nous les complices du soleil
je fais tout pour qu’il t’éclaire
plus longtemps
je tiens de sa chaleur
nous la tenons
quand nous sommes ensemble
*
quand on est séparés
chacun est seul pour deux
ce n’est pas deux solitudes
c’est deux solitudes doubles
à ne pas pouvoir porter
mais quand on est réunis
on n’est pas deux
on est doublement un
Les choses sont des gestes moins pâles.
C’est pourquoi notre geste le plus seul
se réunit avec elles
comme la langue avec la saveur.
Les choses sont l’autre authentique
et nous rien de plus que ce qui est autre.
Leur altérité n’a nul besoin
de référence ni de sujet non autre.
C’est l’unique un.
(Roberto Juarroz)
Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard
Grandes orgues du coeur quelle est votre machine ?
Pourquoi vos couples furieux
Forment-ils un dragon de Chine
Un archange constellé d’yeux ?
vient dans ce désordre une musique sainte
Un souffle insensible aux combats ?
Et pourquoi cette longue plainte
Si haute montant de si bas.
Derrière les yeux, le mystère
D’où infiniment advient la beauté
D’où coule la source du songe
Bruissant entre rochers et feuillages
Chantant en cascade
les saisons renouvelées
Chantant les instants
de la vraie vie offerte
Matin du martinet disparu
Midi de la mésange retrouvée
Longues heures à traverser le jour
Un seul battement de cils et mille papillons
prêts à s’enfouir parmi les pétales
prêts à durer tant que dure la brise
Jusqu’à la passion du couchant
où les âmes clameront alliance
Jusqu’à l’immémorial étang
où rayon de lune et onde d’automne
Referont un
(François Cheng)
Le long d’un amour, 2003.
Recueil: La Beauté Éphéméride poétique pour chanter la vie
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Un Abîme de silence nous sépare l’un de l’autre.
Je me tiens d’un côté de l’abîme, toi de l’autre.
Je ne peux te voir ni t’entendre, mais sais que tu es là.
Souvent je t’appelle par ton nom d’enfant
Et prétends que l’écho à mon cri est ta voix.
Comment combler l’abîme ? Jamais par la parole ou le contact.
Autrefois je pensais que nous pourrions le remplir de larmes.
Maintenant je veux le détruire avec nos rires.
***
The Gulf
A Gulf of silence separates us from each other.
I stand at one side of the gulf, you at the other.
I cannot see you or hear you, yet know that you are there.
Often I call you by your childish name
And pretend that the echo to my crying is your voice.
How can we bridge the gulf? Never by speech or touch.
Once I thought we might fill it quite up with tears.
Now I want to shatter it with our laughter.
(Katherine Mansfield)
Recueil: Villa Pauline Autres Poèmes
Traduction: Philippe Blanchon
Editions: La Nerthe
Si d’un coeur vrai on vit dans le monde
Pourquoi ne pas suivre la Voie chez soi ?
Si l’on connaît en toutes choses l’Un
Pourquoi seulement méditer à la montagne ?
(Pusol)
Recueil: Les mille monts de lune Poèmes de Corée
Traduction: Sunmi Kim
Editions: Albin Michel