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Au lendemain des funérailles (Jean-Baptiste Para)

Posted by arbrealettres sur 19 janvier 2024



    

Au lendemain des funérailles, on commence à pétrir.
Le rituel du deuil exige que l’on cuise du pain.
La famille distribuera cette manne dans le village et les bergeries.

Des yeux rougis de sa mère, une larme tombe dans la farine.
Sur la chemise de son père, la sueur forme une croûte salée.

« Et s’il y avait autant de miches dans le four que de mots dans un livre ?
Alors j’écrirai un livre et ce sera mon offrande», dit l’enfant.

(Jean-Baptiste Para)

 

Recueil: La faim des ombres
Traduction:
Editions: Obsidiane

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Regarder les mains (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2023




    
Regarder les mains

Passerelles pour nos mots
Compagnes de nos visages

Ossuaire ou mouvement
Offrande ou rempart

Nos mains se calquent
sur nos ombres

Ou bien se hissent
vers nos clartés.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Je reviens d’un pays… (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2023



Illustration
    
Je reviens d’un pays…

Je reviens d’un pays plus désert que ma tête
Où les gens que j’ai vus ne me connaissaient pas.
J’étais sale, oscillant, velu comme une bête.
Des enfants me suivaient qui riaient sur mes pas,
Moi je n’entendais rien… Le soleil ni la pluie
Ne me concernaient plus… Je dormais tout debout,
Les pommiers, les iris étaient couleur de suie,
J’avançais sans espoir d’en jamais voir le bout.

Je ne connaissais rien de ces mornes contrées.
Dans ma nuit j’entendais sonner l’heure au clocher,
Des airs de limonaire, de kermesses passées,
Et je ne savais plus de quel côté pencher.
C’est affreux d’avancer sans savoir qu’on recule,
De laisser des lambeaux de soi-même partout,
De n’être en plein soleil qu’un point noir minuscule
Qui bientôt ne sera sans doute rien du tout.

Je sais que l’on m’avait retiré des organes
Mais je ne savais pas très bien lesquels… et c’est curieux
De voir en trois secondes un bouquet qui se fane,
Une rose du jour s’effeuiller sous vos yeux.
C’est une étrange affaire… alors on se demande
Où sont les vérités dans ces effondrements.
À quel Dieu présenter sa déroute en offrande ?
On dit «mourir d’amour », il faut savoir comment.

L’enfer est un pays sans fenêtre ni porte
Où la femme que j’aime est peinte en trompe-l’oeil.
Je sais bien, malgré tout, qu’il faudrait que j’en sorte.
Même si j’y parviens, qui m’attend sur le seuil ?
Je ne remonterai jamais sur ces manèges,
Mes beaux chevaux de bois ne seraient plus pareils.
Je voudrais devenir un bonhomme de neige
Et fondre doucement, en silence, au soleil…

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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CHANSON (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 Mai 2023



Illustration: Alexis Becard
    
CHANSON

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Dès le matin parmi les fleurs écloses.
Pour le trouver il effeuillait les roses
Couleur du soir, de l’aurore et du jour.
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, pâle et grise lavande,
Et tout mon cœur embaumait son chemin.
Il a passé… j’ai parfumé sa main,
Mais il n’a pas vu mes yeux pleins d’offrande.

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Au verger mûr quand midi l’ensoleille.
Pour le trouver il goûtait la groseille,
La pomme d’or, la pêche, tour à tour…
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, fraise humble à ses pieds toute,
Et mon sang mûr embaumait son chemin.
Hélas ! mon sang n’a pas taché sa main.
Il a marché sur moi, suivant sa route.

Vent du ciel ! vent du ciel ! éparpille mon cœur !
Je n’en ai plus besoin. O brise familière, Perds-le !
Dessèche en moi ma source, éteins ma fleur,
O vent, et dans la mer va jeter ma poussière !

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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OÙ LES FLEURS NE MEURENT JAMAIS (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 11 Mai 2023



Illustration: Alexandra Cecconi
    
OÙ LES FLEURS NE MEURENT JAMAIS

Vaille que vaille aime surtout
Rien n’est plus doux que l’espérance
Rien n’est plus fort que la souffrance
Sauf l’amour qui surpasse tout.

Vaille que vaille appelle un rêve
Dans le mystère des chemins
Le chant qui monte de la sève
L’offrande pauvre de tes mains.

Vaille que vaille allume un feu
Flambant d’espoir, un feu de fée
Même ton coeur en fait l’aveu
Lumineux comme une trouée.

Vaille que vaille ainsi la paix
Bonheur semblable à la prière
T’ouvrira l’immense clairière
Où les fleurs ne meurent jamais.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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MÉMORIAL DE TLATELOLCO (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023



Massacre de Tlatelolco
    
MÉMORIAL DE TLATELOLCO

L’obscurité engendre la violence
et la violence veut l’obscurité
pour se coaguler en crime.

C’est pourquoi le Deux Octobre patienta jusqu’à la nuit
afin que nul ne vît la main qui avait saisi
l’arme, mais seulement l’éclair.

Et dans cette lumière brève et livide, qui ? Qui est celui qui tue ?
Qui sont ceux qui agonisent et ceux qui meurent ?
Ceux qui fuient nu-pieds ?
Ceux qui vont tomber au fond d’une prison ?
Ceux qui vont pourrir à l’hôpital ?
Ceux qui restent muets à jamais d’épouvante ?

Qui ? Lesquels ? Personne. Le lendemain, personne.
La place à l’aube était bien balayée ; les journaux
donnaient comme information principale
le temps qu’il faisait.
Télévision, radio ou cinéma,
pas de changement de programme,
pas de flash spécial, pas de minute
de silence pendant le banquet.
(Le banquet continua.)

Ne cherche pas ce qui n’est pas : des traces, des cadavres
Tout a été donné en offrande à une divinité :
la Dévoreuse d’Excréments.

Ne consulte pas les archives : il n’y a eu aucun rapport.

Hélas, la violence veut l’obscurité
parce que l’obscurité engendre le rêve
et nous pouvons dormir en rêvant que nous rêvons.

Mais il y a une plaie que je touche : ma mémoire.
Elle a mal donc c’est vrai. Elle saigne à sang.
Si je dis qu’elle est mienne, je trahis tous les autres.

Je me souviens, nous nous souvenons.

C’est notre façon d’aider le jour à se lever
sur tant de consciences souillées,
sur un texte de colère, sur une grille ouverte,
sur le visage derrière l’impunité du masque.

Je me souviens, nous nous souviendrons
jusqu’à ce que la justice vienne parmi nous.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Je rêve d’un beau soir (Jacques Rabemananjara)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
Je rêve d’un beau soir au bord d’un étang vert
Où la verdeur des joncs s’irise de sarcelles.
L’azur y baignera ses arrière-étincelles
Comme des souvenirs dans l’onde découverts.

Les flots auront des fleurs d’écumes et d’éclairs.
Mon coeur, qu’auront repris les ultimes parcelles
D’une offrande oubliée au creux de la nacelle,
Sentira le frôler le Songe enfui dans l’air.

Sur les verts espaliers où pend le crépuscule,
Mes doigts fins s’en iront, au bout des nénuphars,
Cueillir le vert phosphorescent des libellules.

Mais j’y verrai bientôt, sous le cri des canards,
La lune éparpiller, en harmonie inerte,
Ses sanglots bleus d’argent au cil des moires vertes.

(Jacques Rabemananjara)

 

Recueil:Oeuvres complètes POÉSIE
Editions: Présence africaine

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La Ka’ba brune (Badawi al-Jabal)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023




    
La Ka’ba brune
(extrait)

Nuée magique m’emporte tel un éclair
à travers un horizon à découvert.

Ma nuée ne se perd pas dans les ténèbres,
le Jour montant est mon compagnon de route
et la passion est mon guide.

Je m’enquiers de Toi auprès des astres
avec l’impétuosité de celui qui souffre
et désire ardemment.

Petite et Grande Ourse
T’ont fait descendre
sur le Convive et le Serviteur.

Ma Ka’ba brune je l’ai retrouvée
entre les sanglots des djinns
et la rumeur du sable.

Le Jour montant m’accorderait-il une part de son ombre,
mon attente a assez duré dans sa brillante ardeur.

Je porte son Encens dans mes encensoirs,
offrande d’un faible errant.

(Badawi al-Jabal)

***

 

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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Offrande (Claude Haller)

Posted by arbrealettres sur 17 juin 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    
Offrande

Arbre
Qui m’as donné cette ombre

Blé
Qui m’as donné ce pain

Rivière
Qui m’as donné cette eau

Chatte
Qui m’as donné ses petits

Nuit
Qui m’as donné ce rêve

Mot
Qui m’as donné la clé

Que pourrais-je vous rendre
À vous tous qui m’avez tant donné
Sans jamais rien demander

(Claude Haller)

Recueil: Poèmes du petit matin
Traduction:
Editions: Hachette

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La fille venue d’ailleurs (Friedrich Schiller)

Posted by arbrealettres sur 2 janvier 2022



La fille venue d’ailleurs

Jadis dans une vallée, chez de pauvres bergers,
Paraissait, dès l’année nouvelle
Et les premiers babils des alouettes,
Une fille, merveilleuse et belle.

Elle n’était point de la vallée,
On ne savait d’où elle venait,
Et, dès qu’elle avait pris congé,
Bien vite on reperdait sa trace.

L’approcher rendait bienheureux
Et tous les coeurs se dilataient,
Mais une dignité, une sorte de grandeur
Empêchaient qu’on fût familier.

Elle apportait des fleurs, des fruits
Mûris dans une autre campagne,
Sous le soleil d’un autre ciel,
Dans une nature plus heureuse.

Et faisait un don à chacun,
À l’un des fruits, des fleurs à l’autre,
Jeune homme ou vieillard marchant mal,
Chacun rentrait chez lui comblé.

Tout hôte était le bienvenu,
Mais quand venaient des amoureux,
Ils avaient la meilleure offrande,
La plus belle fleur était pour eux.

***

Das madchen aus der fremde

In einem Tal bei armen Hirten
Erschien mit jedem jungen Jahr,
Sobald die ersten Lerchen schwirrten,
Ein Mädchen, schön und wunderbar.

Sie war nicht in dem Tal geboren,
Man wusste nicht, woher sie kam,
Und schnell war ihre Spur verloren,
Sobald das Mädchen Abschied nahm.

Beseligend war ihre Nähe,
Und aile Herzen wurden weit,
Doch eine Würde, eine Höhe
Entfernte die Vertraulichkeit.

Sie brachte Blumen mit und Früchte,
Gereift auf einer andern Flur,
In einem andern Sonnenlichte,
In einer glücklichern Natur.

Und teilte jedem eine gabe,
Dem Früchte, jenem Blumen aus,
Der Jüngling und der Greis am Stabe,
Ein jeder ging beschenkt nach Haus.

Willkommen waren aile Gäste,
Doch nahte sich ein liebend Paar,
Dem reichte sie der Gaben beste,
Der Blumen ailerschönste dar.

(Friedrich Schiller)


Illustration: Edvard Munch

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