les yeux d’une femme
L’océan bleu pur
de
tes yeux
monte et descend doucement,
monte et descend doucement,
et lave
de jolies choses
sur les plages
de
mon âme.
(Question :
Ce poème
est-il
aussi beau
que deux billets de cinq dollars
frottés l’un contre l’autre ?)
***
a woman’s eye
The pure blue ocean of
your eyes
rises and falls gently,
rises and falls gently,
and washes
nice things
up onto the beaches of
my soul.
(Question:
Is
this poem
as beautiful
as two five dollar bills
rubbing together?)
(Richard Brautigan)
Recueil:Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus
Traduction: de l’anglais par Thierry Beauchamp et Romain Rabier
Editions: Points
La belle s’appelait mademoiselle Amable.
Elle était combustible et j’étais inflammable.
Un treize, je la vis passer sur le Pont-Neuf ;
Les Grâces étaient trois, les Muses étaient neuf;
Et c’est là ce qui fait sacré le nombre douze,
Et treize fatal. Donc, un treize, une andalouse
De Pantin, telles sont les rencontres qu’on a,
Amable, d’un regard charmant, m’assassina.
Duel, duo. Sous l’œil paternel des édiles,..
Il naît sur le Pont-Neuf beaucoup de ces idylles.
Je la qualifiai d’ange, un mois à peu près.
Bref, je me demandais un jour si je romprais,
Quand, par un doux soleil d’avril, entre deux pluies,
Je reçus ce billet de l’ange: « Tu m’ennuies.
Bonsoir. » -Ce qui me fit furieux. D’autant plus
Que c’est elle, parbleu, qui m’ennuyait le plus.
Cent mille années dans mon sommeil d’après-midi
Ont duré moins longtemps qu’une exacte seconde.
Je reparais du fond d’un rêve incontredit
Dans la réalité de ma chair et du monde.
Je retrouve en ma bouche une ancienne saveur
Et des noms de jadis et des baisers si tendres
Que je ne sais plus qui je suis ni si mon coeur
Bat dans le sûr présent ou le passé de cendres.
Éclatez! Ô volcans! du fond des souvenirs,
Noyez sous votre lave un esprit qui se lasse,
Brûlez les vieux billets et puissiez-vous ternir
À jamais le miroir dont le tain mord la glace.
Je mets des mots morts sur le papier,
Tels les timbres léchés par d’autres langues
Ou les insectes percés par surprise
Par la rigueur impersonnelle des aiguilles.
De mots ainsi adjugés
Je remplis des scènes d’ébahissement et de bâillement :
Entre les portes je me montre, galonné,
Passant des fleurs séchées pour des billets.
Qui pourra savoir de quelle manière
Les mots sont des roses sur le rosier.
(José Saramago)
Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond
Une famille des plus charmantes
Trois enfants maman papa
Partit un beau jour de Nantes
Pour visiter le Canada
Fixant leur itinéraire
Après maintes réflexions
Ils choisirent pas ordinaire
Ces moyens de locomotion
C´est ainsi qu´avant de partir
Ils chantaient pour se divertir
{Refrain:}
Nous irons à Toronto
En auto
Nous irons à Montréal à cheval
Nous traverserons Québec à pied sec
Nous irons à Ottawa en oua oua
Nous irons à Valleyfield sur un fil
Nous irons à Trois Rivières en litière
Passant par Chicoutimi
Endormis
Nous irons au lac Saint-Jean en nageant
Voilà! Voilà!
Un beau voyage un beau voyage
Voilà! Voilà!
Un beau voyage au Canada!
Oui mais parfois c´est étrange
On ne fait pas toujours ce qu´on veut
Bien souvent le hasard change
Nos projets les plus heureux
Nos amis furent c´est pas de chance
Victimes d´une distraction
Du chef du bureau de l´agence
Des moyens de locomotion
Et à cause de l´employé
Qui s´était trompé de billets
Ils allèrent à Toronto
En nageant
Ils allèrent à Montréal endormis
Ils se rendirent à Québec en litière
Ils allèrent à Ottawa sur un fil
Ils allèrent à Valleyfield à pied sec
Ils allèrent à Trois Rivières en oua oua
Passant par Chicoutimi à cheval
Ils plongèrent dans le lac Saint-Jean en auto
Voilà! Voilà!
Un beau voyage au Canada!
Depuis ce temps-là
Messieurs dames
Les voyageurs ont compris
Pour éviter bien des drames
Il faut à n´importe quel prix
Contrôler dans les agences
Les billets de locomotion
Si vous partez en vacances
La plus simple des précautions
C´est de chanter mon petit air
Mon petit air itinéraire
Ce soir, le vent qui frappe à ma porte
Me parle des amours mortes
Devant le feu qui s´éteint
Ce soir, c´est une chanson d´automne
Dans la maison qui frissonne
Et je pense aux jours lointains
{Refrain:}
Que reste-t-il de nos amours?
Que reste-t-il de ces beaux jours?
Une photo, vieille photo de ma jeunesse
Que reste-t-il des billets doux,
Des mois d´avril, des rendez-vous?
Un souvenir qui me poursuit sans cesse
Bonheur fané, cheveux au vent
Baisers volés, rêves mouvants
Que reste-t-il de tout cela?
Dites-le-moi
Un petit village, un vieux clocher
Un paysage si bien caché
Et dans un nuage, le cher visage de mon passé
Les mots, les mots tendres qu´on murmure
Les caresses les plus pures
Les serments au fond des bois
Les fleurs qu´on retrouve dans un livre
Dont le parfum vous enivre
Se sont envolés, pourquoi?
Moi j´aime le music-hall
Ses jongleurs, ses danseuses légères
Et le public qui rigole
Quand il voit des petits chiens blancs portant faux col
Moi, j´aime tous les samedis
Quand Paris allume ses lumières
Prendre vers huit heures et demie
Un billet pour être assis
Au troisième rang pas trop loin
Et déjà voilà le rideau rouge
Qui bouge, qui bouge, bouge
L´orchestre attaque un air ancien du temps de Mayol
Bravo c´est drôle, c´est très drôle
Ça c´est du bon souvenir
Du muguet qui ne meure pas, cousine
Ah! comme elles poussaient des soupirs
Les jeunes fillettes d´antan
Du monde ou d´l´usine
Qui sont devenues à présent
De vieilles grand-mamans
Ce fut vraiment Félix Mayol
Le bourreau des cœurs de leur music-hall
Mais depuis mille neuf cent
Si les jongleurs n´ont pas changé
Si les petits toutous frémissants
Sont restés bien sages sans bouger
Debout dans une pose peu commode
Les chansons ont connu d´autres modes.
Et s´il y a toujours Maurice Chevalier,
Édith Piaf, Tino Rossi et Charles Trenet
Il y a aussi et Dieu merci,
Patachou, Brassens, Léo Ferré.
Moi, j´aime le music-hall
C´est le refuge des chanteurs poètes
Ceux qui se montent pas du col
Et qui restent pour ça de grandes gentilles vedettes
Moi j´aime Juliette Gréco
Mouloudji, Ulmer, les Frère Jacques
J´aime à tous les échos
Charles Aznavour, Gilbert Bécaud
J´aime les boulevards de Paris
Quand Yves Montand qui sourit
Les chante et ça m´enchante
J´adore aussi ces grands garçons
De la chanson,
Les Compagnons
Ding, ding, dong
Ça c´est du music-hall
On dira tout c´qu´on peut en dire
Mais ça restera toujours toujours l´école
Où l´on apprend à mieux voir,
Entendre, applaudir, à s´émouvoir
En s´fendant de larmes ou de rire.
Voilà pourquoi, la, do, mi, sol,
J´aim´rai toujours le music-hall
J´aim´rai toujours, toujours, toujours,
Toujours, toujours, le music-hall.
Maman ne connaît pas
Le nom du Premier ministre
Elle n’a jamais entendu parler
Du Gouverneur
Maman ne sait rien non plus
Du Commonwealth, de la 2G
Et des concessions de charbon
Elle ne sait pas lire
Pas même les gros titres des scandales
Imprimés dans les journaux
Il est également difficile de lui faire comprendre
Combien représente en réalité
La somme de plusieurs dizaines de milliards, en pièces de 50 centimes
Maman ne sait que ceci
Si un père maçon reçoit au travail
Un billet à l’effigie de Gandhi
Alors on obtient
250 grammes de gros sel
Deux kilos de pommes de terre
Deux morceaux de mélasse
Deux doses de médicament pour l’asthme
Et du tabac pour une semaine
Là-dessus elle peut encore économiser
Quelques piécettes
Maman sait très bien
Ce que signifie ne plus avoir de grain dans la jarre
Le docteur de la ville prend
Beaucoup, beaucoup de billets à l’effigie de Gandhi
C’est pourquoi elle ne parle jamais
De ses yeux troubles
Et ses poumons malades
Maman s’échine sans relâche avec le bétail
Et ne cesse jamais de rire.
(Krishnakânt)
Recueil: Pour une poignée de ciel Poèmes au nom des femmes dalit (Intouchable)
Traduction: Traduit du Hindi par Jiliane Cardey
Editions: Bruno Doucey
Quand vous les richards
avez dépensé votre argent,
et jeté vos pelures de bananes
dans le caniveau,
éparpillé vos billets de bus
comme des confetti,
vidé
vos vins et sodas,
déposé vos bouteilles et canettes
dans une ruelle,
quand vous avez lancé à la ronde vos boulettes
de restes de poisson
fruits pourris
cartons déchirés
et papiers
Alors je viens moi
et nettoie à nouveau le monde :
vous voyez,
moi aussi je suis important.
***
Ek is oek important
As al julle geldgatte
julle geld gespendit,
en julle bananaskille
innie slootjie gegooi het,
en julle bustikkits
soes konfetti gestrooi het,
en julle staain en cool drinks
opgedrink het,
en julle borrels en blikkies
in ‘n gangetjie gesit het,
en julle visgraatbolle
en vrot vrugte
en stukkene boksies
en papiere
rondgegooi het . . .
dan kom ek
en maakie wêreld weer skoon:
soe
ek is oek important.
***
ANCHE IO SONO INMPORTANTE
Quando voi, gente ricca
avrete speso il vostro denaro
e le vostre bucce di banana
saranno state buttate nei fossoi,
e i biglietti dell’autobus
sparsi intorno come confetti,
quando il vostro vino e gli aperitivi
saranno finiti,
e bottiglie e lattine
si troveranno abbandonate nel vicolo,
e gli avanzi del vostro pesce
la frutta marcia
le scatole rotte
e la carta
saranno state gettate via . . .
Allora arriverò io
e di nuovo render pulito il mondo:
dunque,
anche io sono importante.
***
***
ÉG SKIPTI LÍKA MÁLI
Þegar þið, þessi ríku,
hafið sóað öllum peningunum ykkar
og fleygt bananahýðinu ykkar
í göturæsið
og dreift strætómiðunum ykkar
sem skrautsáldri út um allt
og vín ykkar og gosdrykkir
eru drukknir í botn
og flöskur ykkar og dósir
skildar eftir í húsasundi
og fiskúrgangi ykkar
og skemmdum ávöxtum
og rifnum öskjum
og pappírum
fleygt út í veður og vind . . .
Þá kem ég
og hreinsa til í heiminum á ný:
þannig að
ég skipti líka máli.
***
I AM ALSO IMPORTANT
When you rich guys
have spent your money,
and your banana peels
have been thrown in the ditch,
and your bus tickets
as confetti have scattered around,
and your wine and soft drinks
have been finished,
and your bottles and cans
have been left in an alley,
and your fish leftovers
and rotten fruits
and broken boxes
and papers
have been tossed around . . .
Then I will come
and clean up the world again:
thus,
I am also important.
***
ICH BIN AUCH WICHTIG
Wenn ihr, reiche Stinker,
euer Geld ausgegeben,
eure Bananenschalen
in den Graben geworfen,
eure Busfahrkarten
wie Konfetti verstreut,
euren Wein und Getränke
ausgetrunken,
eure Flaschen und Dosen
in einer Gasse zurückgelassen,
Fischgräten und verfaulte Früchte
und zerknülltes Papier
umhergeworfen habt,
Dann komme ich
und mache die Welt wieder sauber:
also,
Ich bin auch wichtig.
***
IK BEN OOK BELANGRIJK*
Als jullie rijke stinkers
jullie geld hebben uitgegeven,
en jullie bananenschillen
in de greppel hebben gegooid,
en jullie buskaartjes
als confetti hebben uitgestrooid,
en jullie wijn en frisdranken
hebben leeggedronken,
en jullie flessen en blikjes
in een steegje hebben neergezet,
en jullie proppen met visresten
en rotte vruchten
en kapotte doosjes
en papieren
in het rond hebben geworpen…
Dan kom ik
en maak de wereld weer schoon:
ziezo,
ik ben ook belangrijk.
***
ȘI EU AM O MENIRE
Atunci când voi, bogați și pestilenți,
veți isprăvi să cheltuiți averea,
coji de banane azvârlind
la groapa de gunoi,
tichete de voiaj
se vor roti prin aer drept confetti,
veți fi sorbit până la fund
licori și vinuri fine,
doze și sticle abandonând
pe străzi înghesuite,
oase de pește, fructe putrezite
hârtii mototolite
prin colțuri vor zăcea grămadă,
îmi va veni și mie rândul
să primenesc această lume:
sunt așadar ursit și eu
să am un rost ales.
***
TAMBÉM EU SOU IMPOPRTANTE
Quando vocês, seus ricaços,
gastavam o seu dinheiro,
e suas cascas de banana
atiravam numa sarjeta,
e suas passagens de ônibus
espalhavam como confete,
esvaziadas garrafas de vinho,
vidros e latas de refrigerante
largavam no beco,
e os seus restos de peixe
e frutas apodrecidas
e as caixas rasgadas
e papéis
largados em qualquer lugar…
Aí eu vou chegando
e limpo o mundo de novo:
desse jeito,
eu também sou importante.
***
TAMBIÉN YO, SOY IMPORTANTE
Cuando vosotros, ricachones
gastabais vuestro dinero,
y vuestras cáscaras de plátano
echabais a la zanja,
y vuestros billetes de autobús
esparcíais como confetis,
y vacías de vino y refrescos
vuestras botellas y latas
dejabais en un callejón,
y vuestros restos de pescado
y frutas podridas
y cajas rotas
y papeles
arrojados por todas partes…
Entonces llego yo
y limpio de nuevo el mundo:
así pues,
también yo, soy importante.
***
ΣΗΜΑΝΤΙΚΟΣ
Καθώς εσείς οι πλούσιοι
ξοδεύετε τα χρήματα σας
και τις μπανανόφλουδες σας
πετάτε στο αυλάκι
και τα εισητήρια του λεοφορείου πετάτε
στην άκρη σαν κονφεττί
κι αφού τελειώσετε
τα αναψυκτικά σας πετάτε
τ’ άδεια μπουκάλια σας στην άκρη
τα ψαροκόκαλα σας
και σάπια φρούτα και σπασμένα κουτιά
και χαρτιά πετάτε όπου βρήτε
Τότε θα έρθω
τον κόσμο σας να ξανακαθαρίσω
σημαντικός να γίνω κι εγώ.