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J’ai reçu un pétale tombé du cerisier (Takahama Kyoshi)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2024



J’ai reçu un pétale tombé du cerisier.
Ouvrant le poing
Je n’y trouve rien.

(Takahama Kyoshi)

 

 

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Le ciel est bleu (Nakamura Kusatao)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



 

Le ciel est bleu
Comme au matin du monde
De mon épouse j’ai reçu cette pomme.

(Nakamura Kusatao)

 

 

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L’EMPIRE DES SENS (Jacques Higelin)

Posted by arbrealettres sur 16 mars 2024




    
L’EMPIRE DES SENS

je te renifle comme un chien
je te hume sous les aisselles
je te respire comme un parfum
je te sens, mal ou bien

je te regarde venir de loin
je te vois comme tu me vois
je te reluque de travers
je te fixe avec effroi

je te bois avec ivresse
je te suce comme une proie
je te croque avec paresse
je te lèche comme un gros chat

je te caresse du bout des doigts
je te serre avec rudesse
je t’enlace de mes bras
je t’étrangle avec tendresse

je t’écoute avec patience
et je t’entends sans te voir
je te reçois avec aisance
je te perçois dans le noir

Bienvenue à toi
qui t’es perdue
dans l’empire
de mes sens.

(Jacques Higelin)

Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert

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Adieu à la poésie (Louise Ackermann)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2024



Louise-Victorine Ackermann

Illustration: Marcellin Desboutin 
    
Adieu à la poésie

Mes pleurs sont à moi, nul au monde
Ne les a comptés ni reçus,
Pas un oeil étranger qui sonde
Les désespoirs que j’ai conçus

L’être qui souffre est un mystère
Parmi ses frères ici-bas ;
Il faut qu’il aille solitaire
S’asseoir aux portes du trépas.

J’irai seule et brisant ma lyre,
Souffrant mes maux sans les chanter ;
Car je sentirais à les dire
Plus de douleur qu’à les porter

Paris, 1835

(Louise Ackermann)

Recueil: Premières poésies (1871)
Editions:

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J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR

Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Jamais de ma vie je n’ai fait de mal à une énigme :
je n’en ai résolu aucune.
Même pas celles qui voulaient mourir
aux côtés de mon enfance :
j’ai dans mon petit tonneau deux petits vins différents.
Je l’ai gardée jusqu’à présent
intacte inexpliquée,
car jusqu’à présent
deux petits vins différents, c’est ce que contient
tout ce qui m’arrive, soluble ou insoluble.
J’ai cohabité rudement
avec un grand moine qui n’a pas d’os
sans jamais lui demander
de quel feu il est le fils,
vers quel dieu il monte et me quitte.

Je n’ai pas réduit le nombre
des êtres masqués du monde,
j’ai nourri le mystère du monde
par sacrifices et privations.
Avec le sang qui m’a été donné
pour l’expliquer.

Ce qui est venu les yeux bandés
avec des intentions cachées
je m’en suis séparée
tel que je l’avais reçu :
Énigme empruntée,
énigme rendue.
J’ai accepté de ne pas savoir
comment se résout un hier,
un ça dépend,
l’énigme des asymptotes.
J’ai accepté de ne pas savoir ce que je touche,
un visage ou un je suis pressé.

Toi je ne t’ai pas non plus tiré dans la lumière
pour mieux te voir.
Je suis restée Pénélope
dans ton incurie obscure.
Et si une fois j’ai demandé comment te résoudre,
et si tu es source ou fontaine,
ce devait être un jour d’été
où, Pénélopes ou non,
s’empare de nous ce démon de l’eau
pour que grâces soient rendues à l’énigme
de ce que nous gardons notre soif.
Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Sans péché :
avec ma soif.

Vers l’énigme de la mort
je m’en vais bravement.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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INTERMÉDIAIRES (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
INTERMÉDIAIRES

Le printemps me tourne autour,
mais pas question de me détourner encore
pour des beaux jours.
Le crépuscule peut ressembler à ce qu’il veut.
Mon sang n’arrosera pas des similitudes.
Les rêves que j’ai faits
se sont avérés indignes :
ils sont allés avec d’autres sommeils.

Non, je ne reçois plus d’ordres.
Quand les nuages me disaient voyage
je voyageais
quand les rêves me disaient attends
j’attendais.
Non, je ne reçois plus d’ordres.
J’ai fidèlement servi tout ce qui se dissout.

Depuis hier le printemps me tourne autour.
Un oranger amer m’a regardée
d’humeur aigre-douce,
tandis que me barrait la route
une odeur de retour.

Une mémoire usurière avec moi marchande :
pour me donner un vieux mois de mai,
en même temps que les orangers,
pour me donner surtout la forme,
qu’elle a transportée
de station en station de l’oubli
se faisant mal aux yeux et à la bouche
— c’est cela que tu paies —,
elle me prend un avenir.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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PASSÉE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024



Illustration: ArbreaPhotos
    
PASSÉE

Je marche et la nuit tombe.
Je décide et la nuit tombe.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai été curieuse et studieuse.
Je sais un peu de tout. Rien qu’un peu.
Le nom des fleurs quand elles se fanent,
et quand les mots verdissent et quand nous avons froid.
La serrure des sentiments si simple à ouvrir
avec la moindre clé d’oubli.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Passée par des journées de pluie
je me suis tendue derrière
ces barbelés liquides
patiente, inaperçue,
comme la douleur des arbres
quand l’ultime feuille les quitte
et comme la peur des courageux.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Passée par des jardins, m’arrêtant aux fontaines
j’ai vu plein de petites statues sourire
à d’invisibles causes de joie.
Et des petits Amours vantards.
Leurs arcs bandés sont apparus
demi-lunes dans mes nuits mes rêveries.
J’ai fait bien des beaux rêves
et me suis vue oubliée.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai beaucoup marché parmi les sentiments,
les miens et ceux des autres,
et il restait toujours de la place entre eux
pour le passage du temps si large.
Passée par des bureaux de poste j’y suis repassée.
J’ai écrit, réécrit des lettres
et inlassable j’ai prié le dieu des réponses.
J’ai reçu des cartes brèves :
cordial adieu de Patras
et les salutations de la vieille Tour de Pise.
Non, je n’ai pas de chagrin de voir le jour vieillir.

J’ai beaucoup parlé. Aux gens,
aux lampadaires, aux photos.
Beaucoup aux chaînes aussi.
J’ai appris à lire les mains
et à perdre les mains.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai même voyagé.
Je suis allée par-ci, allée par-là …
Partout le monde prêt à vieillir.
J’ai perdu par-ci, perdu par-là.
Perdu à cause de mon attention
et de mon inattention.
Je suis allée aussi à la mer.
On me devait une étendue. Disons que je l’ai eue.
J’ai craint la solitude
j’ai imaginé des gens.
Je les ai vus tomber
de la main d’une poussière tranquille,
qui traversait un rayon de soleil
et d’autres du son d’une cloche minuscule.
J’ai retenti dans des carillons
de désert orthodoxe.
Non, je n’ai pas de chagrin.

J’ai même pris feu et me suis consumée.
J’ai même eu droit à l’expérience des lunes.
Leur disparition au-dessus des mers et des yeux,
obscure, m’a aiguisée.
Non, je n’ai pas de chagrin.

Autant que j’ai pu j’ai résisté au fleuve
quand il était plein d’eau,
j’ai vu de l’eau tant que c’était possible
dans les rivières à sec
et elles m’ont emportée.

Non, je n’ai pas de chagrin.
La nuit tombe à l’heure juste.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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À l’ombre des pins et des cyprès (Pan Qie Yu)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024




    
À l’ombre des pins et des cyprès

La sagesse reçue des Anciens
M’accorda une vie humaine.
Elle m’invita, pauvre créature, jusqu’au palais
À tenir un humble rang dans le quartier des femmes.
J’ai joui de la grâce profuse du saint souverain,
Recueillant la faveur radieuse du soleil et de la lune.
Les rais brûlants de l’astre pourpre posés sur moi,
Je reçus la haute bénédiction dans le pavillon de Zeng Shen.
Abandonnée à l’espoir de jours heureux,
Je délaçais mon souffle, éveillée comme endormie.
Mais les décrets du Ciel — qui pourra jamais les infléchir ?
Avant de les savoir, le soleil voilait sa lumière
Et me laissait déjà dans l’ombre du soir.
Je gardais la bonté du roi qui demeurait mon seul asile
Et mes fautes ne me conduisirent pas à l’exil.
J’ai servi l’impératrice douairière dans le palais d’Orient
Et pris ma place parmi les suivantes de la Confiance éternelle.
J’aidais à laver les rideaux, à balayer le sol souillé
Et ma tâche se poursuit ainsi jusqu’au terme mortel.
Alors mes os trouveront repos au pied de la colline.
Et l’ombre vacillante des pins et des cyprès couvrira ma tombe.

(Pan Qie Yu)

(Ier siècle av. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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L’Espace d’une fenêtre (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
L’Espace d’une fenêtre

« Comme un bruit dans la nuit qui ne nous
réveille pas, mais qui entre cependant dans notre
songe. »
Félicien Marceau, Le Roman en liberté.

Est-ce une parole qu’on reçoit sans l’entendre
une réponse qu’on donne sans le savoir
une image qu’ensevelissent les silences
par les longues nuits où sommeille la mémoire
des brasiers, et qu’un seul effleurement de cendre
projette au lit fiévreux du rêve et de l’histoire
pour l’étreinte d’un corps dans l’effroi de l’absence
et la présence rassurante du désir ?

Ce n’est pas le réveil, et ce n’est plus dormir
ébranlements équilibrés de la balance
c’est l’entre-deux-vents du doute et de la croyance.

(Robert Mallet)

 

Recueil: L’Espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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Il lui suffisait de parler (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024




    
Il lui suffisait de parler. Tout était clair.
Pourquoi avoir ajouté des gestes obscurs ?
Sceautres.

Les mots nous viennent de pays connus
même les moins croyables, les moins vrais

quand tu m’as dit l’impossible, j’ai pu
l’entendre comme si je le savais

les mots accusent, condamnent, pardonnent
nous recevons ce qu’ils donnent ou prennent

nous possédons ce qu’ils taisent ou nomment
tous les mots de l’autre veillent en nous

de pays partagés les mots nous viennent
Mais tes gestes venus d’on ne sait où

ils n’étaient que de toi.

(Robert Mallet)

 

Recueil: Quand le miroir s’étonne suivi de Silex éclaté et de L’espace d’une fenêtre
Editions: Gallimard

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