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Poésie

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Il faut écarter un rideau (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
Il faut écarter un rideau,
mais nous ne savons où.
Il faut écarter un rideau,
mais peut-être que la scène est vide.
Ou peut-être que non
et alors
qui sont les acteurs
et quel drame sont-ils en train de représenter ?

ou bien, en ouvrant le rideau,
comprendrons-nous soudain
que c’est pour que nous-mêmes montions en scène,
bien qu’il n’y ait aucun drame à représenter?

Ou devrons-nous tirer le rideau
parce que la scène est de ce côté
et que nous ne pouvons retarder davantage
le commencement de la représentation ?

Mais, dans ce cas,
qui sont les spectateurs ?
Ou n’y a-t-il pas de spectateurs
et ne nous reste-t-il
que la pure représentation ?

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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SE FAIRE LA MAIN (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024



Illustration: Maurits Cornelis Escher
    
SE FAIRE LA MAIN

Dessiner sa main gauche avecque la main droite
Est déjà un défi, mais figurer la dextre
Avec sa symétrique: une gageure alpestre!
La pente en est abrupte et la voie est étroite.

Imaginez encore un obstacle, une strate
Ajoutée à l’ennui: qu’il faille — la senestre
Ou l’autre, qu’elle soit sur la toile ou rupestre —
Accomplir sans trembler la peinture adéquate

De la main qui pourtant tient aussi le pinceau!
Voyez là l’impossible et pensez à l’assaut
De calme crispé, d’art, qu’il faudrait déployer

Pour y représenter et l’objet et l’outil,
La même main qui est et fait, juge et partie.
À cet artisanat, folie de s’employer.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Dans un état d’émotion intense (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
Dans un état d’émotion intense,
un paysage vous fera une certaine
impression — en représentant
ce paysage, on aboutira à
une image de son propre état
émotionnel — c’est cet état
émotionnel qui est l’essentiel
— la nature n’est que le moyen

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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Sourate de la distillation (Khayr al-Din al-Asadi)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2023




    

Sourate de la distillation
(extrait)

Mon bien-aimé au visage brun,
à la bouche souriante, aux yeux ivres,
au front étoilé, et à l’allure gracieuse

mon bien-aimé au désir fougueux
est l’oeillet des joies,
l’apogée de la jeunesse,
l’ivre à longueur de temps,

ses cheveux sont doux,
autour de ses lèvres humides
— comme une colonie de fourmis
aux abords d’une source

le temps a essayé de représenter la beauté
et il a créé des fleurs variées dans le vaste paradis
puis intimidé devant Lui
il les a vite cachées dans les bourgeons

les langues des bougies ont rivalisé
avec les lumières de la pureté
dans la bouche du bien-aimé,
alors sa peine fut la brûlure

les lumières de la pureté, ô voeu de l’oeil !
En elles je hume la quintessence de la vie

***

(Khayr al-Din al-Asadi)

 

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UNE POLLUTION DE MON AMOUR, – OUI. (Egon Schiele)

Posted by arbrealettres sur 16 août 2021




    
UNE POLLUTION DE MON AMOUR, – OUI.

J’aimais tout.
La jeune fille vint, je trouvai son visage,
son inconscient, ses mains d’ouvrière ;
j’aimais tout en elle.
Je devais la représenter
parce qu’elle regarde ainsi et m’était si proche. —
……….
Maintenant, elle est partie. Maintenant, je rencontre son corps.

LE PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE A LA PÂLEUR MORTE

***

EINE POLLUTION MEINER LIEBE, -JA.

Alles liebte ich.
Das Mädchen kam, ich fand ihr Gesicht,
ihr Unbewußtes, ihre Arbeiterhände;
alles liebte ich an ihr.
Ich mußte sie darstellen,
weil sie so schaut und mir so nahe war. —
……….
Jetzt ist sie fort. Jetzt begegne ich ihrem Körper

DAS PORTRÄT DES STILLBLEICHEN MÄDCHENS

(Egon Schiele)

 

Recueil: Moi, éternel enfant
Traduction:Nathalie Miolon
Editions: Comp’act

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Maman ne cesse de rire… (Krishnakânt)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2021




    
Maman ne cesse de rire…

Maman ne connaît pas
Le nom du Premier ministre
Elle n’a jamais entendu parler
Du Gouverneur
Maman ne sait rien non plus
Du Commonwealth, de la 2G
Et des concessions de charbon
Elle ne sait pas lire
Pas même les gros titres des scandales
Imprimés dans les journaux
Il est également difficile de lui faire comprendre
Combien représente en réalité
La somme de plusieurs dizaines de milliards, en pièces de 50 centimes
Maman ne sait que ceci
Si un père maçon reçoit au travail
Un billet à l’effigie de Gandhi
Alors on obtient
250 grammes de gros sel
Deux kilos de pommes de terre
Deux morceaux de mélasse
Deux doses de médicament pour l’asthme
Et du tabac pour une semaine
Là-dessus elle peut encore économiser
Quelques piécettes
Maman sait très bien
Ce que signifie ne plus avoir de grain dans la jarre
Le docteur de la ville prend
Beaucoup, beaucoup de billets à l’effigie de Gandhi
C’est pourquoi elle ne parle jamais
De ses yeux troubles
Et ses poumons malades
Maman s’échine sans relâche avec le bétail
Et ne cesse jamais de rire.

(Krishnakânt)

 

Recueil: Pour une poignée de ciel Poèmes au nom des femmes dalit (Intouchable)
Traduction: Traduit du Hindi par Jiliane Cardey
Editions: Bruno Doucey

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L’univers (Pierre Oster)

Posted by arbrealettres sur 1 août 2020




    
L’univers me représente notre connaissance accomplie.
J’éprouve, par un seul regard,
que nous ne demeurons qu’en apparence à l’écart de la Lumière.

(Pierre Oster)

 

Recueil: Paysage du Tout
Traduction:
Editions: Gallimard

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Ah combien j’étais fou (Tommaso Landolfi)

Posted by arbrealettres sur 30 décembre 2018



Ah combien j’étais fou, moi qui cherchais parfois
A te représenter : tu n’es pas de la terre,
Tu n’as pas nom humain, ton beau visage
Est le soleil épars sur les choses,
Ta voix est un frisson d’étoiles ;
Ou encore, quand s’ouvre le ciel, tu souffles
Une trop étrange parole.
Et pour cela jamais personne
Ne proclamera ta venue.
D’où vient, pourtant, que tu parles en mon cœur ?
Oh, puisque tu me parles, tu dois m’entendre ?
Si tu m’entends, je ne te demande qu’une grâce,
A toi mon errante et passagère compagne :
Celle de blasphémer ou de prier un dieu.

***

Ah quanto folle che cercai talvolta
D’affigurarti : tu non sei terrena
E non hai nome umano, il tuo bel volto
È il sole sparso sulle cose
Et la tua voce un fremito di stelle ;
O, fratto il cielo, soffi
Una favella troppo forestiera.
Per questo mai nessuno
Proclamerà il tuo avvento.
Donde, pure, che tu mi parli in cuore ?
O, dal momento che mi parli, m’odi ?
E se m’odi, una Bola grazia chiedo
A te, compagna errante e casuale :
Di bestemmiare o di pregare un dio.

(Tommaso Landolfi)

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M’esveillant à minuit, dessillant la paupière (Gabrielle de Coignard)

Posted by arbrealettres sur 19 octobre 2018




    
M’esveillant à minuit, dessillant la paupière,
Je voy tout assoupi au centre du repos,
L’on entend plus de bruit, le travail est enclos
Dans l’ombre de la terre, attendant la lumière.

Le silence est partout, la lune est belle et claire,
Le ciel calme et serain, la mer retient ses flots,
Et tout ce qui se voit dedans ce large clos
Est plein de majesté, et grâce singulière.

La nuit qui va roulant des tours continuels,
Représente à nos yeux les siècles éternels,
Le silence profond du
Royaume céleste :

En fin le jour, la nuit, la lumière et l’obscur,
A louer le haut
Dieu incitent nostre cœur,
Voyant reluire en tout sa grandeur manifeste.

(Gabrielle de Coignard)

Découvert ici: https://eleonoreb.wordpress.com/

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UN BOUQUET (Norge)

Posted by arbrealettres sur 15 octobre 2018



UN BOUQUET

Quelques roses vertes et quelques chardons (mais sans exagérer)
dans un vase rouge (mais sans exagérer).
Ce bouquet donne une lumière très vive
et s’arrange pour danser sous le regard.
On peut le considérer comme un simple bouquet,
mais il représente la fièvre.
Le bouquet danse réellement sous le regard (mais sans exagérer).
C’est en cela que l’artiste fut habile.

(Norge)


Illustration

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