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PETIT JOUR (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024




    
PETIT JOUR

Coeur fripé l’amer du sommeil dans la bouche
Tous ensemble ils arrivent par le tram de sept heures
Le bleu sent la javel la terre sent le goudron

Palmiers de ferraille et palmiers de suie
Des débris d’images couvrent leurs paupières
Les poulies du ciel grincent à grand bruit

Avançant sur le quai jusqu’à l’extrémité de la fatigue
Ils n’iront pas plus loin que ce monde-ci ce wagon-là
Du soir qui se lève au jour qui se couche.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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UN PAN DE MUR JAUNE (Jean-Michel Maulpoix)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2024



Illustration: Pierre Buraglio
    
UN PAN DE MUR JAUNE

I

Quand elle traverse la rue trop vite
En faisant ses courses le soir sous la pluie
Le petit lui donne des coups de pied dans le ventre
Mais elle essuie ses joues elle ne se plaint pas

Entre citernes et clapiers il y a de l’herbe
On n’oserait pas dire que c’est un jardin
À cause de ces bidons d’essence et de ces bagnoles défoncées
Où des moineaux morts et des pigeons fermentent

On voit le long de l’autoroute des carrés frisés de laitues
Hérissés de pieds de tomates et de haricots
De petits vieux cassés grattent et ratissent
On s’étonne des baraques de planches où leurs outils sont remisés.

II

On n’a pas le pouvoir de passer à travers les murs
Qui voudrait croire que chaque matin à la même heure
Le ciel secoue à la fenêtre ses draps tachés de suie ?
Un mauvais sommeil ne change rien aux lointains

On voit pourtant parfois flotter un ballon rouge
Un mètre au-dessus de la tête d’une Marjolaine
Au-delà c’est pour les fumées les antennes
Rarement pour les oiseaux ou les anges

On entend le soir des musiques aux portes
Et toutes les fenêtres sont bleues à partir de huit heures
On écoute on regarde on n’a rien à se raconter
Mais on cherche toujours un petit pan de mur jaune.

(Jean-Michel Maulpoix)

Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France

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LE VOYAGE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2024




Illustration: Claude Monet
    
LE VOYAGE

Lancé derrière sa machine,
A pleins sifflets, le train rugit,
Et la forêt sent la résine,
Et sur les bords croît l’aubépine,
Et le lointain soudain surgit.

Et la voie file à toute allure,
Et se défont les chevelures,
Et l’air devient amer et sur
Quand la suie vole des bogies.

Les bielles, les cylindres hurlent,
Des rails s’échappent des éclairs.
Et l’aigle à la belle envergure
Escorte le chemin de fer.

Le train s’enfuit toujours plus vite,
Emmitouflé dans sa vapeur,
Mais la forêt du temps des mythes,
Qui vit jadis passer les Scythes,
Sans voir qu’alentour on s’agite,
Poursuit sa sieste de bon coeur.

Et loin, très, très loin, des cités
Dansent en lueurs clignotantes,
Et la machine haletante
Amène aux gares somnolentes
Des passagers tout hébétés.

La vieille gare enfin libère
Des flots pressés de voyageurs,
Des cheminots, des wagonnières,
Des contrôleurs, des conducteurs.

Et la voici, secrète, altière,
Qui se dérobe sous les yeux,
En arborant pavés de pierre
Dans un désordre cahoteux,
Affiches, niches, toits, gouttières,
Théâtres, clubs, hôtels, auberges,
Parcs, boulevards, épais tilleuls,

Portes cochères, cours, maisons,
Plaques, paliers, halls en rotonde,
Appartements où les passions
Exaspérées refont le monde.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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VISION (Jules Mougin)

Posted by arbrealettres sur 9 décembre 2023



VISION

Les longs serpents de feu
Les dragons ressuscités
Le diable
L’enfer
Les cris des damnés
C’est l’usine.

L’odeur des cendres chaudes
De la suie
Du suif
De l’acide
De l’huile chaude,
L’odeur du cuir
Et du métal
Et celle de l’homme :
C’est l’usine.

Le feu qu’on étire
La meule émeri qui rage
La chanson des limes douces
Les sifflements électriques
Voilà l’usine.

Des compagnons en haillons
Des hommes noirs
Des apprentis pâlots
Des manoeuvres
Et puis ma mère
Entre les courroies

(Jules Mougin)

 

 

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Le Vent (Paul Henri Lezac)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2023


vent

J’aime le vent qui va, dissipant les nuages
On le dit vent des fous et parfois vent des sages
A la terre assoiffée il dispense la pluie
En nuées chargées d’eau, nuées couleur de suie

J’aime aussi quand le vent qui joue dans tes cheveux
Emporte au loin les perles de ton rire heureux
Frise le duvet de ta nuque parfumée
Caresse de son aile ta joue satinée

J’aime le vent venu de ces terres lointaines
Ayant survolé bois et montagnes et plaines,
Souffle chargé d’épices, de parfums, d’odeurs
Messager de l’amour et de rêves d’ailleurs

(Paul Henri Lezac)

Textes de Prisonniers: lecercledespoetesdetenus

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L’INCENDIE (André Pieyre de Mandiargues)

Posted by arbrealettres sur 5 décembre 2023



 

Julie Heffernan  00wi [1280x768]

L’INCENDIE

Qu’allais-tu donc chercher à travers l’incendie
Derrière des vapeurs à la splendeur baroque
Par le secret d’un escalier en loques
Étranglé de lierres écarlates ?

Quel voeu te fit pousser une porte brûlante
Sainte face de feu et de cendre
A la limite d’un monde morne
Sournoiserie silence délabrement ?

Devant toi ce n’est plus maintenant
Que diamants et rubis qui jouent dans la poussière
Que plâtres retombés sur des carreaux de marbre
Avec des statues blanches des armes
Des mains de verre des vases pleins de larmes
Des nègres de velours et des roses passées
Au bas de murs caducs.

Il vient une dame éclatante et funèbre
Tôt apparue tôt disparue tôt reparue
Plus tôt encore nue
Qui est comme l’ombre d’une désolation.

Nue saignante et noire
Une flammèche en ses cheveux défaits
Rouge comme un oeillet qui crèverait la suie.

Foulant aux pieds les pierres
L’or et l’argent le fracas du cristal
Indifférente à l’opulence ou à la ruine
Dans la beauté d’une heure catastrophique.

Et tu la trouveras peut-être bonne actrice
La géante qui s’étend avec tranquillité
Sur le pavement comme sous un couteau
Tandis qu’alentour explose et se disperse
Le luxe fou de son théâtre de toujours
Que mille langues engloutissent.

(André Pieyre de Mandiargues)

Illustration: Julie Heffernan 

 

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Je reviens d’un pays… (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2023



Illustration
    
Je reviens d’un pays…

Je reviens d’un pays plus désert que ma tête
Où les gens que j’ai vus ne me connaissaient pas.
J’étais sale, oscillant, velu comme une bête.
Des enfants me suivaient qui riaient sur mes pas,
Moi je n’entendais rien… Le soleil ni la pluie
Ne me concernaient plus… Je dormais tout debout,
Les pommiers, les iris étaient couleur de suie,
J’avançais sans espoir d’en jamais voir le bout.

Je ne connaissais rien de ces mornes contrées.
Dans ma nuit j’entendais sonner l’heure au clocher,
Des airs de limonaire, de kermesses passées,
Et je ne savais plus de quel côté pencher.
C’est affreux d’avancer sans savoir qu’on recule,
De laisser des lambeaux de soi-même partout,
De n’être en plein soleil qu’un point noir minuscule
Qui bientôt ne sera sans doute rien du tout.

Je sais que l’on m’avait retiré des organes
Mais je ne savais pas très bien lesquels… et c’est curieux
De voir en trois secondes un bouquet qui se fane,
Une rose du jour s’effeuiller sous vos yeux.
C’est une étrange affaire… alors on se demande
Où sont les vérités dans ces effondrements.
À quel Dieu présenter sa déroute en offrande ?
On dit «mourir d’amour », il faut savoir comment.

L’enfer est un pays sans fenêtre ni porte
Où la femme que j’aime est peinte en trompe-l’oeil.
Je sais bien, malgré tout, qu’il faudrait que j’en sorte.
Même si j’y parviens, qui m’attend sur le seuil ?
Je ne remonterai jamais sur ces manèges,
Mes beaux chevaux de bois ne seraient plus pareils.
Je voudrais devenir un bonhomme de neige
Et fondre doucement, en silence, au soleil…

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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Un visage signé de rides (Jean-Vincent Verdonnet)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2023




    
Un visage signé de rides
qu’une rose en s’ouvrant
lira

la poix de la suie douce aux poutres
où reposèrent un moment
les oiseleurs de sortilèges

le baiser des millénaires aux graminées
dans un tourbillon d’allégresse

la manne de ciels
qui naissent de faims pauvres

des gestes anciens fondant
l’espace nouveau des journées

et ces révélations d’étoiles
dont l’eau des fontaines frémit

pourraient changer
l’ordre du monde

(Jean-Vincent Verdonnet)

 

Recueil: D’ailleurs
Editions: Saint-Germain-des-Prés

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Le But (Charles Cros)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022


 


David Brayne 3216 [1280x768]

Le But

Le long des peupliers je marche, le front nu,
Poitrine au vent, les yeux flagellés par la pluie.
Je m’avance hagard vers le but inconnu.

Le printemps a des fleurs dont le parfum m’ennuie,
L’été promet, l’automne offre ses fruits, d’aspects
Irritants; l’hiver blanc, même, est sali de suie.

Que les corbeaux, trouant mon ventre de leurs becs,
Mangent mon foie, où sont tant de colères folles,
Que l’air et le soleil blanchissent mes os secs,

Et, surtout, que le vent emporte mes paroles!

(Charles Cros)

Illustration: David Brayne

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J’avais écrit en noir (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 27 mars 2021



J’avais écrit en noir
Avec des mots de suie
Sur un ciel sans espoir
Un nuage les essuie.

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration: René Magritte

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