Assise en position de réflexion calme
(la posture que le yoga des chats nomme
Pétale-Creux-du-Lotus-Noir-Recueillant-la-Rosée-du-Temps),
la chatte au pied de mon lit
considère l’espace vide et blanc du mur
elle voit quelque chose que je ne vois pas.
(Claude Roy)
Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus
En mettant la face en avant
J’avais voulu devenir quelque chose
Au cours des trente dernières années
J’étais un miroir qui voulait devenir
quelque chose, toujours
Là-bas j’ai définitivement jeté ce miroir
Crac ! C’était sur le chemin de mon retour
(KO Un)
Recueil: Poèmes de l’Himalaya
Traduction: du coréen par No Mi-Sug et Alain Génetiot
Editions: Decrescenzo
C’est possible !
Qui sait ?
Quelque chose va se passer d’un jour à l’autre
Je le saurai tout de suite,
Dès que ça arrivera.
Cela pourrait arriver comme un boulet de canon tombé du ciel,
Une lueur dans l’œil,
Éclatant comme une rose !
Qui sait ?
C’est peut-être tout près,
Dans le quartier, sur la plage,
Sous un arbre.
J’ai le sentiment qu’un miracle,
Va arriver
Se révéler !
Serait-ce possible ? Oui c’est possible.
Quelque chose va se passer, quelque chose de bien,
Si je ne suis pas impatient !
Quelque chose va se passer, je ne sais pas quoi,
Mais ce
Sera splendide !
En un clic, en un choc,
Un téléphone sonnera, on tapera à la porte,
Laisse le verrou ouvert !
Quelque chose va se passer, je ne sais pas quand, mais ce sera bientôt ;
Décrocher la lune,
Avec une seule main !
Au coin de la rue,
Cela arrivera-t-il ? Oui, cela va arriver.
Peut-être même sans rien faire,
C’est bientôt l’heure !
Viens, petit quelque chose, viens, ne sois pas timide,
Va voir un mec,
Tire une chaise !
Il y a une mélodie dans l’air,
Et quelque chose de grand arrive !
Qui sait ?
C’est peut-être tout près,
Dans le quartier, sur la plage,
C’est peut-être pour ce soir…
***
WEST SIDE STORY – SOMETHING’S COMING
Could be!
Who knows?
There’s something due any day;
I will know right away,
Soon as it shows.
It may come cannonballing down through the sky,
Gleam in its eye,
Bright as a rose!
Who knows?
It’s only just out of reach,
Down the block, on a beach,
Under a tree.
I got a feeling there’s a miracle due,
Gonna come true,
Coming to me!
Could it be? Yes, it could.
Something’s coming, something good,
If I can wait!
Something’s coming, I don’t know what it is,
But it is
Gonna be great!
With a click, with a shock,
Phone’ll jingle, door’ll knock,
Open the latch!
Something’s coming, don’t know when, but it’s soon;
Catch the moon,
One-handed catch!
Around the corner,
Or whistling down the river,
Come on, deliver
To me!
Will it be? Yes, it will.
Maybe just by holding still,
It’ll be there!
Come on, something, come on in, don’t be shy,
Meet a guy,
Pull up a chair!
The air is humming,
And something great is coming!
Who knows?
It’s only just out of reach,
Down the block, on a beach,
Maybe tonight . . .
Je dirais que je ne vois rien et que je ne sais pas.
Quelque chose est en suspens. L’heure en repos.
Je veux être vivant comme une blessure, comme un signe,
pas davantage que la rumeur d’une chose nue.
En ce moment rien n’est confus ni opaque.
Les labyrinthes sont tremblants, transparents.
On dirait que je traverse un jardin et que la vie entière
repose parmi les forces de la cendre
et l’éclat des flammes. Et je m’endors
en sentant la beauté et le temps, le même arc de lumière.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard
Si quelque chose nous protège et nous oublie dans
la dispersion des oiseaux et la gravité des voix,
c’est peut-être que nous avons nos racines dans la montagne
et que nous traversons l’épaisseur avec les muscles de l’air.
La lumière cherche un nid en nos mains
et l’eau parle de la clarté de l’ombre.
Entre le désordre et le bleu se dressent des formes
au rythme de la transparence et d’un sang de silex.
Certaines perdent leur éclat auprès d’une naissance
ou d’une matière ailée. Et le regard retourne à la
source obscure sous l’arbre du chant.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard
Quelque chose nous appelle,
nous interpelle et peut-être nous oblige.
Mais est-ce bien à la parole?
Ce qui nous appelle ne nous requiert peut-être qu’au silence,
à son silence, à son mutisme…
La lumière fait surgir, apparaître,
mais elle e nomme pas.
On veut dire quelque chose et on n’y parvient pas.
C’est parce qu’on veut le dire.
I1 ne manque au fond qu’un seul mot
que tous les autres cherchent à remplacer —
fébrilement.
Ce qui est anéanti
Serait-ce mon coeur ?
Ce qui est anéanti
Seraient-ce mes rêves ?
De mémoire
Déjà plus
Marchant par les rues
Semblant de vertige
Oui, je n’ai plus aucune exigence
L’impression que vivre encore c’est mal…
Pourtant j’ai bien envie de vivre
Pourtant je n’ai plutôt aucune envie de mourir
Ah ah, quoi qu’il en soit
Vous autres vous disiez quelque chose
Je m’en souviens vaguement
Vous autres vous disiez donc quelque chose
Nous restons figés parfois
au milieu d’une rue,
d’un mot
ou d’un baiser,
les yeux immobiles
comme deux longs verres d’eau solitaire,
la vie immobile
et les mains inertes entre un geste et celui qui aurait suivi,
comme si elles n’étaient plus nulle part.
Nos souvenirs alors sont d’un autre
dont à peine nous nous souvenons.
C’est comme si nous prêtions notre vie pour un temps,
sans l’assurance qu’elle nous sera rendue
et sans que personne nous l’ait demandée,
mais en sachant qu’elle sert alors
à quelque chose qui nous concerne plus que tout.
La mort n’est-elle un prêt, elle aussi,
au milieu d’une rue
d’un mot
ou d’un baiser ?
***
Nos quedamos a veces detenidos
en medio de una calle,
de una palabra
o de un beso,
con los ojos inmóviles
como dos largos vasos de agua solitaria,
con la vida inmóvil
y las manos quietas entre un gesto y el que hubiera seguido,
como si no estuvieran ya en ninguna parte.
Nuestros recuerdos son entonces de otro,
a quien apenas recordamos.
Es como si prestásemos la vida por un rato,
sin la seguridad de que nos va a ser devuelta
y sin que nadie nos la haya pedido,
pero sabiendo que es usada
para algo que nos concierne más que todo.
¿No será también la muerte un préstamo,
en medio de una calle,
de una palabra
o de un beso?
On écrit pour apaiser
Quelque chose
Mais quoi
Et de quelle façon
L’amour
Perdu
Jamais trouvé
L’amour présent
On ne l’écrit pas
Plus tard
Quand il sera parti
L’amour tout court
L’amour de tout
On cherche
On ne sait pas
Peut-être
Pour être
On le croit
Dehors les mots tourbillonnent
Avec les feuilles
Traversant la balançoire des répliques
Tu traverses ma peau d’écume
Avec ton regard