Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘fable’

Par l’ample mer (Melin de Saint-Gelais)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2023



Illustration: Teofil Kwiatkowski
    

Par l’ample mer, loin des ports et arènes
S’en vont nageant les lascives sirènes
En déployant leurs chevelures blondes,
Et de leurs voix plaisantes et sereines,
Les plus hauts mâts et plus basses carènes
Font arrêter aux plus mobiles ondes,
Et souvent perdre en tempêtes profondes ;
Ainsi la vie à nous si délectable
Comme sirène affectée et muable,
En ses douceurs nous enveloppe et plonge,
Tant que la Mort rompe aviron et câble,
Et puis de nous ne reste qu’une fable,
Un moins que vent, ombre, fumée et songe.

(Melin de Saint-Gelais)

Recueil: Max-Pol Fouchet La poésie française Anthologie thématique
Editions: Seghers

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Avant l’instant (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2023



Illustration : Energie Noire 
    
Avant l’instant,

Avant l’effraction, la fracture,
Avant la matière sombre des âges,
Avant l’azur des jours et des nuits,
Rien que l’énergie noire.

Avant le secret,
Avant le gong du silence, la blessure,
Avant la résurgence des mystères,
Avant le palimpseste des métaphores,
Rien que l’énergie noire.

Avant l’inconnu,
Avant l’abîme à naître, la brûlure,
Avant la mise en ordre du chaos,
Avant le nom même du néant,
Rien que l’énergie noire.

Avant l’effroi,
Avant l’incendie sans ravage, la démesure,
Avant le déluge aride,
Avant la forge implacable des destinées,
Rien que l’énergie noire.

Avant la perte,
Avant la dépense sans retour, l’aventure,
Avant la part souveraine et maudite,
Avant l’insoutenable beauté,
Rien que l’énergie noire.

Avant la fable,
Avant l’hypothèse de Dieu, l’augure,
Avant le battement de paupières du désastre,
Avant l’ironie de tout cela,
Rien que l’énergie noire.

Avant le réel,
Avant le swing de la raison, la rature,
Avant l’idée du compte à rebours,
Avant le premier zéro,
Rien que l’énergie noire.

Avant la vision,
Avant l’agonie de l’origine, l’obscure,
Avant le continuum des limbes,
Avant l’écoute calcinée des nébuleuses,
Rien que l’énergie noire.

Rien que le rien,
Rien que l’autre versant,
Rien que l’autre rive,
Rien que le bord à bord de l’absence,
Rien que l’énergie noire.

(André Velter)

Recueil: Séduire l’univers précédé de à contre peur
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

C’est la nuit de l’impensable étincelle (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 21 octobre 2023




    
C’est la nuit de l’impensable étincelle,
aveuglante en ce qu’elle est
d’instinct et d’évidence
alors qu’elle brûle encore et la peau et les os.

Étrange message,
jailli du tréfonds d’un jadis meurtrier,
pour qu’il n’y ait pas d’univers étranger
au grand charroi des enchantements simples,

des révélations d’or sans âge,
qui du don à l’abandon,
ne relèvent que d’un frisson transparent,
effluve de fable vraie.

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

NOCTURNE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023



Illustration 
    
NOCTURNE

Patte de chat tout doucement
le jour se souvient d’être nuit
Un peu d’obscur un peu de vent
les étoiles et ce qui s’ensuit
viennent sur la pointe des pieds
ils s’avancent de toute part
dans le ciel et ses escaliers
et la nuit s’installe au hasard
sur l’île et la plage et la mer
dès que les oiseaux qui s’enfuient
laissent la place aux messagers
qui annonceront minuit
Puis les lézards vont se coucher
passant le mot aux vers luisants

Trente cri-cris dans les rochers
lamentent le soleil couchant
La mer chante à bouche fermée
l’épaisse nuit de ses poissons
l’obscurité de ses forêts
et de ses plaines sans moissons
Je suis la Nuit dit l’arrivant
en débarquant sur le rivage
Ses pieds s’enfoncent dans le sable
dans les étoiles son visage
et ses mains ourdissent des fables
de fraîcheur et d’obscurité
qui nous entourent tous les deux

Mais sur le sable auprès de moi
ton corps désaltéré de jour
ta peau crissante comme soie
luit doucement parmi l’obscur
Un peu de soleil prisonnier
s’évapore en secret de toi
et quand je caresse tes seins
tout ce qui reste du soleil
glisse doucement dans mes mains
tout ce qui reste du soleil
tout ce qui sera le matin.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

J’aimais la mort (Claude Esteban)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2023


Munch_cri

 

J’aimais la mort.
Je le disais.
Je l’écrivais sur chaque feuille blanche.
La mort était un mot, rien d’autre.
Un mot très pur.
Je t’écrivais sans que mon corps comprenne.
Quand il a vu, il a crié.
Il a chassé ce qui n’était pas lui, les mots, les fables.
Le soir venait.

(Claude Esteban)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , | 6 Comments »

FABLE ET LABYRINTHE (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
FABLE ET LABYRINTHE

La petite fille ouvrit une porte et se perdit
dans la Tour du Vent
et chemina dans le froid et eut soif
et pleura de peur.
Tour du Vent où chaque cri s’amplifie
interminablement sans rencontrer d’écho.

La petite fille se trouvait dans cette Tour,
dans cette Tour vieille comme mon corps, abandonnée,
seule, en ruine comme mon corps.
Cherche-la dans la Tour, suis-la,
suis les empreintes de son pied menu,
l’odeur de jasmin de ses cheveux
et ses mains qui coulent comme deux ruisseaux
et ses yeux égarés.
Tout ici est bien gardé,
bien caché et prisonnier.
Appelle-la, d’un cri fais s’écrouler le mur,
rends-lui la vie avec ton sang si elle est morte.

Ensuite d’une langue abjecte et triste de chien affamé
j’ai léché son ombre jusqu’à l’effacer
et de mon deuil j’ai insulté le jour
et j’ai traîné mes sanglots sur le sol.
Regarde-moi dans mon coin, les cheveux défaits,
comme un jouet cendreux qui roucoule :
je donne le sein à un petit fantôme
tandis que l’araignée tisse sa toile d’épaisse fumée.
Regarde-moi : j’ai ouvert une porte et je me suis perdue
dans la Tour du Vent.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Les fables (Gödel)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023


caverne_2

seules les fables représentent le monde
comme il doit l’être
en lui donnant du sens

(Gödel)

Posted in méditations | Tagué: , , , , | 2 Comments »

Les sources naissent des pierres (Jean Claude Renard)

Posted by arbrealettres sur 28 décembre 2022



 

Les sources naissent des pierres.
Elles ont, dans l’herbe,
Le goût des framboises.
Des coqs blancs traversent les falaises.
En amont, en aval
L’échéance du sang conduit à l’origine.
Même la neige annonce les îles.
Elles luisent la nuit
Avec les eaux sacrées.
Ces fêtes vertes, ces fables
N’extraient du fleuve que l’enfance.
Chaque banc de sable est beau comme un buisson de laine
Où le feu prophétise
Qu’il y aura, demain,
Des villes sous les branches.
La mort est pure dans l’estuaire
– Et la transparence habitable.
Je parle en elle
La langue du dieu frais.

(Jean Claude Renard)

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

On voyage en fraude (Jean-Marie Barnaud)

Posted by arbrealettres sur 16 novembre 2022




    
[…]

on voyage en fraude
Par ces contrées illicites
On répète la fable
On invente un masque de carnaval
Un squelette dérisoire
À croupetons sur la faux du temps

On croit apprivoiser l’innommable
Mais on s’égare
On perd sa propre trace
On crie alors
Sans que la voix se fasse entendre

Et cependant
Les sables mouvants
Nous tirent

On s’enfonce

Même si

(Jean-Marie Barnaud)

 

Recueil: Sous l’imperturbable clarté Choix de poèmes 1983-2014
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Fable (Claude Haller)

Posted by arbrealettres sur 17 juin 2022




    
Fable

Il est né
Disait-il
Pour aimer

Pour aimer qui
Pour aimer quoi
Il ne le savait pas

Il a donc attendu
Attendu qui
Attendu quoi
Attendu qu’il ne le savait pas

Ce qui est dur
D’attendre
C’est qu’à la fin
Et sans savoir pourquoi
Les dés en sont jetés
Et votre vie avec

Quand on vous dit
D’aimer
Sans attendre
Qu’attendez-vous

(Claude Haller)

Recueil: Poèmes du petit matin
Traduction:
Editions: Hachette

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »