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Poésie

Posts Tagged ‘se fendre’

Corps mémorable (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023



Illustration: Bruno Di Maio
    
Corps mémorable

I

Tes mains pourraient cacher ton corps
Car tes mains sont d’abord pour toi
Cacher ton corps tu fermerais les yeux
Et si tu les ouvrais on n’y verrait plus rien

Et sur ton corps tes mains font un très court chemin
De ton rêve à toi-même elles sont tes maîtresses
Au double de la paume est un miroir profond
Qui sait ce que les doigts composent et défont.

II

Si tes mains sont pour toi tes seins sont pour les autres
Comme ta bouche où tout revient prendre du goût
La voile de tes seins se gonfle avec la vague
De ta bouche qui s’ouvre et joint tous les rivages

Bonté d’être ivre de fatigue quand rougit
Ton visage rigide et que tes mains se vident
Ô mon agile et la plus lente et la plus vive
Tes jambes et tes bras passent la chair compacte

D’aplomb et renversée tu partages tes forces
A tous tu donnes de la joie comme une aurore
Qui se répand au fond du cœur d’un jour d’été
Tu oublies ta naissance et brûles d’exister.

III

Et tu te fends comme un fruit mûr ô savoureuse
Mouvement bien en vue spectacle humide et lisse
Gouffre franchi très bas en volant lourdement
Je suis partout en toi partout où bat ton sang

Limite de tous les voyages tu résonnes
Comme un voyage sans nuages tu frissonnes
Comme une pierre dénudée aux feux d’eau folle
Et ta soif d’être nue éteint toutes les nuits.

(Paul Eluard)

Recueil: Eluard amoureux
Editions: Bruno Doucey

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« LE PENSEUR » DE RODIN (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Auguste Rodin
    
« LE PENSEUR » DE RODIN

Son menton sur sa main rude,
le Penseur se souvient qu’il est chair vouée à la fosse,
chair de fatalité, nue en face du destin,
chair qui hait la mort, qui a frémi de beauté,
frémi d’amour, tout le long de son ardent printemps
et maintenant, à son automne, sent l’envahir le flot de la vérité et de la tristesse.
Sur son front passe le « il faut mourir »
du bronze, lorsque la nuit tombe.

L’angoisse sillonne ses muscles tendus,
chaque creux de sa chair s’emplit de terreur;
il se fend, telle feuille d’automne, à la voix du Seigneur
qui l’appelle dans le bronze… Et il n’y a pas d’arbre tordu,
sur la plaine au feu du soleil, pas de lion blessé,
crispés comme cet homme qui médite sur la mort.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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Poussée du bourgeon, (Anne Tardy)

Posted by arbrealettres sur 25 juin 2022




Poussée du bourgeon,
la branche se fend.
Qui l’entend?

(Anne Tardy)

 

 

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Non pas pour toujours ici (J.M.G. Le Clézio)

Posted by arbrealettres sur 16 novembre 2021




Non pas pour toujours ici sur la terre,
Mais seulement pour un bref instant.
Même les jades se brisent,
Même les ors se fendent,
Même les plumes du quetzal se cassent.
Non pas pour toujours ici sur la terre,
Mais seulement pour un bref instant.

(J.M.G. Le Clézio)

Illustration

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Au bois d’amour (Jean Joubert)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2021



Au bois d’amour
de feu
l’arbre se fend

(Jean Joubert)


Illustration: Emile Bernard

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Le courage (Sabine Péglion)

Posted by arbrealettres sur 27 octobre 2020



Théo Curin  
    
Le courage

Dans ces pas en suspens
Dans ces yeux refermés
Dans le corps qui se fend
Dans la voix effacée

Dans la main qui se tend
Dans le pas qui hésite
Dans ces regards fuyants
Dans ces êtres qui t’évitent

Que pourrais-tu attendre
Autour on applaudit
Mais oui on t’encourage
Tu avances on sourit

Tu poursuis le chemin
Tu ne l’as pas choisi

On redoute la pitié
On doute de l’amitié

Certains parlent de courage
En ignorant le coût
On occulte la rage
La colère le dégout
On est loin d’être sage

On voudrait bien en rire
On espère toujours
On regarde la lumière
Et on choisit de vivre

(Sabine Péglion)

 

Recueil: Courage Dix variations sur le courage et un chant de résistance
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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TROP A L’ÉTROIT (Anne Hébert)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2020



TROP A L’ÉTROIT

Trop à l’étroit dans le malheur, l’ayant
crevé comme une vieille peau

Vieille tunique craque aux coutures,
se déchire et se fend de bas en haut

L’ayant habité à sueur et à sang,
vétuste caverne où s’ébrèche l’ombre du soleil

Ayant épuisé de tristes amours, la
vie en rond, le coeur sans levain

Nous sommes réveillés un matin,
nus et seuls sur la pierre de feu

Et la beauté du jour nous trouva
sans défense, si vulnérables et doux de larmes

Qu’aussitôt elle nous coucha en
joue comme des fusillés tranquilles.

(Anne Hébert)

 

 

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Quand nous nous rencontrerons (Yannis Ritsos)

Posted by arbrealettres sur 4 janvier 2020



J’écoute.
Quelque chose se fend
dans le bois, dans la vitre,
dans le miroir.
Quand nous nous rencontrerons
serons-nous bien les mêmes?

(Yannis Ritsos)

Illustration

 

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UNE COMPLAINTE JUIVE (David Einhorn)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2019



Illustration: Rafal Olbinski
    
UNE COMPLAINTE JUIVE

Comme à leur arc rivées
Les cordes sont tendues,
Tirées à se briser
Par des mains inconnues,
Mais sans frémir, muettes,
Comme avant la tempête
Dans les yeux la tristesse
Se calcine, embrasée.

Terrifiant silence
Qu’on ne peut endurer,
Douleur à ne pas dire
Plaie à ne pas montrer,
Comme harpes qui pendent
Muettes sur les branches
Quand dans les doigts se fendent
Les sanglots étranglés.

Pourtant les heures restent
Quand l’océan s’endort,
Que du bleu sourd le presque
Imperceptible accord,
Vers nous, de chaque corde,
Un écho monte alors,
Comme prière il flotte
Comme une voix implore.

Tout s’allège et la peine
Peut alors déposer
Au coeur comme au désert
Un semblant de rosée.
Le réconfort nous berce
Comme longue langueur,
Une complainte juive
Se trempe dans les pleurs.

(David Einhorn)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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QUE PENSENT LES ÉTOILES (Itzhak-Leibush Peretz)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2019




Illustration: Vincent Van Gogh

    
QUE PENSENT LES ÉTOILES

Que méditent, à quoi pensent
Les étoiles dans leur transe
Lorsque les larmes qui luisent
Au fond des yeux s’y calcinent ?
Que pense donc, à quoi rêve
La triste source flétrie ?
Fulgure-t-elle, sa brève
Lueur parfois dans la vie,
L’éclair qui nous irradie?
Nous qui recherchons sans trêve
Dans les jours d’obscurité
Pour la pauvre humanité
Le chemin qu’elle perdit?

Que méditent donc, que pensent
Ceux-là sans cesse qui poussent
La brouette des souffrances ?
Est-ce qu’au moins sur leurs lèvres
Que pèlent et que calcinent
Les perpétuels soucis
Brille parfois un sourire ?
Un reflet de l’avenir,
D’un lendemain plus heureux
Qui nous ferait reconnaître
Dans les ténèbres des cieux
Toute dorée, une rive ?

À quoi pense la famine
Dans les caves faméliques ?
Le sommeil ne veut venir
Et la nuit n’est que silence,
Est-ce qu’au moins elle entend
Dans la paix l’écho de fer –

C’est le pas pesant des temps,
Générations en marche,
Est-ce que le ciel se fend
Parfois dans la main de Dieu ?
Est-ce qu’il voit le tonnerre,
Est-ce qu’il sait que c’est vrai?

(Itzhak-Leibush Peretz)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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