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Pense aux autres (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
Pense aux autres

Pense aux autres

Quand tu prépares ton petit-déjeuner,
pense aux autres.
(N’oublie pas le grain aux colombes.)

Quand tu mènes tes guerres, pense aux autres.
(N’oublie pas ceux qui réclament la paix.)

Quand tu règles la facture d’eau, pense aux autres.
(Qui tètent les nuages.)

Quand tu rentres à la maison, ta maison,
pense aux autres.
(N’oublie pas le peuple des tentes.)

Quand tu comptes les étoiles pour dormir,
pense aux autres.
(Certains n’ont pas le loisir de rêver.)

Quand tu te libères par la métonymie,
pense aux autres.
(Qui ont perdu le droit à la parole.)

Quand tu penses aux autres lointains,
pense à toi.
(Dis-toi : Que ne suis-je une bougie dans le noir ?)

(Mahmoud Darwich)

Recueil: Comme des fleurs d’amandiers ou plus loin
Editions: Actes Sud

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LE PRÉNOM DES CHOSES (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024




    
LE PRÉNOM DES CHOSES

Devrons-nous inventer le prénom des objets ?
Ils possèdent un nom, un nom d’état civil,
Mais dans l’intimité des choses faudra-t-il
Leur donner le petit nom qui les rapprocherait?

Est-ce que oui, non, Louis est le prénom de l’or?
L’échelle au creux des lits se prénomme Escabelle?
Est-ce que les chapeaux, quand entre eux ils s’appellent
Usent intimement d’un affectif Rebord?

Serait-ce Rémoulade un prénom pour la lame?
Ou vaut-il pour la pierre ? À moins que ce ne fût
Le vrai nom du fusil caché dans les affûts.

Le beau diminutif que les objets réclament!
On les connaîtrait mieux si on les savait autres
Et ainsi ils seraient véritablement nôtres.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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Rage (Jean-Luc Raharimanana)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration
    
Rage

Parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Parfois une bouffée de rage
Soudaine
Impérieuse
Qui ramène les entrailles à la surface
Qui ramène au ressenti ce qui n’a pas été vécu

Parfois une bouffée de rage
sur ce qui aurait dû s’achever
Les noeuds coulants du passé
qui auraient dû se défaire sur la danse du temps

Et je comprends que je suis corps-tombeau
de mes ancêtres sans sépultures
Leurs funérailles sont dans l’envol de mes seuls gestes
Et dans les tracés que je pose sur mes seuls déplacements
Le seul son de ma bouche est le chant qu’ils ont ravalé
au moment de la chaîne garrottant leurs cous

Mais je suis né dans le fleuve oubli
Le flux des événements qui se précipitent
et qui effacent tout autre regard
n’appartenant pas au jour prochain
J’ai oublié,

Mais parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Mais parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Soudaine
Impérieuse

Les chants qui proviennent de mon ventre
réclament une bouche pour dire.

(Jean-Luc Raharimanana)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Editions: Bruno Doucey

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Il se jure (Constantin Cavafis)

Posted by arbrealettres sur 30 décembre 2023



Illustration: Pascal Renoux
    
Il se jure

Il se jure régulièrement inaugurer une vie meilleure.
Mais lorsque vient la nuit avec ses invites,
avec ses consentements et ses promesses ;
Mais lorsque vient la nuit avec sa force propre,
celle du corps qui exige et réclame,
il s’élance à nouveau, éperdu, vers la même joie fatale.

(Constantin Cavafis)

Recueil: Poèmes anciens ou retrouvés
Traduction: Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Editions: Seghers

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Bergeries (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 9 octobre 2023




    
Bergeries
(extrait)

Suppose

Que près de toi mes jours
Aient un cours trop rapide

Et que je te demande
De faire de mon temps

Un temps de végétal
Pas pressé de fleurir.

Suppose

Que le bois de la table
Réclame ses racines

Et que je te demande
De nous y prendre ainsi

Qu’il ait surtout besoin
Du toucher de nos mains.

Suppose

Que la fleur soit si drue
Que c’est trop de défi

Et que je te demande
De m’apprendre à la voir

Sans penser que c’est nous
Que sa mort atteindra.

Suppose

Qu’un couple de mésanges
Cogne à notre fenêtre

Et que je te demande
De les laisser cogner

Jusqu’à ce qu’on nous parle
Un langage entendu.
[…]

Suppose

Que l’horloge s’arrête
En éclatant de rire

Et que je te demande
De lui dire que rien

N’est changé pour cela
À ce que fait le temps.
[…]

Suppose

Qu’un ange rencontré
Nous offre un paradis

Et que je te demande
Que nous nous écartions

Et le laissions tout seul
Raconter son velours.

(Eugène Guillevic)

Recueil: Bergeries
Editions: Gallimard

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UN MORT M’ATTEND A LA MAISON (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023



Illustration: Pablo Picasso
    
UN MORT M’ATTEND A LA MAISON
En mémoire du lieutenant Félix Roy.

Rien n’est plus à moi seul aujourd’hui
En ouvrant trop vite une porte
je traverse parfois cette ombre
qui attend mon retour
et je n’ai plus qu’à m’excuser

Rien n’est plus à moi seul aujourd’hui
mais ce mort mon ami réclame sa part
avec ce lent poids de silence malhabile
qu’il étend depuis le jour
où cette mitrailleuse invisible
a parlé plus fort et plus dur que lui
dans le petit matin qui sortait des forêts

Rien n’est plus à moi seul aujourd’hui

Il faut que je garde pour lui
ce soleil dans les bois d’automne

ce peu de feuillage qui luit
la joie tranquille qu’il me donne

Il faut que je garde pour lui
Ce sourire où je me repose
et la fraîcheur de cette pluie
qui n’effeuillera pas les roses

Il faut que je garde pour lui
ce creux d’épaule et sa chaleur
un peu de ce plaisir des nuits
un peu de jour et de bonheur

Je partageais avec toi mes billes
maintenant un peu de ma vie O mort
mort qui m’attend à la maison.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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Ils vivent, Dieu, ils respirent (Cécile Sauvage)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2023



    

Ils vivent, Dieu, ils respirent,
Des femmes vont leur sourire.
De quel pâle souvenir
S’aideront-ils pour mourir ?
Ah ! que le coeur enfantin
Des hommes est tendre encore
Quand monte l’aurore
Du dernier matin !

Vers quel bercement de femme
Se retournent-ils alors ?
Ô pauvre homme, tu t’endors
Et quelle nuit te réclame !

(Cécile Sauvage)

Recueil: Oeuvres complètes
Editions: La Table Ronde

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Ce coeur que vous m’avez fait (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 30 Mai 2023



    

Ce coeur que vous m’avez fait, blessé d’avance,
Puisque nul n’en a besoin pour le sien,
Puisque, si je tombe en quelque puits immense,
A personne autour il ne manquera rien,

Puisque personne hors vous n’a vu mon âme,
Mieux vaudrait peut-être — ô Dieu, ne craignez pas,
Si vous la tuez, que quelqu’un la reclame —
Peut-être en finir avec elle tout bas,

En finir pour la guérir d’être immortelle —
Immortels seront les autres. Me guérir
Par pitié, d’être sans fin à cause d’elle
Ce mal qui ne peut ni vivre ni mourir.

Je passerai… je n’aurai plus jamais de moi,
Plus jamais ni vent ni nouvelle…

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Seigneur, qui tenez entre vos doigts mon âme (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 Mai 2023



    

Seigneur, qui tenez entre vos doigts mon âme
Comme une chandelle de pissenlit mûr
Dont le vent vous réclame Ailleurs les cent ailes;
Qui la tenez frémissante au bord du monde…

Ô Dieu! qu’allez-vous faire !…
Ah! ne me livrez pas si faible à l’espace…
Laissez-moi sans vivre, …
laissez-moi sans être !

N’ouvrez pas au jour hostile qui s’êlance
La nuit de mon somme,
Pour me jeter tremblante encore de silence
Dans le bruit des hommes.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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PLUIE (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2023




    
PLUIE

Des arbres, des buissons, sans trêve,
Une tiède pluie d’été
Coule ; oh, bonheur, félicité
De retrouver mon soûl de rêve !

Longtemps au soleil je vécus ;
J’en oubliais ce que veut dire
Habiter mon âme en reclus,
Sans que rien d’étranger m’attire.

Je ne veux, ne réclame rien.
Semblable à l’enfant, je chantonne
Et vers mes rêves je reviens
Dont la chaude splendeur m’étonne.

Ô coeur saignant de désespoir,
Vivre en aveugle est joie profonde ;
Ne rien penser, ne rien savoir,
Sentir, sentir, rien d’autre au monde !

***

REGEN

Lauer Regen, Sommerregen,
Rauscht von Büschen, rauscht von Bäumen,
Oh, wie gut und voller Segen,
Einmal wieder satt zu träumen !

War so lang im Hellen draußen,
Ungewohnt ist mir dies Wogen :
In der eignen Seele hausen,
Nirgend fremdwärts hingezogen.

Nichts begehr ich, nichts verlang ich,
Summe leise Kindertöne,
Und verwundert heim gelang ich
In der Träume warme Schöne.

Herz, wie bist du wundgerissen,
Und wie selig, blind zu wühlen,
Nicht zu denken, nicht zu wissen,
Nur zu fühlen, nur zu fühlen !

(Hermann Hesse)

Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti

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