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Poésie

Posts Tagged ‘quelque chose’

Toi le mystique (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 17 Mai 2024



Illustration: Remedios Varo Uranga
    
Toi le mystique, tu vois un sens en toute chose.
Pour toi tout a un sens voilé,
Il y a quelque chose d’occulte en chaque chose que tu vois.
Ce que tu vois, tu le vois toujours pour voir autre chose.

Quant à moi, qui ai la chance de n’avoir des yeux que pour voir,
Je vois le manque de sens en toute chose ;
Je le vois et je l’adore, parce qu’être une chose c’est ne rien signifier.
Etre une chose, c’est n’être pas susceptible d’interprétation.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Quelque chose chante (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 26 avril 2024



Illustration: Pascal Renoux
    
Quelque chose chante, quelque chose monte
Jusqu’à mon avide bouche.
Oh pouvoir te célébrer
avec toutes les paroles de joie.
Chanter, flamber, fuir,
comme un clocher aux mains d’un fou.

Ma triste tendresse,
que deviens-tu soudain ?
Quand je suis arrivé à l’angle
le plus osé et froid
mon coeur se referme
comme une fleur nocturne.

***

Algo canta, algo sube hasta mi ávida boca.
Oh poder celebrarte con todas las palabras de alegría.
Cantar, arder, huir,
como un campanario en las manos de un loco.

Triste ternura mía, qué te haces de repente ?
Cuando he llegado al vértice más atrevido y frío
mi corazón se cierra como una flor nocturna.

(Pablo Neruda)

Recueil: Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée suivi des vers du capitaine
Traduction: Claude Couffon et Christian Rinderknecht
Editions: Gallimard

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Je souffre avec ma créature de tous les jours (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024



Illustration: Guy Swyngedau
    
Je souffre avec ma créature de tous les jours
et j’aime avec ma créature de toutes les nuits,
mais derrière elles deux il est une autre créature
qui n’est pas forcément moins pauvre,
avec quoi je palpe les alentours du monde.

Je ne sais quand sont nées mes trois créatures,
ni quand elles ont appris à se connaître,
mais les trois écoutent quelque chose qui les appelle
de derrière le néant
et savent que le visible est une faille de l’invisible
et peut-être même un appel de l’invisible,
qui peut-être est seul
comme une autre créature
et les attend elles trois.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Tout regard est un leurre (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Tout regard est un leurre.
Un regard vrai
devrait demeurer dans ce qu’il regarde
ou du moins être le flux
qui l’irrigue et le fasse croître.

Toutes choses attendent ce regard.
Et si tout attend quelque chose,
cela peut-il ne pas exister ?

Chacun de nos regards peut-être
pourrait devenir celui que les choses attendent,
si nous savions nous déprendre de lui
comme quiconque donne un pain.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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L’ombre (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2024




    
L’ombre est un fruit mûri à contretemps.
Si on le presse, il donne le jus de la lumière,
mais peut aussi tacher les mains pour toujours.

Il faut vivre l’ombre comme un fruit,
mais la vivre du dedans, comme on vit sa propre voix.

Et il faut sortir d’elle goutte à goutte ou mot à mot,
jusqu’à devenir lumière sans se rendre compte.

Le jour des hommes n’est pas un jeu.
Le jour des hommes est fait
de quelque chose qui ne commence qu’avec la lumière.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Il se pourrait (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Eric Principaud
    
Il se pourrait que la clarté soit dans le dos
et pivote avec moi
quand je me retourne vivement pour la surprendre.

Il se pourrait que cette apparence de jeu soit la plus
sérieuse donnée physiologique
et que la clarté soit une partie de moi,
celle de derrière.

Il se pourrait qu’il n’y ait pas eu erreur mais pureté :
la clarté, sans mains ;
les yeux donc, près d’autres yeux.

Il se pourrait que tout tende à ouvrir quelque chose,
à nous mettre les mains ou les yeux
dans l’unique clarté tangible,
dans le dos de l’autre,
nous apprenant à faire volte-face dans l’autre.

Il se pourrait que la clarté soit un organe
pour multiplier l’obscur à travers nous,
par on ne sait quelle affaire sans nous.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Je tourne les yeux vers l’arrière (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Odilon Redon
    

Je tourne les yeux vers l’arrière,
comme parfois j’ai placé dieu vers l’avant
ou le toucher pensif avec quoi j’ai aimé.

Et comme parfois je n’ai rien placé,
ni devant ni derrière,
j’ai mis mon ombre
ou celle peut-être de quelque chose qui m’échappe.

Je tourne les yeux vers l’arrière et je meurs derrière moi,
je meurs de ce qu’il n’est là dieu ni quelqu’un.

La mort serait-elle
une pure marche arrière,
une marche arrière sans personne ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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La bouche dans une main (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2024



Illustration: Aaron Siskind
    
La bouche dans une main et la mort dans l’autre,
j’interpelle le silence.
Je lui fais des grains de beauté,
j’exige de lui des garanties pour le cri,
je lui calcule sa dose de réponse.

Quelque chose comme un grand animal triste
vient alors se dénuder dans ma voix,
mais découvre qu’il était déjà nu.

Cependant
l’une de mes mains est restée vide.
Je ne saurai jamais laquelle.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Quelque chose nous fait mal sans nous (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2024



Illustration: Edvard Munch
    
Quelque chose nous fait mal sans nous,
tandis que les mains s’agitent comme des lutins
et que le dos nous éclabousse la voix.

Quelque chose nous fait mal comme un os
qui serait au-delà des os,
près des yeux sans cécité ni regard,
dans la parole qui nous tue les paroles
et jusqu’à l’ombre qu’elles portent.

Près de toute la douleur quelque chose nous fait mal,
comme une étoile forcée de s’inventer un autre ciel.

Et déjà nous fait mal sans notre être propre,
mais au centre et pour toujours,
bien que l’éternité n’existe pas
et bien que nous soyons de trop.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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JETER DES PIERRES (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



    
JETER DES PIERRES

L’eau avale cailloux avec des gloups amers.
Et tombe en son gosier, régulier et métrique,
Un collier de diamants qu’elle, aussitôt, digère
Pour le régurgiter en serpents concentriques.

L’enfant sempiternel, aux recommencements
De l’onde dans l’eau, fort et impuissant assiste.
De quel droit déranger cet ordonnancement
Du cours d’eau? Allégeance aux choses qui existent!

Passent anneaux, années, mois, semaines, pourquoi
Demeure dans son coeur l’étreinte d’un boa?
Maintenant il se dit que remarquer est trop,

Que noter quelque chose est perturber un centre,
Que même apercevoir est un acte trop gros
De ce qu’il trouble tout de ce dans quoi il entre.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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