La vie aura ma peau
ma peau d’enfant solitaire
écorchée aux coudes,
aux genoux dans les trous, les ornières
La vie aura ma peau
ma peau d’enfant héroïque
de rêveur épidermique
charmé par les yeux de ma mère
La vie aura ma peau
ma peau douce et frissonnante
ma peau ivre de jouissance
de baisers d’insouciance
Ma peau bronzée, ma peau claire
ma peau brûlée, ultra violée
par les radiations solaires
La vie aura ma peau
que je pensais avoir si dure
que j’exposais aux quatre vents
à la froidure comme au brûlant
La vie aura ma peau
parfumée d’ambre solaire
cernée d’ombre et de lumière
par vent glacé, par vent chaud
La vie aura ma peau
et que le Diable l’emporte
depuis le temps qu’elle me supporte
elle ne me fera pas de cadeau
Ma chair et tout le reste les os de mon squelette
finiront en poussière en paradis
ou en enfer cramé ou six pieds sous terre
Quand mon âme déchargée du poids de sa violence
aura repris le cours de sa divine errance
dans ce ballet d’atomes où rêve l’éternité
(Jacques Higelin)
Recueil: Flâner entre les intervalles
Editions: Pauvert
Vous m’avez quitté
et vous avez continué votre route.
Je croyais que je pleurerais sur vous
et que j’enchâsserais dans mon coeur
votre image tissée en une chanson d’or pur.
Mais hélas, triste fortune,
le temps est court.
La jeunesse pâlit d’année en année.
Les jours du printemps sont fugitifs.
Un rien fait mourir les frêles fleurs
et le sage me dit
que la vie n’est qu’une goutte de rosée
posée sur la feuille du lotus.
Dois-je oublier tout ceci
pour chercher celle
qui s’est détournée de moi ?
Ce serait folie,
car le temps est court.
Venez, nuits pluvieuses aux pieds mouillés,
souriez mon automne d’or ;
venez avril nonchalant,
qui répandez vos baisers au loin.
Venez tous ! Mes amours,
vous savez que nous sommes mortels.
Est-il sage de briser son coeur
pour celle qui emporte le sien ?
Non, car le temps est court.
Il est doux d’être assis dans un coin solitaire,
de rêver et d’écrire en vers
que vous êtes toute ma vie.
Il est héroïque de chérir sa propre douleur
et d’être décidé à ne pas s’en consoler.
Mais un frais visage guette à ma porte
et lève les yeux sur moi.
Je ne peux qu’essuyer mes larmes
et changer l’accord de mon chant.
Comme autour de nous deux l’air est divinatoire !
Nous sommes imprégnés d’un secret merveilleux,
Nous sommes ceux pour qui nul mal n’est périlleux,
Nous vivons une grande et facile victoire.
Nous sommes l’un pour l’autre en héroïque honneur,
En tous tes mouvements je suis essentielle,
Quand je ne te vois pas, ta présence est réelle,
Et de nous chaque chose est le plus grand bonheur.
C’est à cause de toi qu’un matin je suis née,
Et seul, mon coeur puissant t’a pleinement conçu,
Que je t’ai possédé, toi que je n’ai pas eu,
Ô mon unique amant, que je me suis donnée !
Nous sommes à nous deux toute l’immensité
Rien n’est si beau que toi quand je vois que tu m’aimes,
Nous sommes un amour au-dessus de nous-mêmes,
Indicible, immuable, extrême, innocenté.
Qui connaîtra jamais la muette musique
Émanant de nous deux quand nous nous regardons,
Et même détournés, figés, sans abandons,
Ah ! notre grand plaisir idéal et physique.
(Jane Catulle-Mendès)
Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle
Nous, Bretons de cœur, nous aimons notre vrai pays !
L’Arvor est renommée à travers le monde.
Sans peur au cœur de la guerre, nos ancêtres si bons
Versèrent leur sang pour elle.
Refrain :
Ô Bretagne, mon pays, que j’aime mon pays
Tant que la mer sera comme un mur autour d’elle.
Sois libre, mon pays !
Bretagne, terre des vieux Saints, terre des Bardes,
Il n’est d’autre pays au monde que j’aime autant,
Chaque montagne, chaque vallée est chère dans mon cœur.
En eux dorment plus d’un Breton héroïque !
Refrain
Les Bretons sont des gens durs et forts,
Aucun peuple sous les cieux n’est aussi ardent.
Complaintes tristes ou chants plaisants s’éclosent en eux.
Ô ! Combien tu es belle, ma patrie !
Refrain
Si autrefois, Bretagne, tu as fléchi durant les guerres,
Ta langue est restée vivante à jamais,
Son cœur ardent tressaille encore pour elle.
Tu es réveillée maintenant ma Bretagne !
***
Bro Gozh Ma Zadou
Ni, Breizhiz a galon, karomp hon gwir Vro !
Brudet eo an Arvor dre ar bed tro-dro.
Dispont kreiz ar brezel, hon tadoù ken mat,
A skuilhas eviti o gwad.
Refrain :
O Breizh, ma Bro, me ‘gar ma Bro.
Tra ma vo mor ‘vel mur ‘n he zro.
Ra vezo digabestr ma Bro !
Breizh, douar ar Sent kozh, douar ar Varzhed,
N’eus bro all a garan kement ‘barzh ar bed,
Pep menez, pep traonienn, d’am c’halon zo kaer,
Enne kousk meur a Vreizhad taer !
Refrain
Ar Vretoned ‘zo tud kalet ha kreñv,
N’eus pobl ken kalonek a zindan an neñv,
Gwerz trist, son dudius a ziwan eno,
O ! pegen kaer ec’h out, ma Bro !
Refrain
Mar d’eo bet trec’het Breizh er brezelioù bras,
He yezh a zo bepred ken beo ha bizkoazh,
He c’halon birvidik a lamm c’hoazh ‘n he c’hreiz,
Dihunet out bremañ, ma Breizh !
La pureté n’est faite que de détails
La bonté n’est faite que de gestes
Ces gestes ne mènent pas à de grandes victoires
aucune légende ne les retient
Ces gestes sont gestes de tous les jours
bien plus héroïques
que tout héroïsme
Laver le linge
pour que l’enfant demain
se sente léger confiant
dans des vêtements frais propres
Même si demain n’est plus
dans la suite des jours
Même si demain
ne verra pas le jour
La pureté n’est faite que de détails
La bonté n’est faite que de gestes
Ces gestes ne mènent pas à de grandes victoires
aucune légende ne les retient
Ces gestes sont gestes de tous les jours
bien plus héroïques
que tout héroïsme
Etes-vous la nouvelle personne attirée vers moi ?
Pour commencer sachez-le, je suis sûrement fort différent de ce que vous supposez ;
Supposez-vous que vous trouverez en moi votre idéal ?
Croyez-vous qu’il soit si aisé de me voir devenir votre amant ?
Croyez-vous que l’amitié mienne serait une satisfaction sans mélange ?
Croyez-vous que je sois sûr et fidèle ?
Ne voyez-vous pas plus loin que cette façade, cette manière à moi douce et tolérante ?
Vous supposez-vous en train d’avancer sur un sol véritable vers un véritable homme héroïque ?
N’avez-vous point le soupçon, ô rêveur, que ce peut être tout maya, illusion ?