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JETER DES PIERRES (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



    
JETER DES PIERRES

L’eau avale cailloux avec des gloups amers.
Et tombe en son gosier, régulier et métrique,
Un collier de diamants qu’elle, aussitôt, digère
Pour le régurgiter en serpents concentriques.

L’enfant sempiternel, aux recommencements
De l’onde dans l’eau, fort et impuissant assiste.
De quel droit déranger cet ordonnancement
Du cours d’eau? Allégeance aux choses qui existent!

Passent anneaux, années, mois, semaines, pourquoi
Demeure dans son coeur l’étreinte d’un boa?
Maintenant il se dit que remarquer est trop,

Que noter quelque chose est perturber un centre,
Que même apercevoir est un acte trop gros
De ce qu’il trouble tout de ce dans quoi il entre.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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SIX JOURS EREINTANTS A SERVIR CELLE QUE J’AIME Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
SIX JOURS EREINTANTS A SERVIR CELLE QUE J’AIME

1

Ecoutez l’aventure,
D’un pauvre villageois ;
Moi qui de ma nature,
Suis honnête et courtois,
Un beau jour j’ai promis
A ma chère Climène.
De la servir gratis,
Le long de la semaine.

2

Le lundi pour lui plaire
J’ai pris la bêche en main ;
La matinée entière
J’ai bêché son jardin.
Puis je fus droitement
M’asseoir auprès d’un chêne
Et d’un baiser charmant
Elle me paya ma peine.

3

Mardi nous nous joignîmes
Dès le soleil levé.
A la grange nous allîmes
Pour y battre du blé :
Nous battions tour à tour
Avec le même zèle.
Cependant au retour
J’étais bien plus las qu’elle.

4

Le mercredi d’ensuite
Au bois elle me mena.
Ma tâche fut réduite
A lui tracer un nœud.
Voilà dit-il un moineau
D’un très rare plumage,
Si vous le trouvez beau
Mettez le vite en cage.

5

Jeudi j’ai l’ordonnance
De garder mon troupeau,
J’ai eu la complaisance
De venir sous l’ormeau :
Là me sentant pressé
D’une ardeur sans pareille,
Je lui donna le baiser
Qu’elle me bailla la veille.

6

Vendredi la futée
Me présenta le bec,
Me dit toute attristée :
Mon moulin est à sec.
A ce travail nouveau
Il fallut s’y résoudre.
Elle fit venir tant d’eau
Qu’il fut aisé d’y moudre.

7

Samedi quel ouvrage !
Du matin jusqu’au soir.
Nous fûmes d’un grand courage
Travailler au pressoir :
Quoique le mouvement
Me mit presque hors d’haleine
Il fallut constamment
Arroser le système.

8

Dimanche ma bergère
Me dit : « Mon cher ami
N’avons-nous rien à faire ».
« Nenni pour aujourd’hui »
Six jours sans me lasser
A servir ce que j’aime
Je veux me reposer
Tout au moins le septième.

(Chansons du XVIIIè)

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Pastourelle (Marcabru)

Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2023




    
Pastourelle

L’autre jour près d’une haie
Je vis bergère ambiguë,
Joyeuse, pleine d’esprit,
Vêtue comme à la campagne
Coiffe, cape, houppelande
Chausses de laine, souliers,
Et chemise de treillis.
Je m’approchai par la plaine
Et lui dis : — fille jolie
Je crains que le vent vous pique !

— Seigneur me répondit-elle
Grâce à ma mère et à Dieu
Qu’importe s’il m’échevèle
Je me porte on ne peut mieux !

— Fillette à l’humeur si douce
J’ai quitté le droit chemin
Pour vous tenir compagnie.
Une jeune villageoise
Comme vous ne peut garder
Tant de bétail en ce lieu,
Seule, sans plaisant ami.

— Je sais bien, qui que je sois,
Distinguer sens et folie,
Dit la belle villageoise.
Réservez votre amitié
à celles qui s’en contentent
Car les crédules, à mon sens,
N’en auront pas de profit.

— Fillette de noble race,
Sûrement, d’un chevalier
Votre mère vous conçut
Villageoise mais courtoise.
De plus en plus je vous aime
Et votre joie m’illumine
Si vous m’étiez plus humaine !

— Sire, dit la jeune fille,
À la bêche et à l’araire
Ma famille fut tracée.
Mais pour ce qui vous concerne
Tel qui se dit chevalier
Devrait l’être assurément
Les sept jours de la semaine !

— Fillette, une aimable fée
Au berceau vous fit cadeau
D’une beauté qui surpasse
Celle des gens de chez nous.
Vous seriez doublement belle
Si je pouvais, une fois,
Vous voir dessous, moi dessus !

— Seigneur, dit la paysanne,
Vous m’avez si fort flattée
Que toutes vont m’envier.
Du rang où vous me hissez
Voici pour vous ce salaire :
Reprends tes airs ébaubis,
Tu perds ton temps, pauvre fou!

— Fillette, un coeur dur, sauvage,
S’apprivoise par l’usage.
À vous voir il m’apparaît
Qu’avec une villageoise
Comme vous peut se lier
Une amitié de bon coeur
Si l’un ne trompe pas l’autre.

— Sire, dit la paysanne
L’homme encombré de folie
Jure, promet et s’engage
Mais de semblables hommages
Ne donnent pas droit d’entrée
Je garde mon pucelage
Nul ne me dira putain !

— Fillette, les créatures
Vont toujours à leur nature.
Apprêtons-nous, vous et moi,
À nous accoler ensemble
À l’abri, le long du pré.
Vous y serez à votre aise
Pour faire la chose aimée.

— Allons, seigneur, on sait bien
Que le fou cherche folie,
Le courtois belle aventure
Et le paysan sa mie.
Comme disent les anciens :
« Défaut de juste mesure
Fait la mine du bon sens. »

— Belle, je n’ai jamais vu
Plus friponne de figure
Et plus traîtresse de coeur !

— Seigneur écoutez la chouette.
Elle dit: « l’un baye aux corneilles
Et l’autre espère profit ! »

(Marcabru)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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Retouche au travail (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 15 juillet 2023


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découpe et scie
semaine et long dimanche
et cloue

au bout
la mort prendra six planches
en tout

(Daniel Boulanger)

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Une femme, un silence (Jean Tortel)

Posted by arbrealettres sur 11 avril 2023



Illustration: Galya Bukova
    
Une femme, un silence,
Une porte fermée,
Une autre n’est pas là,
Elle a trouvé du pain.

On parle. On était là,
Hier et l’autre semaine.
La rue est grise. Eteins
La flamme des bougies.

(Jean Tortel)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout

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HOMME MORT (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022




    
HOMME MORT

Moi qui n’en suis pour rien dans ma venue sur terre
Qui n’ai jamais appris les mots que pour me taire
Et marche lentement de peur de tout briser
Croyez-vous que je puisse encor vous satisfaire

Tant de mains attendues n’en valent plus la peine
Une heure d’amitié ne fait pas la semaine
Est-ce mon sang déjà qui teinte le pavé
Mon coeur découragé qui tire sur sa chaîne

A quoi bon ces matins sans hâte de l’enfance
Ces fausses libertés mes désobéissances
Les grains d’or du soleil au fond du sablier
Puisque toute ma vie est faite de silence

C’est là dans mon grenier derrière la fenêtre
Avec le ciel qui bouge au fond pour me remettre
Un instant dans le cycle effarant du passé
Que je serai tenté un soir de disparaître

Alors que vous importe un cri dans le naufrage
Le fardeau de ma joie est un maigre bagage
De la douleur, mon Dieu, j’en eus toujours assez
Mon ombre fut mon seul compagnon de voyage

(René Guy Cadou)

 

Recueil: René Guy Cadou Poésie la vie entière oeuvres poétiques complètes
Traduction:
Editions: Seghers

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Encore des lettres aujourd’hui (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 28 novembre 2022



Encore des lettres aujourd’hui
toutes sortes de phrases
mêlées aux vôtres
Parfois je réponds et parfois non
C’est comme le téléphone
il sonne je le regarde sonner
il y a des jours
où je ne suis pas dans mon nom
pas dans mon sang pas dans mes yeux
des jours des semaines des mois
je laisse
les lettres parler le téléphone hurler
C’est une affaire de bon sens
Je ne peux répondre qu’en ma présence
Seulement voilà que faire
quand je n’y suis pas

(Christian Bobin)

 

 

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Les semaines du calendrier, les murs (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022



 

Les semaines du calendrier, les murs
Les lundis broyés sans murmure
Les semaines et leur succession
Inévitable et sans passion
Les semaines,
Les heures
Sans haine,
Meurent.

Soleil,
Soleil sur la mer
Plus rien n’est pareil ;
Matinées bleues en solitaire,
Je m’émerveille entre les pins ;
La journée a le goût d’une naissance sans fin ;
Alcools inépuisables, purifiés, de la Terre.

(Michel Houellebecq)

Illustration: ArbreaPhotos

 

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Tous les jours, je rends visite (Rosa Luxembourg)

Posted by arbrealettres sur 9 octobre 2022



Illustration
    
Tous les jours,
je rends visite
à une toute petite coccinelle
que je maintiens en vie
depuis une semaine sur une branche,
dans un chaud bandage de coton
malgré le vent et le froid ;

je regarde les nuages,
toujours nouveaux
et chaque fois plus beaux.
Et au fond, je ne me sens pas plus importante
que cette petite coccinelle.
Et dans le sentiment de cette infinie petitesse,
je me sens indiciblement heureuse.

(Rosa Luxembourg)

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Portrait de Jean-Daniel (Charles-Ferdinand Ramuz)

Posted by arbrealettres sur 1 mars 2022



Illustration: Marfa Indoukaeva
    
Portrait de Jean-Daniel

Il est court et fort, il n’a la semaine
pour pouvoir travailler à l’aise que sa
chemise et un pantalon de grisette,
mais le dimanche il met un habit noir.

Il a de larges épaules, un visage
osseux qui a la couleur du soleil, des
moustaches jaunes qui sentent le vin
et de petits yeux vifs et pâles.

Son parler est lent et chantant
comme ses gestes et comme quand il marche
à pas égaux, tranquillement,
en regardant le ciel au-dessus de lui
pour voir le temps qu’il va faire,
les champs déserts où le blé germe,
la terre qu’il aime, parce qu’il en vit.

Et il va à l’auberge le soir
jouer aux quilles
ou danser avec les filles,
parce que çа fait du bien des fois de s’oublier
après qu’on a bien travaillé,
parce que rien ne vaut de sentir dans sa main
la main de sa bonne amie,
parce que le vin est frais dans les verres,
après une pipe, dans les grandes chaleurs.

(Charles-Ferdinand Ramuz)

 

Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite

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