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Poésie

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Je crois que je mourrai un jour (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024



Illustration: Ron Mueck
    

Je crois que je mourrai un jour.
Mais cette sensation de mourir ne me vient pas à l’esprit,
Elle me rappelle que mourir ne doit pas avoir de sens.
Ces histoires de vivre et de mourir sont des classifications
comme celles des plantes.
Mais quelles feuilles ou quelles fleurs ont une classification ?
Quelle vie a la vie, quelle mort a la mort ?
Tout cela ce sont des termes qui définissent.
L’unique définition est un contour,
Un arrêt, une couleur qui déteint, une […] *.

(Fernando Pessoa)
* La fin du vers manque.

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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En exil (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2024



En exil

Elle est triste elle fait valoir
Le doute qu’elle a de sa réalité
dans les yeux d’un autre.

Plante majeure dans le bain
Végétal travaillé brune ou blonde
A l’extrême fleur de la tête
Sa nudité continuelle

Ses seins de faveurs refusées
Un rire aux cheveux de cytise
Parmi les arbres
L’orage qui défend les siens
Brise les tiges de lumière

C’est elle c’est l’orage aussi
Qui distribue des armes maladroites
Aux herbes aux insectes
Aux dernières chaleurs
Les fumées de l’automne
Les cendres de l’hiver

La perle noire n’est plus rare
Le désir et l’ennui fraternisent
Manège des manies
Tout est oublié
Rien n’est sacrifié
L’odeur des décombres persiste.

Les yeux fermés c’est elle tout entière.

(Paul Eluard)


Illustration: Schilder Antoon Van Wely

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Être berger (Vénus Khoury-Ghata)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Illustration: Castanheira Amilcar
    
Être berger nécessite une parenté de sang avec un loup
des liens avec un brin d’orge ou de luzerne
on échange un fromage contre un bâton
un ballot de laine contre un calendrier
une brebis pleine contre une fille vierge
on apprend l’ignorance aux plantes savantes
l’addition au chien
et au feu de ne pas ronfler en présence des visiteurs

(Vénus Khoury-Ghata)

Recueil: Les mots étaient des loups Poèmes choisis
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Peut-être resterons-nous fixés sur une pensée (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2024



Illustration: Ron Mueck
    
Peut-être resterons-nous fixés sur une pensée,
la pensant pour toujours.

Il se pourrait que l’éternité consiste
à se concentrer sans rien alentour
sur la pensée la plus dense
et à rester là comme une plante en éveil
qui colonise pour toujours son minuscule espace.

Mourir ne serait alors
rien d’autre que l’ultime effort de l’attention,
l’abandon des autres pensées.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Un petit garçon s’amuse (Joy Harjo)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2024




    
Un petit garçon s’amuse avec deux chiots sur le seuil.
Une fillette, portant l’esprit d’une vieille femme apparaît
Avec des plantes vertes à la main.
Des jumeaux jouent autour du lit.

La matrice de la terre se contracte sous la nécessité de pousser.
C’est tout ce que je vois à cause du brouillard du temps.

***

A young boy wrestles with two puppies at the doorway.
A little girl, bearing an old woman spirit appears
With green plants in her hands.
Twins play around the edge of the bed.

Earth’s womb tightens with the need to push.
That is all that I see because of the fogginess of time.

(Joy Harjo)

Recueil: L’aube américaine
Traduction: de l’anglais (Etats Unis) par Héloïse Esquié
Editions: Globe

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LA FONTAINE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 mars 2024




    
LA FONTAINE

La fontaine est à soi un pompier pyromane.
Arroseur arrosé d’essence accidentelle,
Elle carbure à l’eau (ainsi s’enflamme-t-elle),
Et trouve en son contraire une sorte de manne

Sa lance d’incendie est le fusil en fleur
Qui lui tombe dessus, la malheureuse plante
Qui de subir des coups se relève pimpante.
Le bâton qui la bat lui met du baume au coeur.

Tous les sens en alerte et tous les feux au vert,
L’eau en la submergeant, bouillonne de bon sang
Et la noyant attise un brasier indécent.

Le jet d’eau la tamponne en plein dans les ovaires.
Son haleine tenue comme on tient une traîne,
Brillamment elle agite une queue de sirène.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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LES AMIS COMMUNS (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2024




    

LES AMIS COMMUNS

Nous avons des amis communs sur Facebook
Des amis communs morts
Personne ne supprime leur profil
Se contentant d’afficher les fleurs

C’est comme d’avoir une grand-mère
Enterrée au cimetière municipal
Et dont le pommier planté à sa tombe
a entremêlé ses racines avec le thuya de la tombe voisine
Je viens nettoyer la veille de Pâques
Des fois qu’elle décide
De se relever cette année

J’enlève les mauvaises herbes
Pour ne pas avoir honte lorsqu’elle se lèvera
J’allume les bougies
Pour avoir de la lumière lorsqu’elle se lèvera

Mais que faire des amis Facebook
Qui ont rejoint un monde meilleur
Alors que leur profil est resté dans ce bas monde

Est-ce qu’ils se relèveront
Vont-ils écrire quelques mots dans le chat
Feront-ils un selfie
Ou mettront-ils un like à ce poème ?

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin
Editions: des femmes

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COLLECTE (Luba Yakymtchouk)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2024




    
COLLECTE

Mais l’eau va descendre
Laissant apparaître les puits des mines
Telle une plante mystérieuse et tentaculaire
Et l’eau comme l’amour
Avalera tout d’une gorgée —
Pour ramasser les débris
Et enfantera la mer
Nouvelle et vivante
Et donnera naissance aux nouveaux
Non pas les hommes
Qui vogueront comme les poissons
Là où on n’a plus besoin d’hommes

***

(Luba Yakymtchouk)

Recueil: Les Abricots du Donbas
Traduction: de l’ukrainien par Iryna Dmytrychyn et Agathe Bonin)
Editions: des femmes

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CRAVATE NOIRE (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024



Illustration
    
CRAVATE NOIRE

[…]

Écris que je pleure à cause des mères.
De mes mères plus anciennes.
Des fines et belles
amantes aux fenêtres,
que le mort a surprises inabouties
et qui traînent leurs journées, maternelles
sur les photographies d’un salon
et les broderies.

Je pleure à cause des lumières qui s’allument
et de dimanche ce chat pelotonné
à ma fenêtre.
La peur met ses beaux habits
et attend.
Écris.
Que je pleure à cause des cyclones,
du peu de nourriture,
de tous les Peu,
des séismes
qui ne préviennent pas.

Je pleure car elle est venue en vain,
la nouvelle qu’hier tu as vu
le premier papillon.
je pleure car l’éphémère n’est pas une nouvelle.

Écris. Je pleure
car le hasard s’est enfermé chez lui,
le sursis est arrivé au bourreau,
la gourde est arrivée au désert,
la Jeunesse est arrivée à la photo.
Je pleure car qui sait qui fermera
les yeux de mes jours.

Arrose toi-même la plante
et laisse-moi pleurer car…

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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IL NEIGE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 16 janvier 2024



Illustration: Paul Signac
    
IL NEIGE

C’est la neige, c’est la neige.
Fascinés par ses flocons
Les géraniums se tendent
Au-delà des croisillons.

C’est la neige et tout s’égare,
Tout s’envole aux alentours,
L’escalier aux marches noires,
Le tournant du carrefour.

C’est la neige, c’est la neige,
Ces flocons qui tombent, c’est
Le ciel qui descend sur terre
En pelisse rapiécée.

Qui, furtif et l’air fantasque,
Nous arrive du grenier
En jouant à cache-cache
Dans la cage d’escalier.

Car la vie ne peut attendre.
C’est Noël, et moins de temps
Qu’il ne faut pour vous le dire,
C’est déjà le nouvel an.

Et la neige tombe, épaisse.
Dans son pas, du même pied,
Avec la même paresse,
La même célérité

Va peut-être le temps même
Les années peut-être vont
Comme les mots d’un poème
Ou la neige à gros flocons ?

C’est la neige, c’est la neige,
C’est la neige et tout s’égare,
Les passants enfarinés
Et les plantes étonnées,
Le tournant du carrefour.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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