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Poésie

Posts Tagged ‘chaume’

Tant de saisons ont passé (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 5 avril 2024




    
tant de
saisons
ont passé

les ronces
ont envahi
tes chemins

des taillis
ont poussé
dans tes chaumes

des bandes de corbeaux
tournent dans ton ciel
immuablement gris

toi l’assoupie
laisse accourir
laisse pénétrer dans tes collines

le laboureur qui ne peut
tolérer de te savoir en friche
la hache et le feu te retirer

tes taillis tes buissons
mettre à nu
tes sillons endormis

et laisse la charrue se planter
à l’angle de ta terre
faire lever en toi un immédiat printemps

(Charles Juliet)

Recueil: Ce pays de silence précédé de Trop ardente et L’Inexorable
Editions: P.O.L.

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L’ENFANT SEUL (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marianne Clouzot  
    
L’ENFANT SEUL
A Sara Hubner.

Entendant pleurer, je m’arrêtai sur le chemin en pente
et m’approchai jusqu’à la porte de la cabane.
Un enfant aux yeux de douceur me regarda de son lit
et une immense tendresse m’enivra comme vin!

Sa mère s’attardait, courbée sur le chaume;
l’enfant, à son réveil, avait cherché le sein
et s’était mis à pleurer. Je le pris dans mes bras
et une berceuse monta, tremblante, jusqu’à mes lèvres.

Par la fenêtre ouverte, la lune regardait.
L’enfant s’était rendormi et la chanson baignait
comme d’un autre éclat, mon sein riche de son faix.

Et lorsque la femme tremblante ouvrit la porte,
elle dut voir sur mon visage un bonheur si vrai
qu’elle laissa dans mes bras l’enfant endormi.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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Chaumière bretonne (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022



Chaumière bretonne

La fenêtre cligne sous le chaume
Enfoncé comme un chapeau
Sur le regard pieux des carreaux

Dans la cheminée
La crémaillère montre ses dents
Le feu lutine sur les fagots
Et fait grimacer les armoires

Sur le sol de terre battue
La table de chêne massif
Attend religieusement
De muets soupeurs

Sur le buffet sans cesse ciré
Des « porcelaines » conservent
Le bruit de la mer toute proche
Mais qu’on n’a pas le temps d’aller voir
A part le dimanche
Et l’horloge balance ses rames
Sur l’émail bleu des heures

Le soir la chaumière
Se referme sur ses mystères
Et ses bonheurs secrets
Alors que le vent du large
Eparpille des étoiles
Tout autour de son toit.

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration

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Départ à l’aube sur le mont Shang (Wen Ting-yun)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2022



Illustration: Leslie Goh
    
Départ à l’aube sur le mont Shang

Départ avant l’aube : les clochettes qui tintent
Ravivent la nostalgie des voyageurs –
Gîte de chaume sous la lune : chant d’un coq
Pont de bois couvert de givre : traces de pas

Tombent les feuilles sur la route de montagne
Quelques fleurs éclairent les murs du relais
Rêvant encore au pays de Du-ling
Les oies sauvages, près de l’étang, s’attardent

(Wen Ting-yun)

 

Recueil: L’Ecriture poétique chinoise
Traduction: François Cheng
Editions: du Seuil

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L’Odeur de mon Pays (Lucie Delarue-Mardrus)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2022




L’Odeur de mon Pays

L’odeur de mon pays était dans une pomme.
Je l’ai mordue avec les yeux fermés du somme,
Pour me croire debout dans un herbage vert.
L’herbe haute sentait le soleil et la mer,
L’ombre des peupliers y allongeait des raies,
Et j’entendais le bruit des oiseaux, plein les haies,
Se mêler au retour des vagues de midi.
Je venais de hocher le pommier arrondi,
Et je m’inquiétais d’avoir laissé ouverte
Derrière moi, la porte au toit de chaume mou ..
Combien de fois, ainsi, l’automne rousse et verte
Me vit-elle, au milieu du soleil et debout,
Manger, les yeux fermés, la pomme rebondie
De tes prés, copieuse et forte Normandie ?…
Ah ! je ne guérirai jamais de mon pays !
N’est-il pas la douceur des feuillages cueillis
Dans leur fraîcheur, la paix et toute l’innocence ?
Et qui donc a jamais guéri de son enfance ?…

(Lucie Delarue-Mardrus)

 

 

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Le lézard (Eugenio Montale)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2020



Le lézard, s’il s’élance
sous la grande ardeur
d’entre les chaumes —

la voile, quand elle gonfle
et s’abîme au saut
du rocher —

le canon de midi
plus ténu que ton coeur
et le chronomètre s’il
se déclenche sans bruit —

alors? Lueur d’éclair

vainement vous transmue en chose
riche et singulière. Tout autre était ta marque.

***

Il ramarro, se scocca
sotto la grande fersa
dalle stoppie –

la vela, quando fiotta
e s’inabissa al salto
della rocca –

i1 cannone di mezzodi
più fioco del tuo cuore
e il cronometro se
scatta senza rumore –

e poi? Luce di lampo
invano puô mutarvi in alcunché
di ricco e strano. Altro era il tuo stampo.

(Eugenio Montale)

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Homme et femme (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2020


Sous les cumulus du ciel
des bois fument.
Debout il regarde la chaise
sa paille tressée ses barreaux clairs
l’affluence l’entoure
la nuit reste lointaine encore.
Par-delà les vétustes maisons
le regard perdu
seins dressés sous la laine
tombe la jeune femme
sur le chaume rouge des sarrasins.

(Jean Follain)

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Ta chaumière (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2020



Ta chaumière

Couvert de chaume et d’iris
Le toit touche le sol
Chaumière des amours juvéniles
Dont les fenêtres reflètent la mer
Le soir la lampe éclaire à peine la pièce unique
Et plonge nos caresses dans l’ombre
Tandis que ta vieille tante ronfle
Derrière les rideaux de son lit
Dans une bouteille un trois mâts navigue sur la cheminée
Sous le crucifix orné d’un rameau sec
Qu’on ne renouvelle qu’une fois par an
Dans des cadres vermoulus
Des personnages bibliques ont le cœur hors de la poitrine
Tandis que dans l’âtre brûle un feu d’enfer.

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration

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LE VILLAGE KARSTIQUE (Srecko Kosovel)

Posted by arbrealettres sur 28 février 2020


 


 

LE VILLAGE KARSTIQUE

I
Seul
par le village.
Dans la nuit
hurlent les espaliers
— le bora escalade
les murs, cogne
à la vitre : « Qui ? ,

La fenêtre éclaire
la nuit.
Et au bout du village
le pin gémit,
tressaille
quand il me reconnaît.

II
Les toits abrupts dans l’ombre
dorment;
toits de chaumes, toits de pierre,
lugubres tous
avec leurs fronts bas.

Les gens ont les bras croisés
sur la poitrine.

Comment ?
Pourquoi ?
« Meurs, ou reviens sur tes pas! »

III
L’océan des pins
mugit sombrement
— l’Adriatique, martèle le rivage,
cogne les ténèbres,
le bora heurte
la fenêtre morte.

La nuit pèse sur le village karstique.
Qui désespère ?
Qui se lamente,
que je le maudisse
en ce coeur malade ?

Qui ?

(Srecko Kosovel)

Illustration

 

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À DEVENIR SOURD (Leib Kvitko)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2020




Illustration: ArbreaPhotos … Oradour
    
À DEVENIR SOURD

À devenir sourd
J’affinai mon ouïe.
Jusqu’à être aveugle
J’aiguisai ma vue,
Avec une acuité morbide,
Évaluant tout chuchotement
Pour le livrer totalement
À mon âme endolorie,
À ma chair brûlante,
Cherchant où se cacher
Tourbillonnent en moi
Tous les bruits et toutes les ombres,
Croissent en moi, fructifient,
Enfouis profondément dans mon fiel et mon sang.
Alors qui veut, quel bruit
Quel coup,
Celui du massacre des jeunes gens
Sur les toits de chaume ?
Celui sauvagement qui hurle et qui s’échappe
Des lits comblés ?
Chaque chose à son heure :
Tout, de mes ennemis, jour et nuit
Vit en moi.

(Leib Kvitko)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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