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Poésie

Posts Tagged ‘retraite’

Mon bien-aimé (Mahmoud Darwich)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2024




    
Mon bien-aimé élève la voix,
il me dit:

«Lève-toi, ma bien-aimée,
ma belle, viens.

Car voilà l’hiver passé,
c’en est fini des pluies, elles ont disparu.
Sur notre terre, les fleurs se montrent.
La saison vient des gais refrains,
le roucoulement de la tourterelle se fait entendre
sur notre terre.
Le figuier forme ses premiers fruits
et les vignes en fleur exhalent leur parfum.

Lève-toi, ma bien-aimée,
ma belle, viens!

Ma colombe, cachée au creux des rochers,
en des retraites escarpées,
montre-moi ton visage,
fais-moi entendre ta voix.»

(Mahmoud Darwich)

 

Recueil: Quand on n’a que l’amour
Editions: Bruno Doucey

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Destination : arbre (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Christine Delfosse
    
Destination : arbre

Parcourir l’Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l’argile

Peu à peu
S’affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l’espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit

Évoquer ensuite
Au coeur d’une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l’asphalte
Éloigné des jardins
Orphelin des forêts

Un arbre
Au tronc rêche
Aux branches taries
Aux feuilles longuement éteintes

S’unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Écouter ces appels

Sentir sous l’écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies

Cheminer d’arbre en arbre
Explorant l’éphémère
Aller d’arbre en arbre
Dépistant la durée.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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LISETTE ENDORMIE, LUTINÉE ET SÉDUITE (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023



Illustration: William Wynne Ryland
    
LISETTE ENDORMIE, LUTINÉE ET SÉDUITE

1

Par une heureuse aventure
Guidé par le dieu d’amour,
J’ai trouvé sur la verdure,
Un agréable séjour,
Lisette endormie.
Dedans la prairie
Elle était vraiment
Couchée tranquillement.

2

J’approche de la dormeuse.
Voyons ses attraits charmants
Je vis que la sommeilleuse
Reposait tranquillement.
Sous sa gorgerette
L’haleine discrète
Des zéphyrs badins
Voltigeait sur son sein.

3

De Lisette et de ses charmes
J’approchais tout doucement
Je vois l’amour qui la garde
Et je lui dis tendrement
Amante que j’implore,
L’objet que j’adore
Dans ce lieu charmant,
Dors bien tranquillement.

4

J’ai pris sur sa belle bouche
Un agréable baiser
Amour sans être farouche
Me dit : « Veux-tu l’éveiller »?
L’âme sur la belle
La flèche légère
De mon tendre cœur
Tu seras le vainqueur.

5

Parmi les tendres caresses
La belle s’est éveillée
Dans cette aimable retraite
Lisette s’est refusée.
Voyant ma constance,
Ma persévérance,
Elle me dit « Amant Sois fidèle et content ».

6

Depuis ce temps ma bergère
M’a donné son tendre cœur.
J’ai le moyen de lui plaire.
Elle fait tout mon bonheur.
Il n’est point d’alarme.
Ces lieux pleins de charmes
Sont pour nous vraiment
Agréables et charmants.

(Chansons du XVIIIè)

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LE MARTYRE DE L’AMANTE AU COUVENT (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
LE MARTYRE DE L’AMANTE AU COUVENT

1

Faut-il pour un amant
Que ce couvent soit ma résidence ?
Verrais-je avec plaisir
Bientôt finir ce temps de souffrir ?
Sans cesse dans l’impatience
Dois-je donc perdre l’expérience
De voir le lieu charmant
Où mon amant me fit son serment ?

2

Ce jour délicieux
Est trop heureux que je le regrette.
Mes yeux vous ont perdu.
Vœux superflus. Non, je ne sors plus.
Voltigeons de ce vert bocage.
Cessez donc votre joyeux ramage.
Julie est au couvent.
Bien tristement, loin de son amant.

3

Ce jour peu consolant
Trop auniant(*) fatale retraite
Je vois de mes beaux jours
Le triste cours passer sans amour.
Loin de l’amant que je regrette
Je pleure et je languis seulette,
Hélas que devenir,
Toujours gémir. Il faut donc mourir !

4

Grille, triste parloir,
Votre pouvoir fait couler mes larmes.
Peu ou plus de fierté !
De la dureté pour ma liberté !
Au monde, je n’ai plus des charmes
Mes plaisirs se changent en alarmes.
Amour, grand dieu des cœurs
Calmez mes pleurs, changez mon malheur.

5

Vous qui sous des verrous
Parut jaloux me donnant des chaînes
Est-ce un crime d’aimer et de charmer !
Pourquoi m’alarmer
Ignorez-vous toutes les peines
Que j’endure amante inhumaine
L’amant dont j’ai la foi
Est loin de moi sans savoir pourquoi.

6

Barbare de mon cœur
Votre fureur quand finira-t-elle ?
J’aimerai mon amant
Sincèrement éternellement.
Quand je fermerai mes paupières
Au ciel je ferai ma prière
Qu’il vive heureux content.
Puis en mourant, adieu mon amant !

7

Petits oiseaux du bois
Joignez ma voix, plaignez mon martyre
Aux bergers d’alentour.
Chantez toujours mes tristes amours.
Je me plains, hélas je soupire.
C’est en vain que je le désire
Amour, grand dieu des cœurs
Calmez mes pleurs, changez mon malheur.

(*) Auniant : mesurant à la longueur de l’aune, comme l’auneur avant la Révolution…

(Chansons du XVIIIè)

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Justesse de Georges de La Tour (René Char)

Posted by arbrealettres sur 25 septembre 2023



Illustration: Georges de La Tour
    
Justesse de Georges de La Tour

L’unique condition pour ne pas battre en interminable retraite
était d’entrer dans le cercle de la bougie,
de s’y tenir, en ne cédant pas à la tentation
de remplacer les ténèbres par le jour
et leur éclair nourri par un terme inconstant.

(René Char)

Recueil: le Nu perdu et autres poèmes 1964-1975
Editions: Gallimard

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J’étais, avec mes compagnes (Rabindranath Tagore)

Posted by arbrealettres sur 8 juillet 2023




    
J’étais, avec mes compagnes, occupée
aux obscures tâches journalières de la maison.
Pourquoi m’avez-vous remarquée
et m’avez-vous fait quitter
le frais abri de notre vie commune ?

L’amour inexprimé est sacré.
Il brille comme une gemme
dans l’ombre secrète du coeur.
A la lumière du jour indiscret,
il s’assombrit piteusement.
Ah ! vous avez brisé l’enveloppe de mon coeur
et arraché mon amour à son mystère,
détruisant à jamais l’ombre chère
où il cachait son nid.

Mes compagnes, elles, restent les mêmes.
Personne n’a pénétré leur être intime
et elles ne connaissent pas leur propre secret.
Légèrement elles sourient et pleurent,
et babillent et travaillent.
Journellement elles vont au temple,
allument leurs lampes
et cherchent de l’eau á la rivière.

J’espérais que mon amour ne souffrirait pas
la honte frissonnante de l’abandon.
Mais vous détournez votre visage.
Oui, la route est ouverte devant vous ;
mais vous m’avez coupé toute retraite
et laissée nue devant le monde,
dont les yeux sans paupières
me fixent nuit et jour.

(Rabindranath Tagore)

Recueil: Le Jardinier d’Amour
Editions: Gallimard

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Pour qui parle le poète ? (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023



Illustration: René Baumer
    
Pour qui parle le poète ?

Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?
Celui capable de réformer le monde
Ou de l’embraser d’un souffle acide
De l’enrouler d’un bon mot
Jusqu’à l’implosion des sens
De faire de tout ce qui était
Cendres incandescentes

Où es-tu ?

Toi le dernier Nadir
Fais-nous entendre ta voix
Tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée d’hommes
Tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
De ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
Avec de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple
Accompagne-les dans leur retraite
Mais il est peut-être déjà trop tard
Car voici venu le temps des nombrilistes
Des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
Tu nous as tourné le dos à tous
Sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
Fais de chaque vision
Notre éternité

Reviens-nous
Toi l’enfant
Le voyant
Le dernier mendiant

(Grégory Rateau)

 

Recueil: Conspiration du réel
Traduction:
Editions: Unicité

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Le vagabond immortel (Guo Pu)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Le vagabond immortel

Les martins-pêcheurs jouent entre les lotus offerts.
Les teintes et les formes se prêtent leur fraîcheur
Le lierre entrelace ses feuilles sombres aux hautes futaies
Et marbre ainsi la colline de dessins ténébreux.
Sur ses hauteurs, un homme à la retraite paisible
Siffle allègre aux accords des cordes du luth qu’il caresse
Et libère ainsi ses pensées pour les élever au-delà du bleu.
Les étamines des fleurs parfument sa bouche,
Il plonge alors intrépide le long des eaux qui chutent.
Sung l’Immortel apparaît — vagabond des hauteurs.
Il chevauche une cigogne et prend appui sur la brume pourpre
Sa main droite se pose sur la manche de Colline Flottante ;
Sa main gauche accompagne l’épaule de Vaste Falaise.
Permettez-moi de demander à ces vies d’éphémères,
Ce qu’ils peuvent bien savoir des années de la tortue et de la grue.

(Guo Pu)

(276-324)

 

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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La montagne (Jean Ferrat)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2022




Ils quittent un à un le pays
Pour s’en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné
Les vieux ça n’était pas original
Quand ils s’essuyaient machinal
D’un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?

Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu’au sommet de la colline
Qu’importent les jours les années
Ils avaient tous l’âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne
Les vignes elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C’était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S’il ne vous tournait pas la tête

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?

Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l’autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n’y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie
Leur vie ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s’en faire
Que l’heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l’on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?

(Jean Ferrat)

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LA ROSE A DEUX COULEURS (Mondjik)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2022



Illustration
    
LA ROSE A DEUX COULEURS

Regarde bien la rose à deux couleurs :
C’est une perle sous la cornaline
Ou deux amants dans leur retraite
Visage sur visage.

(Mondjik)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: G. Lazard
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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