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Poésie

Posts Tagged ‘rigide’

UN DUO (Jacques Lacarrière)

Posted by arbrealettres sur 19 mars 2021



Illustration: Giorgio de Chirico
    
UN DUO
(Le duo)

Un couple de mannequins en bois utilisé dans les ateliers de sculpture :
habitants typiques du monde chiriquien.
Qu’attendre des amours d’un tel couple
si ce n’est un rituel d’insectes rigides, une pariade de robots ?

— Étant sans bras pour nous étreindre, rien ne pourra nous séparer.
— Étant sans sexe pour aimer, rien ne pourra nous désunir.
— Sans yeux et sans nez, mon visage. je suis une élégie de cire.
— Sans front; sans bouche, mon partage. je suis un brouillon de sourire.
— Mannequins au torse d’absence ?
— Simulacres que l’éther encense ?
— Appelants du plus grand silence ?
— Aubiers d’être enfantés du tremble ?

Le savez-vous qu’ainsi livrés à la rigidité dorienne des momies,
vous êtes entrelacés à l’énigme du monde?
Le savez-vous qu’en cette terrasse ensoleillée
s’ébauche en vous une théologie des automates ?

(Jacques Lacarrière)

 

Recueil: A l’orée du pays fertile
Traduction:
Editions: Seghers

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LA TORTUE (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2020



LA TORTUE

La tortue
qui marcha
si longtemps
et qui vit
tant et tant
avec ses
yeux
si vieux,
la tortue
qui mangea
des olives
des grands fonds,
la tortue
qui nagea
sept siècles
et qui connut
sept
mille
printemps,
la tortue
blindée
contre
la chaleur et
le froid,
contre
les éclairs et les vagues,
la tortue
jaune
et argentée,
avec ses stricts
grains de beauté
ambrés
et ses pattes de proie,
la tortue
est restée
à dormir
ici,
sans le savoir.

Si vieille était
qu’elle se fit
dure
et cessa
d’aimer les vagues,
rigide fut
comme le fer à repasser.
Elle a fermé
les yeux,
des yeux qui tant
de mer, de ciel, de temps, de terre
avaient défiés,
alors parmi
les autres pierres
s’est endormie.

(Pablo Neruda)

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Encore une fois mon coeur (Marie-Jeanne Durry)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2019



Encore une fois mon coeur,
encore une fois le piège de tendre verdure et de chants.
Il n’y a plus, dans le monde, qu’un dépliement mouillé de pluie
où les feuilles sont menues et minutieuses.

Des radeaux d’herbes et de fleurs hésitent et explosent.
Chaque nuit, de ses doigts cachés,
prépare au matin les claires arabesques qui tremblent d’innocence.

Seuls les chênes, non pas noueux ici, mais rigides,
s’obstinent dans leur dépouillement,
refusent encore la parure fée.

(Marie-Jeanne Durry)

Illustration: Piel-Colombo

 

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Douce âme errante (Kathleen Raine)

Posted by arbrealettres sur 2 décembre 2018




Rigide, pâle, nue
Amie et hôte du corps,
Où maintenant ta demeure,
Douce âme errante?

***

Rigid, naked, pale —
Body’s friend and guest,
Where now your abiding place,
Gentle wandering soul?

(Kathleen Raine)

Illustration: Odilon Redon

 

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Les mots (Jacques Sivan)

Posted by arbrealettres sur 2 septembre 2018



molécules

Les mots sont une vapeur sonore.
Ils flottent sur la page comme les nuages,
ou explosent comme une gerbe d’eau.

Ces mots je les nomme motlécules
parce que leur forme est infiniment variable
et n’obéit pas à la norme orthographique.

Les mots s’engendrent, s’agglutinent, se fragmentent,
fusionnent, se heurtent, s’attirent ou se repoussent.
Les mots sont durs, mous, élastiques ou rigides.
Ils se déforment. Se brisent, s’étirent indéfiniment.
Fonctionnent par blocs plus ou moins homogènes et interactifs.
Forment des taches de couleurs qui émergent çà et là du blanc de la page.

Les mots sont multiples en eux-mêmes.
Chaque mot ou fragment de mot éclaire l’autre,
l’expose, le transforme, le fait pivoter, recrée,
dévoile ou occulte certains de ses aspects.

Tous les mots sont soumis à l’attraction des autres mots.
Tous sont soumis à l’attraction des éléments hétérogènes qui les constituent.
Chaque lecture réactive le tourbillon coloré sonore et visuel de ces dispositifs motléculaires.

(Jacques Sivan)

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À force de mystère (Robert Mallet)

Posted by arbrealettres sur 26 août 2018



Illustration: Wladyslaw Slewinski
    
À force de mystère
sous l’étoffe opaque et rigide
ton corps n’est plus
qu’indifférence à l’autre
mort des pudeurs de l’innocence
impudence hermétique
énigme qui se voue elle-même
à n’être plus qu’absence d’énigme

Ne sois pas inimaginable
et cachée. N’imite pas Dieu
couvre-toi de transparence
pour être désirée

(Robert Mallet)

 

Recueil: Presqu’îles presqu’amours
Traduction:
Editions: Gallimard

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LA MORT DU POÈTE (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 9 août 2018



 

papillon fruit gâté1

LA MORT DU POÈTE

Il gît. Son visage redressé
dans les coussins rigides, pâle et plein de refus,
depuis que le monde et tout ce qu’il en sut
arraché à ses sens, fut
rendu à l’indifférente année.

Eux qui l’ont vu en vie, ne surent
combien il s’unissait à tout ceci,
car toutes ces profondeurs et ces prairies
et toutes ces eaux ne furent que sa figure.

Oh ! sa figure fut toute cette étendue,
qui encore tend vers lui et qui le pleure;
et son masque, qui maintenant en inquiétude se meurt,
est tendre et ouvert comme l’intérieur d’un fruit,
qui se gâterait à l’air.

(Rainer Maria Rilke)

Illustration

 

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J’ai dit, je me souviens (Claude Esteban)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2018



Illustration: Ron Mueck
    
J’ai dit, je me souviens, que je n’en pouvais plus
de tout le malheur du monde

et je ne savais rien encore, je parlais
pour moi

cette effigie de cire, ces mains
rigides sur le drap, ce n’était pas assez

il fallait que le cri
traverse, de part en part, l’espace

et que je l’entende, que je voie
tout le sang versé.

(Claude Esteban)

 

Recueil: La mort à distance
Traduction:
Editions: Gallimard

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LE POMMIER (Michel Deguy)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2018



Illustration: Kim Rhoney
    
LE POMMIER

J’ai attendu,comme un amant aux champs
prend rendez-vous sous le pommier rigide,
et dans l’herbe qui jaunit
attend tout l’après-midi
sous des tonnes de nuages.

L’amante ne vient pas.

(Michel Deguy)

 

Recueil: Donnant Donnant
Traduction:
Editions: Gallimard

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Les douves (Marie Dauguet)

Posted by arbrealettres sur 18 octobre 2017




    
Les douves

J’irai cueillir la fleur que cerne l’eau des douves
Avec sa pâleur morne, avec sa chair lunaire
Dans l’ombre sans merci des créneaux qui la couve
S’ouvrant comme une étoile au pré crépusculaire.

J’irai cueillir la fleur où mon rêve se frôle,
La fleur hiératique et que sertit la maille
D’un vitrail reflétant au ras des vases molles
Quelque écusson brisé dont le fronton s’écaille,

Et dont la splendeur morte au creux des joncs se terre.
La livide corolle en son odeur de fièvre,
Mes doigts la saisiront, effeuillant son mystère,
Et son pollen glacé parfumera ma lèvre.

Alors s’évoquera à son malsain arôme
Le couple enseveli par les verts marécages,
Et j’y verrai dormant les humides fantômes
De la reine adultère et de son jeune page,

Partageant à jamais, telle qu’ils l’ont choisie,
Avec son traversin sombre, la même couche,
Grisés du même amour où leur coeur s’extasie,
Rigides, les yeux clos, et bouche contre bouche.

(Marie Dauguet)

 

 

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