturne,
L’irrésistible espoir dresse ses pistils purs.

Non! tout ne finit pas aux plis des derniers langes…
Et malgré le passé dévorant l’avenir,
Triomphe pour jamais des tristesses étranges
Et contemple, éblouie, avec les yeux de l’ange
Ce quelque chose en loi, qui ne peut pas mourir.

(Gérard d’Houville)

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DIALOGUE DU SOIR (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2023




    
DIALOGUE DU SOIR

Que cherche là-bas ton regard rêveur ?
Dans ta belle main j’avais mis mon coeur
Si plein d’une joie impossible à dire,
Tout brûlant d’amour…
N’as-tu rien senti ?

Mais tu me le rends, d’un lointain sourire.
Souffrance… Il se tait… Allons, c’est fini.

***

ABENDGESPRÄCH

Was blickst du träumend ins verwölkte Land ?
Ich gab mein Herz in deine schöne Hand.
Es ist so voll von ungesagtem Glück,
So heiß — hast du es nicht gefühlt ?

Mit fremdem Lächeln gibst du mir’s zurück.
Ein sanfter Schmerz… Es schweigt. Es ist gekühlt.

(Hermann Hesse)

Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti

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Attouchement sacré (Jean-Vincent Verdonnet)

Posted by arbrealettres sur 3 novembre 2021



Attouchement sacré
de la paume et de la pierre

un dialogue se noue
qui remonte à la nuit
de la peur et du feu

la montagne écoute et vacille

(Jean-Vincent Verdonnet)

Illustration

 

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Dialogue intime et familier (Sôseki)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2021



Illustration: Tsukioka Yoshitoshi
    

Dialogue intime et familier
Si nuit d automne plus longue était
Comme les deux se réjouiraient

(Sôseki)

 

Recueil: Haïkus
Traduction: Elisabeth Suetsugu
Editions: Philippe Picquier

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… mais ainsi soit-il (Eugenio Montale)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2021


 


… mais ainsi soit-il.

Un éclat de trompette
dialogue avec les essaims de la chênaie.
Dans la coquille où le soir se reflète
un volcan peint fume gaiement.

La monnaie enchâssée dans la lave
brille elle aussi sur la table et retient
quelques feuillets. La vie qui semblait vaste
est plus brève que ton mouchoir.

***

… ma cosi sia. Un suono di cornetta
dialoga con gli sciami del querceto.
Nella valva che il vespero riflette
un vulcano dipinto fuma lieto.

La moneta incassata nella lava
brilla anch’essa sul tavolo e trattiene
pochi fogli. La vita che sembrava
vasta è più breve del tuo fazzoletto.

(Eugenio Montale)


Illustration: Hokusaï

 

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