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Discours d’ouverture du Congrès littéraire international – 7 juin 1878 (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
Discours d’ouverture du Congrès littéraire international – 7 juin 1878

[…]

Ah ! la lumière !
la lumière toujours !
la lumière partout !

Le besoin de tout c’est la lumière.
La lumière est dans le livre.
Ouvrez le livre tout grand.
Laissez-le rayonner, laissez-le faire.

Qui que vous soyez
qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser,
mettez des livres partout ;
enseignez, montrez, démontrez ;
multipliez les écoles ;
les écoles sont les points lumineux de la civilisation.

Vous avez soin de vos villes,
vous voulez être en sûreté dans vos demeures,
vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ;
songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain.

Les intelligences sont des routes ouvertes ;
elles ont des allants et venants,
elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés,
elles peuvent avoir des passants funestes ;
une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit,
l’âme a des malfaiteurs ; faites le jour partout ;

ne laissez pas dans l’intelligence humaine
de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition,
où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge.

L’ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde.
Songez à l’éclairage des rues, soit ;
mais songez aussi, songez surtout,
à l’éclairage des esprits.

[…]

(Victor Hugo)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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Le chêne abandonné (Anatole France)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



Illustration
    
Le chêne abandonné

Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
Le grand chêne noueux, le père de la race,
Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.

Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre,
Robuste, il a nourri ses siècles florissants,
Fait bouillonner la sève en ses membres puissants,
Et respiré le ciel avec sa tête sombre.

Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs
Sinistrement dressés sur sa couronne verte ;
Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte
Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.

La sève du printemps vient irriter l’ulcère
Que suinte la torpeur de ses âcres tissus.
Tout un monde pullule en ses membres moussus,
Et le fauve lichen de sa rouille l’enserre.

Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui
Se brise sur son corps et tombe. Un vent d’orage
Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage,
Et peut-être qu’il doit s’écrouler aujourd’hui.

Car déjà la chenille aux anneaux d’émeraude
Déserte lentement son feuillage peu sûr ;
D’insectes soulevant leurs élytres d’azur
Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;

Dès hier, un essaim d’abeilles a quitté
Sa demeure d’argile aux branches suspendue ;
Ce matin, les frelons, colonie éperdue,
Sous d’autres pieds rameux transportaient leur cité ;

Un lézard, sur le tronc, au bord d’une fissure,
Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ;
Et voici qu’inondant l’arbre glacé, la nuit
Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure.

(Anatole France)

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MON FEU (Anne-Marie Kegels)

Posted by arbrealettres sur 8 décembre 2023



MON FEU

Ne me demandez pas les flammes les plus hautes.
Le feu que j’ai choisi demeurera caché.

Ne me demandez pas les tumultes, les sautes,
Du vent tourbillonnant au-dessus du bûcher.
Le feu que j’ai choisi s’enclôt dans une braise.
Il gîte au ras du sol, y scelle son baiser.
Il ignore les jeux crépitants des fournaises.
Vous ne le verrez pas de loin quand vous passez.
Il faut vous approcher de sa lumière sourde
Et doucement penché connaître son odeur
De forêt calcinée où les lierres s’accoudent.
Mon feu gémit sans fin d’un étrange bonheur.
Passez. Ne cherchez pas quelle est sa nourriture.
Il vit d’ombre, d’un cri, d’un long consentement.
Chaque nuit vient rôder à l’entour de ses flancs.
Et le ciel attentif souffle sur sa brûlure.

(Anne-Marie Kegels)

 

 

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Doutant des doutes (Armand Robin)

Posted by arbrealettres sur 29 novembre 2023



 

Antonio Nunziante 1956  Italy  - (14)

Doutant des doutes rencontrés,
Les dieux inachevés rôdaient
Sans âme humaine où poser leur beauté
Enfin créée.

(Armand Robin)

Illustration: Antonio Nunziante

 

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Il faut nommer les choses (Tahar Ben Jelloun)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2023




    
Il faut nommer les choses
Les objets et les sentiments
Même si le doute rôde autour du langage
Il faut choisir les mots
Dire je t’aime à l’aimée
Prendre la main quand le départ est imminent
Avec les deux bras tendus
Repousser la solitude
La jeter loin dans la mer
Nommer c’est être présent
Savoir que
Le temps ne distribue pas de cadeaux
Être là
Solidaire et fraternel
Sans regarder la montre
Ni espérer la clémence du ciel.

(Tahar Ben Jelloun)

Recueil: Douleur et lumière du monde
Editions: Gallimard

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Chaleur (Anna de Noailles)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2023



Illustration: Michèle Garin 
    
Chaleur

Bel arrangement du matin,
Qui aveuglez d’air argentin
Les coteaux crêpelés de thym;
Brillez sur les toits et les portes,

Et sur toutes les routes tortes
De la campagne à demi morte.
Tout luit, tout bleuit, tout bruit,
Le jour est brûlant comme un fruit

Que le soleil fendille et cuit.
Chaque petite feuille est chaude
Et miroite dans l’air où rôde
Comme un parfum de reine-claude.

Du soleil comme de l’eau pleut
Sur tout le pays jaune et bleu
Qui grésille et oscille un peu.
Un infini plaisir de vivre
S’élance de la forêt ivre,
Des blés roses comme du cuivre.

(Anna de Noailles)

Recueil: 30 poèmes pour célébrer le Monde
Editions: Belin

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NE PAS DORMIR (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023




    
NE PAS DORMIR

J’aime ne pas dormir lorsque tu dors déjà bercée à fond de cale
aux flancs de qui clapote l’eau de la nuit des temps
l’eau calme de l’oubli qui bruit à voix si basse
que le silence sage n’en laisse deviner pas même le murmure

Je me penche sur toi j’écoute ton absence
j’écarte de la main tes cheveux sur ton front
et l’enfant d’autrefois si perdu
qui erre encore sur la route et attend tout transi
et ne se souvient plus d’avoir été depuis réchauffé et nourri
Dors et laisse dormir l’enfant Chagrin et sa soeur Longue Absence
Dors A force de rames à force de patience
déjà nous abordons aux îles du vent clair
déjà le jour mélange ses draps blancs
aux draps qui te dessinent

Tu dors et moi je veille immobile
et pourtant sans plus rester en place
que l’herbe dans les prés quand le vent
en passant la rebrousse et l’efface
Je retiens mon souffle j’ai peur que tu ne t’éveilles
j’ai peur que tu sois là j’ai peur que tu sois loin
Le vent m’empêche de dormir si tu es loin de moi
ton cœur m’empêche de mourir s’il bat tout près du mien

Écoute ma très chère ma seule ma soeur aux yeux si clos
écoute mon souci de toi qui marche sur la pointe des pieds
Il tourne autour de toi
Il hésite Il revient Il craint de t’éveiller
Il a peur en rôdant de faire craquer un meuble ou grincer une porte
Je vais dormir encore glisser et te rejoindre ailleurs à l’envers
ressemblant et brouillé de mon double qui veille.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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AU NIVEAU DE L’ABSENCE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 30 juillet 2023



 

Carrie Lingscheit  (1)

AU NIVEAU DE L’ABSENCE

Il y a des tas de minuits fanés dans vos yeux
et des étangs de liqueur panique
où viennent se désaltérer de fragiles malfaiteurs
surpris en flagrant délit d’innocence
et la mémoire elle-même entre deux cauchemars

il y a dans vos minuits des orgues de chaleur
dont les larmes de cire
prolongent les doigts fiévreux d’une chanson
qui étrangle un par un
les rauques appels des animaux perdus

il y a sur le devant de votre vie
toutes les rides insolentes de la jeunesse
et la signature que vos lèvres déposent
au bas d’une page d’alcool
Y contient toutes sortes d’histoires vraies
assises au chevet d’une rue presque déserte
où rôdent encore des éclats de rire
et de vastes corbeaux reniés par leur propre ciel

il y a des tas d’adieux dans votre voix
et quand vous baissez la tête
pour tousser à votre aise
on dirait que vous apprenez la mort par coeur

et quand vous partez rejoindre votre silence préféré
l’espace entier se vide de ce qui n’est pas vous
et nous laisse seuls avec votre absence fertile comme tout
fertile comme un faire-part de suicide
ou comme l’envers d’un océan.

(Georges Henein)

Illustration: Carrie Lingscheit

 

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Vers La Lance (Michael Edwards)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2023


ubac-adret

Vers La Lance

Les ombres des nuages
Qui maneuvrent là-haut
Rôdent sur les versants,
Eteignent tour à tour
Les arbres, les maisons.

Le noir de la lumière
Creuse des puits profonds
Dans la terre surprise,
Et libère en partant
D’éclatantes collines.

***

Towards La Lance

The clouds process.
Their shadows range
the slopes at will,
dousing each tree
and house in turn.

The dark of light
sinks in the earth,
hollowing deep.
Its going leaves
luminous hills.

(Michael Edwards)

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Nous, les exilés (Maram al-Masri)

Posted by arbrealettres sur 31 Mai 2023



    

Nous, les exilés
qui vivons à coups de calmants.
Notre patrie est devenue Facebook
cela nous ouvre le ciel
fermé devant nos visages aux frontières.

Nous, les exilés,
nous dormons en serrant contre nous
notre téléphone mobile.
Sous les lumières
des écrans de nos ordinateurs
nous nous assoupissons pleins de tristesse
et nous réveillons pleins d’espoir.

Nous, les exilés,
rôdons autour de nos maisons lointaines
comme les amoureuses rôdent
autour des prisons,
espérant apercevoir l’ombre
de leurs amants.

Nous, les exilés, nous sommes malades
d’une maladie incurable

Aimer une patrie
mise à mort.

(Maram al-Masri)

Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey

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