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Posts Tagged ‘objet’

J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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FEMME DIURNE (Ulalume Gonzalez de Léon)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2023



Illustration: Maurice-Ambroise Ehlinger  
    
FEMME DIURNE

Toute la lumière est avec toi
ô reine des lampes
somme d’épisodes lumineux.
Tu t’es installée chez moi
et je suis née à nouveau dans la queue de la comète
Tu es ma première femme endormie
qui ne disparaît pas la nuit.
Tu es mon premier amour fulgurant.
Tu émets
une phosphorescence de vie qui veille.
Je m’éveille pour te regarder :
tu es pleine de fenêtres
toute meublée d’objets blancs
et ta confiance me fait honte.

(Ulalume Gonzalez de Léon)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Souvent je reviens m’asseoir dans ces lieux (Michel Ange)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023



    

Souvent je reviens m’asseoir dans ces lieux
où mon coeur, pour la première fois , perdit sa liberté;
dans ces lieux que les chagrins,
autant que les plaisirs que j’y éprouvai,
m’ont rendus chers ;

J’y retrouve des souvenirs tantôt tristes, tantôt riants,
selon que tu te plais, amour,
à me rappeler les rigueurs ou les bontés de l’objet qui m’enflamme.

(Michel Ange)

 

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Dans tout ce qui existe à voir (Bhartrihari)

Posted by arbrealettres sur 25 janvier 2023



Illustration: Etienne Adolphe Piot
    
Dans tout ce qui existe à voir,
est-il objet plus beau
que le visage d’une jeune fille
aux yeux d’antilope
et vous souriant d’amour ?

Dans les choses que l’on respire,
y a-t-il rien de plus suave
que le souffle de sa bouche ?
Dans ce que l’on entend,
est-il rien de plus harmonieux
que sa voix ?

Dans les choses que l’on mange,
est-il rien de plus délicieux
que la saveur du frais bourgeon de ses lèvres ?
Dans le domaine du toucher,
sent-on rien de plus doux
que son corps ?

Qu’y a-t-il de mieux à voir en pensée
que l’image d’une jeune fille nouvelle éclose ?
Partout, ceux dont le coeur est aimant
éprouvent une émotion qui vient d’elle !

(Bhartrihari) (VIIe siècle)

Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard

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C’est seulement dans l’extrême de l’ici et maintenant (Belinda Cannone)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2022



Illustration: Belinda Cannone
    
C’est seulement dans l’extrême de l’ici et maintenant
que monte le sentiment de la beauté du monde et du privilège d’y vivre.

J’ai nommé ailleurs sur-présence
cette façon que nous avons parfois d’être entièrement présent au moment vécu.

Mais la notion de sur-présence s’applique aussi aux objets de notre attention,
parfois banals ou familiers et acquérant soudain sous notre regard devenu voyant
une lumière extraordinaire qui les met en gloire
— ou plutôt qui révèle leur beauté secrète, cachée aux regardeurs pressés.

(Belinda Cannone)

 

Recueil: Un chêne
Traduction:
Editions: Le vistemboir

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Le « fu » de la Chouette (Jia Yi)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Le « fu »* de la Chouette

Le grand homme ne fléchit pas.
Il reste droit au coeur de mille changements ;
Ils ne sont pour lui qu’une même compromission.
L’homme abêti s’enchaîne aveugle à la coutume
Et souffre sans fin comme un prisonnier qui s’engeôle.
Le sage sait plier au bel abandon des choses.
Il lie sa vie au rythme saint du Tao seul.
Mais voici la foule qui s’enténèbre
Dans la soif et la haine qui plombent leur coeur.
Limpide et calme, l’homme véritable
Trouve la paix céleste dans le Tao seul.
Écartant la sagesse, oublieux des formes,
Dégagé, hors du souci de soi, vif et sauvage,
Plein d’une ampleur vide, il vole sur les ailes du Tao.
Porté par le flux, il navigue à la proue du monde.
Il trouve repos sur les îlots du fleuve,
Libérant son corps au destin,
Départie des craintes égoïstes,
Sa vie est flottaison,
Sa mort est grand repos.
Dans le calme tranquille
Qui rappelle au coeur des printemps,
Une barque sans amarre au courant sans objet.
Il regarde la perle de vide que sa vie a sertie.
Son destin ajouré le libère du chagrin d’exister.

(Jia Yi)

(201-169)

(*Fu: poème chinois en prose)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Je ne sais pourquoi je pense à ce foulard mauve (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022




Je ne sais pourquoi
je pense à ce foulard mauve que tu aimais porter à ton cou.
La mort oublie toujours quelque chose
— un objet, une image, un rien
dans quoi la vie se précipite et se maintient, immense.

(Christian Bobin)

Illustration: Pablo Picasso

 

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Que mon flacon me semble bon ! (Charles-François Pannard)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022




    
Que mon
Flacon
Me semble bon !
Sans lui,
L’ennui
Me nuit,
Me suit ;
Je sens
Mes sens
Mourants,
Pesants.
Quand je le tiens,
Dieux ! que je suis bien !
Que son aspect est agréable !
Que je fais cas de ses divins présents !
C’est de son sein fécond, c’est de ses heureux flancs
Que coule ce nectar si doux, si délectable,
Qui rend tous les esprits, tous les coeurs satisfaits.
Cher objet de mes voeux, tu fais toute ma gloire.
Tant que mon coeur vivra, de tes charmants bienfaits
Il saura conserver la fidèle mémoire.
Ma muse, à te louer, se consacre à jamais.
Tantôt dans un caveau, tantôt sous une treille,
Ma lyre, de ma voix accompagnant le son,
Répètera cent fois cette aimable chanson :
Règne sans fin, ma charmante bouteille ;
Règne sans cesse mon cher flacon.

(Charles-François Pannard)

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Qu’est-ce que l’amour ? (Jean Baptiste Joseph Willart de Grécourt)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022




    
Qu’est-ce que l’amour ?

C’est ce lutin qui fait qu’on ne dort pas,
Qu’on ne vit qu’à demi, qu’à toute heure on soupire,
Qui, dès le grand matin, tourne en hâte nos pas
Vers un objet qui fait notre martyre ;

C’est ce charmant accord qui nous force d’aimer,
C’est ce je-ne-sais-quoi qu’on ne peut exprimer :
En un mot, c’est ce feu toujours insatiable
Qui nous dévore et nous suit en tout lieu.

Plusieurs disent que c’est un dieu,
Pour moi je crois que c’est un diable.

(Jean Baptiste Joseph Willart de Grécourt)

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Je ne sais pas si tu m’aimais (Joan Fuster)

Posted by arbrealettres sur 5 septembre 2022



Illustration: Silvia Zúniga
    
Poem in French, English, Spanish, Dutch and in Albanian, Arabic, Armenian, Bangla, Bosnian, Catalan, Chinese, Farsi, German, Greek, Hebrew, Hindi, Icelandic, Indonesian, Irish, Italian, Japanese, Kiswahili, Kurdish, Malay, Polish, Portuguese, Romanian, Russian, Serbian, Sicilian, Tamil

Painting by Silvia Zúniga, Nicaragua

Poem of the Week Ithaca 739 “5” JOAN FUSTER, Spain

Uit: “Het Gevleugelde Woord” ’s Wereld mooiste buitenlandse gedichten, Deel 1

– All Translateds are made in collaboration with Germain Droogenbroodt –

***

5

Je ne sais pas si tu m’aimais: je t’aimais
et c’était tout, et cela suffisait, et les jours
créaient pour moi les contrées les plus douces.

Je t’aimais au fil des heures et du rêve,
je te chantais, et tu passais, et avril vint
et je connus grâce à toi l’étonnement de ma chair.

Oui, je t’aimais, lourd et sourd.
Comme des objets fanés s’aiment entre eux.
Comme on apprend la langue de l’absence.

(Joan Fuster)

, Espagne (1922-1992)
Traduction: Elisabeth Gerlache

***

5

I don’t know if you loved me: I loved you
and that was all, and that was enough, and the days
made for me the tenderest angles.

I loved you with the hours and with the dream,
and sang of you, and you passed by, and it became April
and through you I knew the wondering of my flesh.

Yes, I loved you, slow and deaf,
the way withered things love one another,
the way one learns the language of absence.

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Translation by the author and Stanley Barkan

***

5

No sé si me querías: yo te quería
y esto era todo, fue suficiente, y los días
obraban en mí los rincones más tiernos.

Te amaba con las horas y con el sueño,
y te cantaba, y pasabas, y abril caía,
y te supo mi carne maravillada.

Sí, te quería sorda y lentamente.
Como se aman las cosas que marchitan.
Como se aprende el idioma de la ausencia.

JOAN FUSTER, España (1922-1992)

***

5

Ik weet niet of je van mij hield: ik hield van jou
en dat was alles, en dat was genoeg, en de dagen
maakten voor mij de tederste hoeken.

Ik hield van jou met de uren en met de droom,
en bezong je, en jij ging voorbij, en het werd april
en door jou kende ik de verwondering van mijn vlees.

Ja, ik hield van jou, traag en doof.
Zoals verwelkte dingen van elkander houden.
Zoals men de taal der afwezigheid leert.

JOAN FUSTER, Spanje (1922-1992)

Vertaling Bob De Nijs

***

5

Nuk e di a më ke dashur: Unë të kam dashur
dhe kjo ishte e gjitha, kaq mjaftonte e për mua
ditët u bënë më të bukura.

Të kam dashur ditën dhe në ëndrra,
dhe këndoja për ty, ti më kaloje pranë dhe bëhej Prill
përmes teje njoha mrekullinë e shpirtit tim.

Po, unë të desha, në mënyrë të ngadalshme të heshtur,
ashtu si gjërat e fishkura e duan njëra-tjetrën,
ashtu si njeriu mëson gjuhën e mungesës.

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Translated into Albanian: Irma Kurti

***

5

لا اعرف إن كنت تحبني أم لا؟ : أحببتك
كان هذا كل شيء، وكان هذا كافيا، والأيام تصنع لي أرق الملائكة
أحببتك بالساعات والأحلام
وأغنيتي التي مرت من هنا ……أصبحت أفريل
من خلالك عرفت روعة جسدي البشري
نعم أحببتك ببطء وعُمٍي
بالطريقة التي تحب بها الأشياء الذابلة بعضها ببعض
بالطريقة التي يتعلم بها المرء لغة الغياب

جوان فوستر(JOAN FUSTER)، اسبانيا (1922-1992)
ترجمة للعربية: عبد القادر كشيدة
Translated into Arab: Mesaoud Abdelkader

***

5

Չգիտեմ՝ սիրե՞լ ես ինձ արդյոք. ես սիրել եմ քեզ
և դա ամենն էր, ու դա բավական էր և օրերն ինձ համար
դարձան ամենաքնքուշ անկյուններ:

Ես սիրեցի քեզ ժամերով և երազանքով
քո մասին երգով և դու հեռացար, ու եկավ ապրիլը
և քո միջոցով ես իմացա մարմնիս հրաշքները:

Այո, ես սիրել եմ քեզ` դանդաղ ու խուլ,
ինչպես թոշնածներն են սիրում իրար,
ինչպես սովորում են բացակայության լեզուն:

Ժոան Ֆուստեր, Իսպանիա (1922-1992)
Հայերեն թարգմանությունը Արմենուհի Սիսյանի
Translated into Armenian: Armenuhi Sisyan

***

আমি যে জানিনা তুমি কি আমায়
ভালবেসেছ: আমি যে তোমায়
বেসেছি ভালো আর সেটাই যে সব, আর
সেটাই যে যথেষ্ট, আর
যে দিনগুলি
সৃষ্টি হয়েছে আমার জন্য
তা যেন প্রেম পরায়ন দৃষ্টিকোণ ।

আমি যে তোমায় ভালোবেসেছি সাথে
নিয়ে প্রহর স্বপ্ন আর
স্বপ্ন,
আর গেয়েছি গান তোমার,আর যখন
তুমি পাশ দিয়ে গেছো,তখন
তা রূপান্তরিত হয়েছে এপ্রিল মাসে
আর তোমার মধ্য দিয়ে আমি জেনেছি
আমার দেহের
বিস্ময়।
হ্যাঁ আমি তোমায় ভালোবেসেছি ধীর এবং বধির
যেভাবে ক্ষয়প্রাপ্ত জিনিস গুলি
একে অন্যকে ভালবাসে,
যেভাবে একজন জানতে পারে
ভাষার অনুপস্থিতি।

জোয়ান ফাস্টার, স্পেন (১৯২২-১৯৯২)
অনুবাদ জার্মেইন ড্রুজেনব্রুড্ট – স্ট্যানলি বারকান
Translated into Bangla: Tabassum Tahmina Shagufta Hussein

***

5

Ne znam da li si me volio: volip sam te
i to je bilo sve, i to je bilo dovoljno, i dani
napravio za mene najnježnije uglove.

Volio sam te sa satima i sa snom,
i pjevao o tebi, i ti si prošao, i postao je april
i kroz tebe sam poznao čuđenje svoga tijela.

Da, volio sam te, spor i gluv,
način na koji se usahle stvari vole,
način na koji se uči jezik odsutnosti.

JOAN FUSTER, Španija (1922-1992)
Prevjod na bosanski: maid čorbić

***

5

No sé si m’estimaves: t’estimava
i això era tot, i això era prou, i els dies
obraven per a mi racons tendríssims.

T’estimava amb les hores i amb el somni,
i et cantava, i passaves, i abril queia,
i et sabia ma carn meravellada.

Sí, t’estimava lentament i sorda.
Com s’estimen les coses marcescibles.
Com s’aprén l’idioma de l’absència.

JOAN FUSTER, Espanya (1922-1992)
Traducció al català: Natalia Fernández Díaz-Cabal

***

5.

我不知道你是否爱过我:我爱过你
就是全部,那就够了,而给我消受的
那些日子是最温柔的天使。

我用时间和梦想爱过你,
歌颂过你,你走了,那是四月
而通过你,我才懂了我身体的好奇。

是的,我爱过你,又慢又聋,
用枯萎了事物彼此相爱的方式,
用一个人学习不存在语言的方式。

原作:西班牙 琼·福斯特(1922-1992)
英译:杰曼·卓根布鲁特-斯坦利·巴坎
Translated into Chinese: Willam Zhou

***

پنج

من نمیدانم که آیا تو عاشقم بودی: من عاشقت بودم
و همین بود و همین کافی بود
و آنروزها لطیفترین زاویهها را برایم ساختند.
من تو را با ساعتها و رویاها دوست داشتم،
و از تو آواز خواندم و تو گذشتی و آپریل شد
و از تو من با شگفتی بدنم را شناختم.
آری، عاشقت بودم، آرام وناشنوا،
آنچنان که پژمردگان یکدیگر را عاشقند،
آنچنان که یکی زبان غیب بداند.

جوان فاستر، اسپانیا، ۱۹۹۲-۱۹۲۲
سپیده زمانی
Translated into Farsi: Sepideh Zamani

***

5

Ich weiß nicht, ob du mich liebtest: Ich liebte dich
und das war alles, und das war genug, und die Tage
machten für mich die hübschesten Ecken.

Ich liebte dich mit den Stunden und mit dem Traum,
und sang für dich, und du gingst vorbei, und es wurde April
und durch dich erfuhr ich das Wunder meines Fleisches.

Ja, ich liebte dich, langsam und taub.
Wie verwelkte Dinge einander lieben.
Wie man die Sprache der Abwesenheit lernt.

JOAN FUSTER, Spanien (1922-1992)
Übersetzung: Germain Droogenbroodt –Wolfgang Klinck

***

5

Δεν ξέρω αν μ’ αγάπησες: εγώ σ’ αγάπησα
κι αυτό ήταν όλο, κι αρκετό, κι οι μέρες μου
μου χάρισαν τις πιο όμορφες στροφές.

Σ’ αγάπησα μες στις ώρες και στα όνειρα
και σου τραγούδησα, κι εσύ προσπέρασες κι ήρθε Απρίλης
κι από σένα έμαθα το θαύμα της σάρκας μου.

Ναι σ’ αγάπησα αργά κι αμίλητα,
όπως αγαπούν όλοι οι θνητοί,
όπως κάποιος μαθαίνει τη γλώσσα της απουσίας

Μετάφραση Μανώλη Αλυγιζάκη
Translated into Greek: Manolis Aligizakis

***

5

હું નથી જાણતો તું મને પ્રેમ કરે છે કે નહિ: મેં તને પ્રેમ કર્યો છે
અને તે જ બધું છે, અને તે પૂરતું છે, અને દિવસો
મારા માટે કુમળાં કુણા જેવાં બન્યા છે.

મેં તને પ્રેમ કર્યો છે કલાકો સાથે અને સ્વપ્નો સાથે,
અને તારા માટે ગાયું છે, અને તું પસાર થાય છે, અને ત એપ્રિલ બને છે
અને તારા દ્વારા મેં જાણ્યું છે કે મારા શરીરનો મહત્વનો ભાગ ફરી રહ્યો છે

હા, મેં તને પ્રેમ કર્યો છે, ધીમો અને બહેરો,
એવી રીતે જેવી રીતે સુકાઈ ગયેલી વસ્તુઓ એકબીજાને પ્રેમ કરે છે,
એવી રીતે જેવી રીતે કોઈ ગેરહાજરીની ભાષા શીખે છે.

JOAN FUSTER, SPAIN
Translated in Gujarati: Dr Nirali Soni

***

• / ז’ואן פוסטר אי אורטלס, ספרד

5

אֲנִי לֹא יוֹדֵעַ אִם אָהַבְתְּ אוֹתִי: אֲנִי אָהַבְתִּי אוֹתָךְ
וְזֶה הָיָה הַכֹּל, וְדַי הָיָה בָּזֶה, וְהַיָּמִים
יָצְרוּ עֲבוּרִי אֶת הַהֶבֵּטִים הָעֲדִינִים בְּיוֹתֵר.

אָהַבְתִּי אוֹתָךְ עִם הַשָּׁעוֹת וְעִם הַחֲלוֹם,
וְשַׁרְתִּי עָלַיִךְ, וְאַתְּ חָלַפְתְּ לְיַד, וְזֶה הָפַךְ אַפְּרִיל
וְדַרְכֵּךְ יָדַעְתִּי אֶת פֶּלֶא בְּשָׂרִי.

כֵּן, אָהַבְתִּי אוֹתָךְ, אִטִּי וְחֵרֵשׁ
בְּדֶרֶךְ שֶׁדְּבָרִים קְמֵלִים אוֹהֲבִים זֶה אֶת זֶה,
בְּדֶרֶךְ שֶׁלּוֹמְדִים אֶת שְׂפַת הַהֶעְדֵּר.

תרגום לאנגלית: ג’רמיין דרוגנברודט וסטנלי ברקן
תרגום מאנגלית לעברית: דורית ויסמן

הציור של Silvia Zúniga, ניקרגואה
Translated into Hebrew: Dorit Weisman

***

पाँच

मुझे नहीं पता कि तुम मुझसे प्यार करते हो:
मैं तुम्हें प्यार करता था
और वह सब था,
और इतना ही काफी था, और वे दिन
मेरे लिए सबसे कोमल कोण बन गया।

मैं तुम्हें घंटों और सपने
के साथ प्यार करता था,
और तुम्हारा गायन,
और तुम मेरे पास से गुजरे,
और यह अप्रैल बन गया
और मैं ने तेरे द्वारा
शरीर के आश्चर्य को जाना।

हाँ, मैं तुमसे प्यार करता था,
धीरे-धीरे और बहरे की तरह,
जिस प्रकार मुरझाई हुई वस्तुएँ
आपस में प्रेम रखती हैं,
जिस तरह से कोई
अनुपस्थिति की भाषा सीखता है।

जोन फस्टर, स्पेन (1922-1992)
ज्योतिर्मय ठाकुर द्वारा हिंदी अनुवाद l
Translated into Hindi: Jyotirmaya Thakur.

***

5
Ég veit ekki hvort þú elskaðir mig: Ég elskaði þig
og það var allt og sumt, og það var nóg, og dagarnir
buðu mér sljóustu hornin.

Ég elskaði þig með stundunum og draumnum, og söng um þig, og þú fórst hjá, og það var kominn apríl
og gegnum þig skildi ég hvers hold mitt leitaði.

Já, ég elskaði þig, hægur og heyrnarsljór,
eins og skrælnaðir hlutir elskast,
eins og maður lærir tungumál fjarverunnar.

JOAN FUSTER, Spáni (1922-1992)
Translated into Icelandic: Thor Stefansson

***

5
Aku tak tahu cintakah kau waktu itu padaku: dulu aku cinta
dan semua sudah berlalu, dan sudah cukup, dan hari-hari
menjadikanku sudut yang paling lembut.

aku cinta padamu dulu merenung dan bermimpi berjam-jam
dan bernyanyi untukmu, dan kau berlalu, April datang
melaluimu kusadari tubuhku yang pelik.

Ya, dulu aku cinta padamu, lembut dan kelu
gaya itu membuat layu perihal cinta satu dan lainnya,
gaya itu seseorang belajar ketidak hadiran bahasa.

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Translated into Indonesian: Lily Siti Multatuliana

***

5

Níl a fhios ‘am ar thug to gean dom: thugas gean
duitse, ba leor sin, lá
i ndiaidh lae, cinnte.

Thug mé gean duit de ló is d’oíche,
d’fheadaíl mé d’fhonn, is tú ag siúl tharam, mí Aibreáin,
mo chraiceann beo le do chumhra.

Is ea, gean a thugas duit, gean na mbodhar,
gean spíonta is an teaspach imithe—
is mar sin a d’fhoghlaim mé teanga na héagmaise.

JOAN FUSTER, an Spáinn (1922-1992)
Translated into Irish (Gaelic): RuaBreathnach

***

5

Non so se tu mi abbia amato: io ti amavo
e questo era tutto, ed era abbastanza, e quei giorni
erano per me la prospettiva più dolce.

Ti ho amata con le ore e i sogni,
e ho cantato di te, e sei passata, ed è arrivato aprile
e per mezzo tuo ho conosciuto lo stupore della mia carne.

sì, ti ho amata, lento e sordo,
nel modo in cui le cose appassite si amano,
nel modo in cui si impara la lingua dell’assenza.

JOAN FUSTER, Spagna (1922-1992)
Traduzione di Luca Benassi

***

あなたが私を愛したかどうか私にはわからない
私はあなたを愛した
それがすべてだった
そしてそれで十分だった
私に与えられた日々はもっともやさしい天使だった

私はあなたを愛した
時間とともに、夢とともに
そしてあなたの歌を歌った
あなたは立ち去った
いまは4月になった
そしてあなたを通して
わたしは肉体の不思議を知った

そう、私はあなたを愛した
ゆっくりと
何も聴こえずに
枯れたものが愛し合うように
存在しない言葉を学ぶように

ジョアン・フステル(スペイン. 1922-1992)
Translated into Japanese: Manabu Kitawaki

***

5

Sijui kama ulinipenda: Nilikupenda, na ndivyo hivyo tu, na hiyo ilitosha, na siku zilinifanyia pembe laini zaidi.
Nilikupenda kwa masaa na kwa ndoto,

nikaimba juu yako, na ukapitia, na ikawa Aprili na kwa uhusiano na wewe nikajua matembezi ya mwili wangu.

Ndio, nilikupenda, polepole na kwa uziwi,
jinsi vitu vilivyokauka vinapendana,
jinsi mtu hujifunza lugha ya kutokuwepo.

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Watafsiri na Bob Mwangi Kihara.
Translated into Kiswahili: Bob Mwangi Kihara

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5

Ez nizanim, tu ji min hezdikî: Ez ji te hezdikim
û ew hemî ye, û ew bes bû û rojan
ji min re dilnazîtirîn quncik avadikirin.

Min bi katijmêran ji te hezdikir û di xewnê de,
û min ji te re distira, û tu di ba min re diçû, û ew nîsan bû
û bi saya te min begemiya tena xwe zanî.

Erê, min ji te hezdikir, bereyî û kerranî.
Çawa tiştên çelmisî jihev hezdikin.
Çawa ziman nehatinê hîndibe.

JOAN FUSTER, 1922 – 1992, Êspaniya
Translated into Kurdish: Hussein Habasch

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5

Tak kutahu apakah kau mencintaiku: Aku cinta padamu
dan itu segala-galanya, dan itu mencukupi, dan hari-hari
memberiku sudut-sudut paling lembut.

Aku cinta padamu dengan gerakan masa dan dengan mimpi,
dan menyanyi tentangmu, dan kau melintas, dan ia menjadi April
dan melaluimu kuketahui keajaiban jasadku.

Ya, aku cinta padamu, perlahan dan pekak,
seperti benda-benda yang layu mencintai satu sama lain,
seperti seseorang belajar bahasa ketiadaan.

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Translated into Malay: Irwan Abu Bakar

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5

Nie wiem, czy mnie kochałaś – ja Cię kochałem
I to było wszystkim, to wystarczało, a dni
tworzyły mi najczulsze zakątki.

Kochałem Cię całymi godzinami i snem,
I śpiewałem Ci, a Ty mnie mijałaś, i przemijał kwiecień
I znałem Twój podziw dla mojego ciała.

Tak, ja Cię kochałem, powolnie i głucho,
jak uwiędłe rzeczy kochają się nawzajem
jak się uczy języka nieobecności.

JOAN FUSTER, Hiszpania (1922-1992)
Translated to Polish: Mirosław Grudzień – Anna Maria Stępień

***

5

Não sei se me amavas: eu amava-te
e isso era tudo, era o que bastava, e os dias
trabalhavam em mim os recantos mais ternos.

Amava com as horas e com o sonho,
e cantava-te, passavas e abril caía,
e a minha carne conhecia-te maravilhada.

Sim, amava-te surda e lentamente.
Como se amam as coisas que murcham.
Como se aprende o idioma da ausência.

JOAN FUSTER, Espanha (1922-1992)
Tradução portuguesa: Maria do Sameiro Barroso

***

5

Nu știu de m-ai iubit: eu te-am iubit
și asta era totul, îndeajuns, iar zilele
mă prelucrau prin ale mele crude unghere.

Te iubeam oră după oră, și te iubeam în vis,
și te cântam, iar tu treceai, aprilul se așternuse,
și carnea mea încântată prea bine te știa.

Da, te-am iubit surd și încet,
cum iubim lucrurile care se trec,
cum se învață limba despărțirii.

JOAN FUSTER, Spania (1922-1992)
Translated into Romanian by Gabriela Căluțiu Sonnenberg

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5

Я не уверена, что ты меня любил: а я тебя любила,
вот и все, этого было довольно, дни
строились из хрупких чувств.

Я любила тебя часами и мечтами,
воспевала тебя, а ты проходил мимо, и наступал апрель,
через тебя я познавала свою плоть.

Да, я тебя любила, медленно и глухо.
Как старые вещи любят друг друга.
Как познают язык отсутствий.

Джоан Фустер, Испания
Перевод на русский язык Дарьи Мишуевой
Translated into Russian: Daria Mishueva

***

5

Ne znam da li si me volela: voleo sam te
i to je bilo sve, i to je bilo dovoljno, i dani su mi bili
puni nežnosti.

Voleo sam te svojim vremenom i snom,
svojom pesmom,
i kad si prošla bio je april
a kroz tebe sam ukrotio
ljubopitljivost mojih čula.

Da, voleh te, spor i gluv,
kao što oni koji venu vole jedna drugog-
na način koji nas uči jeziku odsutnosti.

JOAN FUSTER, Španija (1922-1992)
S engleskog prevela S. Piksiades

***

5

Non sacciu si tu m’amasti. Jo t’amai
E chissu fu tuttu, e fu bastanti, e li jorna
Ficiru pir mia li chiù tenniri viduti.

T’amai cu li uri e cu lu sonnu
e ti cantai, e tu mi passasti a latu, e divintau aprili
e tramiti di tia canuscìu li stupuri dâ me carni.

Sì, t’amai, lentu e surdu,
comu li cosi mpassuluti s’amanu ntra d’iddi,
comu unu mpara la lingua di l’assenza.

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Traduzioni in sicilianu di Gaetano Cipolla

***

ஐந்து

என்னை விரும்பினாயா என்று எனக்குத் தெரியாது:நான்
உன்னை விரும்பினேன் அவ்வளவே
அதுவே எனக்குப் போதும் நாட்கள்
மென்மையான கோணங்ககளை செய்தன
மணிக்கணக்கில் உன்னை கனவோ டு விரும்பினேன்
உன்னைப்பாடினேன் , நீ கடந்து சென்றாய்
ஏப்ரல் மாதம் வந்தது
உன்வழி எனது தசைகளின் உணர்வுகளை அறிந்தேன்.
ஆம் நான் உன்னை விரும்பினேன்
மெதுவாகவும், செவிடாகவும்
விழுந்த விஷயங்கள் ஒன்றை ஒன்று நேசித்தன
நாட்டமற்ற மொழியை
ஒருவர் கற்றுக் கொள்கிறார்!
ஆக்கம்

JOAN FUSTER, Spain (1922-1992)
Translated into Tamil: DR. N V Subbaraman

Recueil: ITHACA 739
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