Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024
LE CHEVAL
Je ne pense plus à toi.
On n’aperçoit pas l’âme
qui mène le corps à travers le quotidien,
sauf quand elle a mal aux genoux.
Aujourd’hui c’est la Toussaint.
Dès le matin sur le village
pleuvent les coups du clocher.
On cherche en vain
avec mon frère
les tombes de nos proches
parmi les chardons,
on choisit un endroit
qui n’appartient à personne.
Je sais qu’Il est partout.
On allume des bougies,
on verse du vin et de l’eau sur la terre.
Chacun a ses morts
et ils ont tous soif.
Le soir
j’ai oublié de fermer la porte
et le cheval en bois avec qui
nous avons traversé tant de villes
s’est enfui.
Maintenant je dois marcher à pied
jusqu’à l’autre bout
de l’automne
avec une douleur
qui me coupe les genoux.
(Aksinia Mihaylova)
Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard
Posted in poésie | Tagué: (Aksinia Mihaylova), allumer, apercevoir, appartenir, aujourd'hui, automne, à pied, à travers, âme, bois, bougie, chardon, chercher, cheval, choisir, clocher, corps, coup, couper, douleur, eau, en vain, endroit, fermer, frère, genoux, mal, marcher, matin, mener, oublier, partout, penser, personne, pleuvoir, porte, proche, quotidien, s'enfuir, savoir, soif, terre, tombe, Toussaint, traverser, verser, village, ville, vin | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 15 septembre 2023
« Puis à l’heure par Dieu choisie
Je partirai pour les grands Cieux
Adieu la terre, adieu la vie
Où l’on ne peut pas être heureux »
Marguerite ORRIT
(1962, juste avant sa mort)
TOUSSAINT POUR TOI MAMAN
A mon père A mon frère A ma tante
Toussaint… et j’omettais de t’envoyer des fleurs
M’en voudras-tu, maman, toi jadis toujours prête
A t’enfuir comme moi vers l’azur des poètes ?
Je pense qu’aujourd’hui l’amertume des pleurs
Qui brouillent mon regard et baignent mon visage
Et cette main qui tremble au long de cette page
Te prouveront assez, qu’après bientôt dix ans,
Je garde au fond du coeur, tranchant comme une lame,
Aussi dense, aussi dur, le souvenir du drame
De cette nuit hagarde où pendant si longtemps
J’ai dû, pâle et glacée, accourir vers ces lieux
Où tu n’étais plus qu’ombre en la clarté funèbre
Des cierges vacillant au milieu des ténèbres,
Toi dont je n’avais pu fermer les pauvres yeux.
Depuis, sourde à la voix d’un cyprès d’où retombent
Des écailles tissant un linceul clairsemé,
Tu dors : un cyclamen, quelques glaïeuls, des tombes…
Et sur ce clou profond mon coeur s’est refermé.
Pourtant je ne crois pas qu’un mur longtemps résiste
Même si c’est la Mort, aux assauts de l’Amour
Et j’entrevois en songe un collier d’améthyste
Où tu luiras pour moi, plus pure encore, un jour.
Mais avant, que d’écueils, mais avant, que de larmes
Sur ma route d’exil je devrai rencontrer.
Dis, toutes ces douleurs, dis, toutes ces alarmes,
Si l’amour jusqu’à toi les force à pénétrer,
A travers ce linceul dont nous t’avions drapée
Ne les ressens-tu pas encor comme une épée ?
Et n’as-tu pas encor, graves et triomphants,
Des mots mélodieux pour bercer ton enfant ?
Quand mon corps se révolte à l’acmé de sa fièvre,
N’est-ce pas toi qui clos d’un doigt tendre mes lèvres ?
Ce bleu vers le zénith, dis, n’est-ce pas ta main
Dans l’arc-en-ciel mouvant, qui montre le chemin ?
Et pour que n’erre plus mon âme solitaire,
N’as-tu pas fait reluire un nouveau sanctuaire ?
Toi qui me chérissais si maladroitement,
Prête à donner ta vie afin que je renaisse,
Toi qui voyais le monde à travers un tourment,
Qui m’irritais parfois à force de tendresse,
A force de vouloir, éperdument, mourir,
De trop scruter le ciel sans regarder à terre,
De trop heurter du pied, à chaque pas, des pierres,
Toi que dans mon oubli je n’ai pas su fleurir
De ces roses, miroir de ton âme rêveuse
Où tes yeux auraient vu passer ma main pieuse,
En ce jour de Toussaint où croulent tant de fleurs,
Où tant de marbre luit sous tant de chrysanthèmes,
De mes doigts sans bouquet recueille ce poème
Où chaque rose perle et tremble comme un pleur.
(Odette Romeu)
Recueil: Sur les rives du Jourdain
Editions: émergences
Posted in poésie | Tagué: (Odette Romeu), accourir, acmé, alarme, améthyste, amertume, amour, arc-en-ciel, assaut, assez, aujourd'hui, avant, azur, à travers, âme, écaille, écueil, épée, éperdument, baigner, bercer, bleu, bouquet, brouiller, chérir, chemin, chrysanthème, ciel, cierge, clairsemé, clarté, clore, clou, coeur, collier, corps, croire, crouler, cyclamen, cyprès, dense, devoir, dire, doigt, donner, dormir, douleur, drame, draper, dur, encore, enfant, entrevoir, envoyer, errer, exil, fermer, fièvre, fleur, fleurir, fond, force, funèbre, garder, glaïeul, glace, grave, hagard, heurter, irriter, jadis, jour, lame, larme, lèvres, lieu, linceul, longtemps, luire, main, maladroit, maman, marbre, mélodieux, milieu, miroir, monde, montrer, mort, mot, mourir, mouvant, mur, nouveau, nuit, ombre, omettre, oubli, page, pas, passer, pauvre, pâle, pénétrer, penser, perler, pierre, pieux, pird, pleur, poème, poète, prêt, profond, prouver, pur, résister, rêveur, recueillir, regard, regarder, reluire, renaître, rencontrer, ressentir, retomber, rose, route, s'enfuir, sanctuaire, scruter, se révolter, se refermer, solitaire, songe, sourd, souvenir, ténèbres, tendre, tendresse, terre, tisser, tombe, tourment, Toussaint, tranchant, trembler, triompher, vaciller, vie, visage, voir, voix, vouloir, yeux, zénith | Leave a Comment »