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Poésie

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L’illustre soumission (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2024




 Illustration: Johann Gosselet
    
L’illustre soumission
selon quoi la vie nous rend à la pierre
n’est pas simplement le halo
d’une lampe qui s’éteint,
mais le geste précis
d’une lampe qui jamais ne s’alluma.

Et les lampes qui jamais ne s’allumèrent abaissent les visages
et les filtrent au sûr tamis de la terre.

Peut-être le seul objet de la vie est-il de refléter le corps aveugle
des lampes qui jamais ne s’allumèrent.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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CHERCHE TA PLACE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



 Illustration: Robert Cattan
    
CHERCHE TA PLACE

Je m’en vais cheminant, cheminant, dans ce monde,
Chaque jour je franchis un nouvel horizon.
Je cherche pour m’asseoir le seuil de ma maison
Et mes frères et soeurs pour entrer dans leur ronde.

Mais las ! J’ai beau descendre et monter les chemins,
Nul toit rêveur ne m’a reconnue au passage,

Et les gens que j’ai vus ont surpris mon visage
Sans s’arrêter, sourire et me tendre les mains.
Va plus loin, va-t’en ! qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place…

J’ai vu sauter dans l’herbe et rire au nez du vent
Des filles pleines d’aise et de force divine

Qui partaient, le soleil sur l’épaule, en avant,
L’air large des pays en fleurs dans la poitrine…
Ah ! pauvre corps frileux même sous le soleil
Qui sans te ranimer te surcharge et te blesse.

Toi qu’un insecte effraye, ô craintive faiblesse,
Honteuse d’être pâle et d’avoir tant sommeil.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Ainsi qu’à la Saint-Jean les roses de jardin,
Fleurs doubles dont le coeur n’est plus qu’une corolle,
J’ai regardé fleurir autour de leur festin
Les reines, les beautés qu’on aime d’amour folle.

Las ! je t’ai vue aussi, toi, gauche laideron,
Mal faite, mal vêtue, âme que son corps gêne,

Herbe sans fleur que le vent sèche avec sa graine
Et que ne goûterait pas même un puceron…
Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

De rien sachant tout faire, ici menant le fil,
Puis là, dessus, dessous, vite, vite, des fées,

Sous leurs doigts réguliers trouvent un point subtil,
Sans avoir l’air de rien, calmes et bien coiffées…
Toi qui pour ton travail uses le temps en vain,
Toi dont l’aiguille borgne, attentive à sa piste,

Pique trop haut, trop bas, choppe, accroche, résiste,
Prise aux pièges du fil tout le long du chemin,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, fermes esprits, têtes pleines de mots,
Connaissent tout : les dieux, les pays, leur langage,
Les causes, les effets, les remèdes, les maux,
Les mondes et leurs lois, les temps et leur ouvrage…

Tête qui fuis, et tel un grès à filtrer l’eau.
Laisse les mots se perdre à travers ta cervelle,
Ignorante qui crois que la terre est nouvelle
Tous les matins, et tous les soirs le ciel nouveau,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres ont pris leur rêve au piège et l’ont tout vif
Enfermé malgré lui dans leur strophe sonore
D’airain vaste, d’or calme ou de cristal plaintif,
Et l’applaudissement des hommes les honore…

Mais toi ! Tes rêves, comme un vol de moucherons,
T’étourdissent, dansant autour de tes prunelles,
Et ta main d’écolier trop lente pour leurs ailes
Sans en saisir un seul s’égare dans leurs ronds.

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

D’autres, se retirant à l’ombre de leurs cils,
Patients, cherchent la vermine de leur âme
Et pèsent dans l’angoisse avec des poids subtils
Son ombre et sa clarté, sa froidure et sa flamme.

Mais toi qui cours à Dieu comme un petit enfant,
Sans réfléchir, toi qui n’as pas d’autre science
Que d’aimer, que d’aimer et d’avoir confiance
Et de te jeter toute en ses bras qu’Il te tend,

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Sans beauté ni savoir, sans force ni vertu,
Être qui par hasard ne ressemble à personne,
Je sais bien qui je suis, l’amour ne m’est pas dû
Et ne pas le trouver n’a plus rien qui m’étonne.

Mais malgré moi j’ai mal… De l’hiver à l’hiver,
Je m’en vais et partout je me sens plus lointaine,
Seule, seule, et le coeur qu’en silence je traîne
Me semble un poids trop lourd, sombre, inutile, amer…

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

Bah ! c’est au même lieu que les chemins divers
Aboutissent enfin, le mien comme les vôtres.
Bonne à rien que le sort conduisit de travers,
Je ferai mon squelette aussi bien que les autres.

Mais où me mettrez-vous, mon Dieu ?… Pas en enfer ;
Je n’eus pas dans le mal assez de savoir-faire.
Et pas au paradis : je n’ai rien pour vous plaire…
Hélas ! me direz-vous comme le monde hier :

Va plus loin, va-t’en ! Qui te connaît ? Passe !
Tu n’es pas d’ici, cherche ailleurs ta place.

N’aurai-je au dernier jour ni feu, ni lieu, ni toit
Où reposer enfin ma longue lassitude ?
Ou m’enfermerez-vous — hélas ! que j’aurai froid ! —
Dans une lune vide avec ma solitude ?…

Mais à quoi bon, Seigneur, chercher la fin de tout ?
Vous arrangerez bien ceci sans que j’y songe.
Je m’en vais, mon chemin dénudé se prolonge…
Vous êtes quelque part pour m’arrêter au bout.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Dans la chambre (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 12 novembre 2023



Illustration
    
Dans la chambre une deuxième fenêtre donnait sur un arbre.
Une brise avait pour lui des délicatesses d’amoureuse.
Des moineaux jaillissaient du feuillage comme des poèmes insoucieux d’être lus.
Il faut beaucoup pardonner à cette vie incompréhensible.
Il faut tout lui pardonner pour cette douceur inouïe qu’elle exerce par surprise.

La souplesse d’un feuillage plus affolante qu’une nudité de femme.
La patience de vitraux qui filtrent la lumière de l’univers,
pour qu’en fonçant sur nous elle ne nous accable pas mais nous apaise.

Le sens de cette vie qui n’a pas de sens, je le connaissais là,
dans le répondant d’une feuille à la brise,
comme dans le babil d’un bébé vitrail (deux barres, pas plus)
que le soleil lavait à hauteur d’homme, à l’entrée de l’abbatiale,
la meilleure place pour un mendiant.

(Christian Bobin)

Recueil: La nuit du coeur
Editions: Gallimard

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DUO D’AMOUR FOU (extrait « Epiphanies ») (Henri Pichette)

Posted by arbrealettres sur 3 novembre 2023



   

Illustration: Henri Matisse

    
DUO D’AMOUR FOU (extrait « Epiphanies »)

La scène est au soleil de midi, l’été, entre plaine et forêt.

Le Poète : Le lit des choses est grand ouvert.
Je me suis endormi, pensant que c’était trop beau
et que la terre s’échapperait.
Je craignais tout des ventilations absurdes d’une nuit en colère.
Les matins me fustigeaient.
Je vivais crédulement.
Sourcier infatigable, je cherchais l’Orifice originel,
premier ouvrage par où passer la tête et crier au Soleil.

J’ai trouvé ! Je confectionne sur mesure une amoureuse.
Ma femme sera mon paysage sensuel, le diorama de mon âme.
Le monde s’est embelli.
J’aspire littéralement l’avenir.
La clarté du jour m’assiste.
Je grimpe à l’échelle de corde de l’enthousiasme.
O c’est plus que jamais l’heure des diamants érectiles !

Les alentours se métamorphosent.
De coutume le cœur de la biche ne boule pas ainsi, l’eau a moins de charme,
les oiseaux ne tombent pas si verticalement sur le ciel,
l’air n’offre pas sa charpente avec autant de pompe ou de vigueur.
Je vois enfin le plus beau frisson de l’arbre.
Et le silence a trop vite plongé son glaive dans la pierre
pour que je ne devine rien : Tu es là.

L’Amoureuse : Je t’aime.

Le Poète : Je t’ai vue de toutes parts.
Je n’osais décoller tes lèvres du poème.
Il y a tant de choses qui nous invitent
aux festins de la terre.
Toi présente je n’ai plus que ta vérité
pour sauver les mots de leur honte.
Je voudrais pouvoir me taire.
Or pourquoi ai-je toujours une question à poser ?

L’Amoureuse : Dis-moi.

Le Poète : A quoi reconnais-tu que je t’aime ?

L’Amoureuse : A ta volonté. Et toi ?

Le Poète : Au plaisir que tu as à m’obéir.

L’Amoureuse : Ne suis-je point ta femme ?

Le Poète : Il est vrai.
Tu te donnes fière, fine, florissante, agenouillée,
rejetée en arrière, arche harmonieuse
d’où les serviteurs fous de lumière s’envolent ;
étale, pour tracer à la langue les routes fraîches qui mènent au cri.

L’Amoureuse : Quand il fait jour je pense à la nuit

Le Poète : et la nuit je fêle ta voix,
je m’initie à ton parfum, tes seins fermissent,
tu tires mes yeux

L’Amoureuse : et tu me frises
et me tutoies avec des gants.

Le Poète : Je tords la joie de vivre.
Je te visite entière. Je t’irise.
A mon aise je t’incendie.

L’Amoureuse : Tu me parcours

Le Poète : C’est alors que j’oublie le revers des villes,
le souci de vivre au milieu des flèches.
Je retrouve intacte mon enfance.
Je jouerais des siècles avec tes boucles.
Je t’emmènerai au Pays des Manières limpides.
Je t’accrocherais un cristal de neige éternelle au corsage.
Tu choisirais tes lacs, tes rives, tes chaînes de montagnes.
Tu commanderais ton ciel, ta saison, les robes des lendemains.
Pour toi, sur les chemins de ronde,
nous sortirions minuit de nos poches
et nous ferions du feu.

L’Amoureuse : Comme je t’appartiens !
Tu as le sens des mouvements qui me grisent,
et la diction d’un fanal.
Mes flots se teintent.
Tu renverses l’azur en moi.
Tu jalonnes mon ventre d’ifs tout allumés.
C’est la fête. Je t’accompagne.

Nous descendons au ralenti un escalier de pourpre,
je me voile dans l’écume, le vent se lève,
tu t’effaces devant les portes, où suis-je ?
Mais tu ne réponds pas, tu m’inspires des flambeaux de passage,
tu déplies soigneusement la volupté, tu détournes ma soif,
tu me prolonges, tu me chrysalides
et je suis de nouveau élue.

Alors je danse, je danse, je danse !
comme une flamme debout sur la mer !
les paupières fermées. Je suis nue, j’en ai conscience
et je te remercie parce que la fin de la folie est imprévisible.
Tu échafaudes des merveilles.
Tu me crucifies à toi.
Je suis bien.

Laisse-moi te dire : j’ai besoin d’être voyagée comme une femme.
Depuis des jours et des nuits tu me révèles.
Depuis des nuits et des jours
je me préparais à la noce parfaite.
Je suis libre avec ton corps.
Je t’aime au fil de mes ongles,
je te dessine.
Le cœur te lave. Je t’endimanche.
Je te filtre dans mes lèvres.
Tu te ramasses entre mes membres.
Je m’évase.
Je te déchaîne

Le Poète : Je t’imprime

L’Amoureuse : je te savoure

Le Poète : je te rame

L’Amoureuse : je te précède

Le Poète : je te vertige

L’Amoureuse : et tu me recommences

Le Poète : je t’innerve te musique

L’Amoureuse : te gamme te greffe

Le Poète : te mouve

L’Amoureuse : te luge

Le Poète : te hanche te harpe te herse te larme

L’Amoureuse : te mire t’infuse te cytise te valve

Le Poète : te balise te losange te pylône te spirale te corymbe

L’Amoureuse : l’hirondelle te reptile t’anémone
te pouliche te cigale te nageoire

Le Poète : te calcaire te pulpe te golfe te disque

L’Amoureuse : te langue le lune te givre

Le Poète : te chaise te table te lucarne te môle

L’Amoureuse : te meule

Le Poète : te havre te cèdre

L’Amoureuse : te rose te rouge te jaune
te mauve te laine te lyre te guêpe

Le Poète : te troène

L’Amoureuse : te corolle

Le Poète : te résine

L’Amoureuse : te margelle

Le Poète : te savane

L’Amoureuse : te panthère

Le Poète : te goyave

L’Amoureuse : te solive te salive

Le Poète : te scaphandre

L’Amoureuse : te navire te nomade

Le Poète : t’arque-en-ciel

L’Amoureuse : te neige

Le Poète : te marécage

L’Amoureuse : te luzule

Le Poète : te sisymbre te gingembre
t’amande te chatte

L’Amoureuse : t’émeraude

Le Poète : t’ardoise

L’Amoureuse : te fruite

Le Poète : te liège

L’Amoureuse : te loutre

Le Poète : te phalène

L’Amoureuse : te pervenche

Le Poète : te septembre octobre novembre décembre
et le temps qu’il faudra

(Henri Pichette)

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RENAISSANCE (Odette Romeu)

Posted by arbrealettres sur 15 septembre 2023




    
RENAISSANCE

Depuis que dans mon âme un elfe vaporeux
Vint toucher du doigt toutes choses
Pour la première fois dans le jardin ombreux
J’ai respiré l’odeur des roses

Tout est neuf maintenant, les arbres rassurés
Le murmure apaisant des vagues
Les vrilles de la vigne aux anneaux resserrés
Prêtes à me sertir de bagues

La lune qui s’étale, éparse en flots distraits
Sur le vif-argent d’un feuillage
La nuit phosphorescente où filtrent des secrets
La promesse d’or d’un rivage

Les algues, les varechs, l’univers enchanté
Qu’un reflux découvre à mer basse
Le temps qui se suspend, le bloc d’éternité
Où se fige l’instant qui passe

J’ai bu comme un enfant dans le creux de ma main
Au ruisseau qui me vit renaître
J’ai savouré le miel qui coulait d’un raisin
Pour la première fois peut-être

La mer s’est entr’ouverte et j’ai sondé la mer
Tout au fond brillait une aurore
Et si d’un même élan je sonde aussi l’éther
Qu’y vais-je découvrir encore ?

(Odette Romeu)

Recueil: Sur les rives du Jourdain
Editions: émergences

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A la Santé (Guillaume Apollinaire)

Posted by arbrealettres sur 1 novembre 2022




Illustration: Vincent Van Gogh
    
A la Santé

I

Avant d’entrer dans ma cellule
Il a fallu me mettre nu
Et quelle voix sinistre ulule
Guillaume qu’es-tu devenu

Le Lazare entrant dans la tombe
Au lieu d’en sortir comme il fit
Adieu Adieu chantante ronde
Ô mes années ô jeunes filles

II

Non je ne me sens plus là
Moi-même
Je suis le quinze de la
Onzième

Le soleil filtre à travers
Les vitres
Ses rayons font sur mes vers
Les pitres

Et dansent sur le papier
J’écoute
Quelqu’un qui frappe du pied
La voûte

III

Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène
Tournons tournons tournons toujours
Le ciel est bleu comme une chaîne
Dans une fosse comme un ours
Chaque matin je me promène

Dans la cellule d’à côté
On y fait couler la fontaine
Avec le clefs qu’il fait tinter
Que le geôlier aille et revienne
Dans la cellule d’à coté
On y fait couler la fontaine

IV

Que je m’ennuie entre ces murs tout nus
Et peint de couleurs pâles
Une mouche sur le papier à pas menus
Parcourt mes lignes inégales

Que deviendrai-je ô Dieu qui connais ma douleur
Toi qui me l’as donnée
Prends en pitié mes yeux sans larmes ma pâleur
Le bruit de ma chaise enchainée

Et tour ces pauvres coeurs battant dans la prison
L’Amour qui m’accompagne
Prends en pitié surtout ma débile raison
Et ce désespoir qui la gagne

V

Que lentement passent les heures
Comme passe un enterrement

Tu pleureras l’heure ou tu pleures
Qui passera trop vitement
Comme passent toutes les heures

VI

J’écoute les bruits de la ville
Et prisonnier sans horizon
Je ne vois rien qu’un ciel hostile
Et les murs nus de ma prison

Le jour s’en va voici que brûle
Une lampe dans la prison
Nous sommes seuls dans ma cellule
Belle clarté Chère raison

(Guillaume Apollinaire)

Recueil: La Liberté en poésie
Traduction:
Editions: Folio junior

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TRANSFIGURATION (Giuseppe Ungaretti)

Posted by arbrealettres sur 19 juillet 2022



 

TRANSFIGURATION
[…]
Comme un nuage
Je me filtre
au soleil

Je me sens épandu
dans un baiser
qui me consume
et m’apaise

(Giuseppe Ungaretti)

Illustration: Seiki Kuroda

 

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La vision nue (Juliette Darle)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2022




    
La vision nue
à Anne Hoang

Son regard est seul à voir
l’innocence du passant

L’image en porterait preuve

La lumière sans dérive
réinvente la vie même

Anne longue nostalgie

l’aube pleure son absence
sa voyance Tu n’as plus

que son reflet dans le doute

La pure exigence semble
venir d’une autre planète

Son sourire parfois filtre
sous la belle heure qui passe

(Juliette Darle)

 

Recueil: Poésie au féminin
Traduction:
Editions: Folio

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Des profondeurs de l’enfer de la terre (Franz Hellens)

Posted by arbrealettres sur 15 juillet 2021


 


Kathryn Jacobi 17

Des profondeurs de l’enfer de la terre
Je crie vers vous, lumière
De midi, nuages, ciel étoilé,
Gouffre du ciel insensible
A nos maux comme aux sources du blé,
Fureur des éléments et dont l’homme est la cible,
Calme trompeur des eaux suspendues
Et des trous dans le ciel
Par où filtre l’espoir, ce fiel
Que distillent les nues,
Dont chaque étoile
Est une goutte qui tombe
Dans notre bouche ouverte comme un puits
Plus sec que le fond de la tombe,

(Franz Hellens)

Illustration: Kathryn Jacobi

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Imagination d’enfant (Sri Aurobindo)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2020




    
Imagination d’enfant

Ô toi image d’or,
miniature du bonheur,
au parler tendre et doux !
chaque mot mérite un baiser.

Étrange, distante, splendide
la pure fantaisie de l’enfance
tressaille à des pensées insondables pour nous,
vives et obscures félicités.

Quand les yeux deviennent graves
et que le rire s’éteint,
la Nature se souvient des jeux de titan
de son enfance toute-puissante :

forêts où filtre le soleil,
et habitent les elfes,
assemblées de géants, rencontres de titans,
fantaisies d’un jeune dieu.

Ces images te reviennent
dans le mystère de tes pensées ;
en ton coeur Dieu se souvient
de toutes les merveilles qu’Il a faites.

(Sri Aurobindo)

 

Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust

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