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ÉTRANGER DANS UNE VILLE LOINTAINE (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024




    
ÉTRANGER DANS UNE VILLE LOINTAINE

Quand j’étais petit
Et beau,
La rose était ma demeure,
Les sources étaient mes mers.
La rose est devenue blessure
Et les sources sont, désormais, soifs.
— As-tu beaucoup changé ?
— Je n’ai pas beaucoup changé.
Lorsque nous rentrerons comme le vent
A la maison,
Scrute mon front.
Tu y verras les roses, palmiers,
Les sources, sueur,
Et tu me retrouveras, tel que j’étais,
Petit
Et beau…

(Mahmoud Darwich)

 

Recueil: La terre nous est étroite
Traduction: Elias Sanbar
Editions: Gallimard

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C’est avec nous que tout vivra (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024




    
C’est avec nous que tout vivra

Bêtes mes vrais étendards d’or
Plaines mes bonnes aventures
Verdure utile villes sensibles
A votre tête viendront des hommes

Des hommes de dessous les sueurs les coups les larmes
Mais qui vont cueillir tous leurs songes

Je vois des hommes vrais sensibles bons utiles
Rejeter un fardeau plus mince que la mort
Et dormir de joie au bruit du soleil.

(Paul Eluard)

Recueil: Le livre ouvert 1938-1944
Editions: Gallimard

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Au lendemain des funérailles (Jean-Baptiste Para)

Posted by arbrealettres sur 19 janvier 2024



    

Au lendemain des funérailles, on commence à pétrir.
Le rituel du deuil exige que l’on cuise du pain.
La famille distribuera cette manne dans le village et les bergeries.

Des yeux rougis de sa mère, une larme tombe dans la farine.
Sur la chemise de son père, la sueur forme une croûte salée.

« Et s’il y avait autant de miches dans le four que de mots dans un livre ?
Alors j’écrirai un livre et ce sera mon offrande», dit l’enfant.

(Jean-Baptiste Para)

 

Recueil: La faim des ombres
Traduction:
Editions: Obsidiane

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Poème pour celle qui ne m’a pas vue (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2023



Illustration: Charles-Auguste Mangin
    
Poème pour celle qui ne m’a pas vue

Cet homme est un dieu, je vois bien… presque un dieu!
Sinon comment s’assiérait-il près de toi
Comment se pencherait-il pour te cueillir
Toi, et ta voix douce ?

Toi et ton rire attrape-désir! Si tu ris
Mon coeur fou se cogne à la cage de mes côtes
Il te suffit d’un instant apparaître — et
Ma voix disparaît

Et ma langue est brisée. Sous ma peau soudain
Souterrainement court un grand vent de feu
Éclat de nuit dans l’oeil — et dans mes oreilles
Vertige et silence

La sueur me prend comme un fleuve, et l’effroi
Me prend comme un chasseur au filet tremblant
L’herbe n’est pas si verte que moi, la morte
Moi, la presque morte…

Non ! De l’audace ! Je vis, j’ose, parce que…

(Sappho)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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Prendre corps (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2023



    

Illustration: Pascal Renoux

Prendre corps
(extrait)

je te flore
tu me faune

je te peau
je te porte
et te fenêtre
tu m’os
tu m’océan
tu m’audace
tu me météorite

je te clé d’or
je t’extraordinaire
tu me paroxysme

Tu me paroxysme
et me paradoxe
je te clavecin
tu me silencieusement
tu me miroir
je te montre

tu me mirage
tu m’oasis
tu m’oiseau
tu m’insecte
tu me cataracte

je te lune
tu me nuage
tu me marée haute
je te transparente
tu me pénombre
tu me translucide
tu me château vide
et me labyrinthe
tu me parallaxes
et me parabole
tu me debout
et couché
tu m’oblique

je t’équinoxe
je te poète
tu me danse
je te particulier
tu me perpendiculaire
et soupente

tu me visible
tu me silhouette
tu m’infiniment
tu m’indivisible
tu m’ironie

je te fragile
je t’ardente
je te phonétiquement
tu me hiéroglyphe
tu m’espace
tu me cascade
je te cascade
à mon tour mais toi

tu me fluide
tu m’étoile filante
tu me volcanique

nous nous pulvérisable
Nous nous scandaleusement
jour et nuit
nous nous aujourd’hui même
tu me tangente
je te concentrique

tu me soluble
tu m’insoluble
en m’asphyxiant
et me libératrice
tu me pulsatrice
pulsatrice
tu me vertige
tu m’extase
tu me passionnément
tu m’absolu

je t’absente

tu m’absurde

je te marine
je te chevelure
je te hanche

tu me hantes

je te poitrine
je buste ta poitrine
puis ton visage
je te corsage

tu m’odeur
tu me vertige
tu glisses

je te cuisse
je te caresse
je te frissonne

tu m’enjambes
tu m’insupportable

je t’amazone
je te gorge
je te ventre
je te jupe
je te jarretelle
je te peins
je te bach
pour clavecin
sein
et flûte
je te tremblante

tu m’as séduit
tu m’absorbes

je te dispute
je te risque
je te grimpe

tu me frôles
je te nage
mais toi

tu me tourbillonnes
tu m’effleures
tu me cerne
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerine rouge
et quand tu ne haut talon pas mes sens
tu es crocodile
tu es phoque
tu es fascine
tu me couvres

et je te découvre
je t’invente
parfois
tu te livres

tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dent je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine
je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues je te veines

je te main
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps je te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris

je t’écris
tu me penses

(Ghérasim Luca)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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LE SEMEUR (Odette Romeu)

Posted by arbrealettres sur 13 septembre 2023



Illustration: Vincent Van Gogh
    
LE SEMEUR

Mes pioches n’ont fendu que des terres arides
Où la soif torturante et jamais assouvie
En creusant des sillons profonds comme des rides
Dès le germe a tué toute ébauche de vie

Elles ont refermé des glèbes inutiles
Ne sachant recevoir ni larmes ni sueur
Jachères sans récolte, obstinément stériles,
Incapables d’offrir au ciel la moindre fleur

Il suffirait pourtant qu’une graine, une seule,
Rencontre un sol fécond pour que, d’oiseaux criblés
Des épis vers l’azur s’amoncellent en meule
Et semés, à leur tour, donnent des champs de blés.

(Odette Romeu)

Recueil: Sur les rives du Jourdain
Editions: émergences

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Elle tourne (Pierre Louÿs)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2023


danse nue

Elle tourne, elle est nue, elle est grave; ses flancs
Ondulent d’ombre bleue et de sueur farouche.
Dans les cheveux mouillés s’ouvre rouge la bouche
Et le regard se meurt entre les cils tremblants.

Ses doigts caressent vers des lèvres ignorées
La peau douce, la chaleur molle de ses seins.
Ses coudes étendus comme sur des coussins
Ouvrent le baiser creux des aisselles dorées.

Mais la taille, ployée à la renverse, tend
Le pur ventre, gonflé d’un souffle intermittent,
Et sous l’arachnéen tissu noir de sa robe

Ses bras tendres, avec des gestes assoupis,
Ses pieds froids sur les arabesques des tapis,
Cherchent l’imaginaire amant qui se dérobe …

(Pierre Louÿs)

Illustration

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L’attente angoissante ! (Nathalie Clifford Barney)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023



Illustration: Jeanne Fonseca
    
L’attente
Angoissante!
Cette chute du coeur en profondeur,
Qui retombe d’une telle hauteur…
Ah ! encor cette mort déçue, en sueur,
Tout ce que l’on devine
En tremblant, s’imagine
Aux minuits, aux matines
De ce Noël sans Dieu !
Nous étions deux
— Oui, deux, car chacun seul.

Ah ! lorsqu’elle viendra.
— Si jamais elle revient! —
Si bien rentrer au fond de ses yeux, de son âme,
Si bien devenir cette femme
Que jamais plus je n’attendrai
Sans la trouver.
Pouvoir me noyer, m’effacer
Jusqu’à la ressemblance sans cercles, En elle,
Et qu’elle m’emporte comme une chose morte
Vers les seuils de toutes les autres portes.
Laquelle s’est refermée sur elle?

J’attends.

(Nathalie Clifford Barney)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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Sur l’oreiller (Juliette)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2023




    

Sur l’oreiller

J’aurai beaucoup trop chaud peut-être
Il fera sombre, que m’importe
Je n’ouvrirai pas la fenêtre
Et laisserai fermée ma porte
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Votre parfum Sur L’oreiller
Laissez-moi deviner
Ces subtiles odeurs
Et promener mon nez
Parfait inquisiteur
Il y a des fleurs en vous
Que je ne connais pas
Et que gardent jaloux
Les replis de mes draps
Oh, la si fragile prison!
Il suffirait d’un peu de vent
Pour que les chères émanations
Quittent ma vie et mon divan
Tenez, voici, j’ai découvert
Dissimulées sous l’évidence
De votre Chanel ordinaire
De plus secrètes fulgurances
Il me faudrait les retenir
Pour donner corps à l’éphémère
Recomposer votre élixir
Pour en habiller mes chimères
Sans doute il y eut des rois
Pour vous fêter enfant
En vous disant « Reçois
Et la myrrhe et l’encens »
Les fées de la légende
Penchées sur le berceau
Ont fleuri de lavande
Vos yeux et votre peau
J’ai deviné tous vos effets
Ici l’empreinte du jasmin
Par là la trace de l’oeillet
Et là le soupçon de benjoin
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l’essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L’enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c’est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L’amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L’été sous la charmille
Et l’hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Pour retrouver dans mon soulier
Ma mandarine de Noël

Voici qu’au milieu des bouquets
De douces fleurs et de bonbons
S’offre à mon nez soudain inquiet
Une troublante exhalaison
C’est l’odeur animale
De l’humaine condition
De la sueur et du sale
Et du mauvais coton
Et voici qu’ils affleurent
L’effluve du trépas
L’odeur d’un corps qui meurt
Entre ses derniers draps

Avant que le Temps souverain
Et sa cruelle taquinerie
N’emportent votre amour ou le mien
Vers d’autres cieux ou d’autres lits
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Toute votre âme Sur L’oreiller

(Juliette)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Ode à une Femme aimée (Sappho)

Posted by arbrealettres sur 24 février 2023



Illustration: Lawrence Alma-Tadema
    
Ode à une Femme aimée

L’homme fortuné qu’enivre ta présence
Me semble l’égal des Dieux, car il entend
Ruisseler ton rire et rêver ton silence.
Et moi, sanglotant,

Je frissonne toute, et ma langue est brisée :
Subtile, une flamme a traversé ma chair,
Et ma sueur coule ainsi que la rosée
Âpre de la mer ;

Un bourdonnement remplit de bruits d’orage
Mes oreilles, car je sombre sous l’effort,
Plus pâle que l’herbe, et je vois ton visage
A travers la mort.

***

Εὶς ᾿Ερωμἐναν.

Φαἰνεταἰ μοι κἠνος ἲσος θἐοισιν
ἒμμεν ὤνηρ, Ὄστις ὲναντἰος τοι
ἰζἀνει, καὶ πλασίον ἇδυ φωνεύ−
σας ὑπακούει

καὶ γελαισας ἰμερόεν, τό μοι μάν
καρδίαν ἐν στήθεσιν ἐπτόασεν·
ὡς γὰρ εὔιδον βροχέως σε, φώνας
οὐδὲν ἒτ᾿ εἴκει·

(Sappho)

 

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