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Poésie

Posts Tagged ‘prodige’

Quand donc un homme (Platon)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2024



    
Quand donc un homme, qu’il soit porté pour les garçons ou pour les femmes,
rencontre celui-là même qui est sa moitié,
c’est un prodige que les transports de tendresse,
de confiance et d’amour dont ils sont saisis;
ils ne voudraient plus se séparer, ne fût-ce qu’un instant.

Et voilà les gens qui passent toute leur vie ensemble,
sans pouvoir dire d’ailleurs ce qu’ils attendent l’un de l’autre;
car il ne semble pas que ce soit le plaisir des sens
qui leur fasse trouver tant de charme dans la compagnie l’un de l’autre.

Il est évident que leur âme à tous deux désire autre chose,
qu’elle ne peut pas dire, mais qu’elle devine et laisse deviner.

(Platon)
, Le Banquet, traduit du grec par Émile Chambry, Garnier-Flammarion, 1964.

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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HYMNE AUX CONFINS MAGNÉTIQUES (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
HYMNE AUX CONFINS MAGNÉTIQUES

Soudain c’est ainsi
Je te connais au premier regard
Horizon à même la peau

Au rythme premier aussi je te connais
Et au souffle premier
Je te sais énergie sans repos

Que tu sois prodige
Métamorphose ou chaos
En tête-à-tête je te connais

*

Je te rejoins en ardente solitude
Je t’invente un nom de sanyasin
Au vrai de son silence je t’invente

Je te rejoins à pas démesurés
Sur mon honneur
Je te prédis l’ivresse de banquets faméliques

Je te rejoins par-delà les frontières
Je te bâtis un abandon
À l’étiage du lac Birendra

*

Parti où tu es
L’invincible est à ne pas croire
Une épée au bord des lèvres

Je te rejoins de cause à effet
Et plus jamais de regrets
Je garde la colère

Et plus jamais de remords
Je réveille l’insouciance
À midi c’est juré

*

Je te soulève à contre-pente
L’allégresse vient de faire escale
Aux confins magnétiques

Tout s’est inversé
L’orage au matin calme
La brume dans les flammes

Je te soulève plus haut qu’il n’est possible
Plus inouï qu’il se peut d’aimer
D’hymne pour te diviniser

*

Te voici hors d’atteinte
Je te cherche à l’orée du temps
Rien n’est inachevé

(André Velter)

Recueil: Séduire l’univers précédé de à contre peur
Editions: Gallimard

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J’ai la fureur d’aimer (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2023




    
J’ai la fureur d’aimer

J’ai la fureur d’aimer. Mon cœur si faible est fou.
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où,
Qu’un éclair de beauté, de vertu, de vaillance
Luise, il s’y précipite, il y vole, il s’y lance,

Et, le temps d’une étreinte, il embrasse cent fois
L’être ou l’objet qu’il a poursuivi de son choix;
Puis, quand l’illusion a replié son aile,
Il revient triste et seul bien souvent, mais fidèle,

Et laissant aux ingrats quelque chose de lui,
Sang ou chair. Mais, sans plus mourir dans son ennui,
Il embarque aussitôt pour l’île des Chimères
Et n’en apporte rien que des larmes amères

Qu’il savoure, et d’affreux désespoirs d’un instant,
Puis rembarque. – Il est brusque et volontaire tant
Qu’en ses courses dans les infinis il arrive,
Navigateur têtu, qu’il va droit à la rive,

Sans plus s’inquiéter que s’il n’existait pas
De l’écueil proche qui met son esquif à bas.
Mais lui, fait de l’écueil un tremplin et dirige
Sa nage vers le bord. L’y voilà. Le prodige

Serait qu’il n’eût pas fait avidement le tour,
Du matin jusqu’au soir et du soir jusqu’au jour,
Et le tour et le tour encor du promontoire,
Et rien ! Pas d’arbres ni d’herbes, pas d’eau pour boire,

La faim, la soif, et les yeux brûlés du soleil,
Et nul vestige humain, et pas un cœur pareil !
Non pas à lui, – jamais il n’aura son semblable –
Mais un cœur d’homme, un cœur vivant, un cœur palpable,

Fût-il faux, fût-il lâche, un cœur ! quoi, pas un cœur !
Il attendra, sans rien perdre de sa vigueur
Que la fièvre soutient et l’amour encourage,
Qu’un bateau montre un bout de mât dans ce parage,

Et fera des signaux qui seront aperçus,
Tel il raisonne. Et puis fiez-vous là-dessus ! –
Un jour il restera non vu, l’étrange apôtre.
Mais que lui fait la mort, sinon celle d’un autre ?

Ah, ses morts ! Ah, ses morts, mais il est plus mort qu’eux !
Quelque fibre toujours de son esprit fougueux
Vit dans leur fosse et puise une tristesse douce;
Il les aime comme un oiseau son nid de mousse;

Leur mémoire est son cher oreiller, il y dort,
Il rêve d’eux, les voit, cause avec et n’en sort
Plein d’eux que pour encor quelque effrayante affaire.
J’ai la fureur d’aimer. Qu’y faire ? Ah, laisser faire!

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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TERRASSE (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 13 janvier 2023




Illustration
    
TERRASSE

De ma terrasse
J’ai regardé la terre
Épouvantée
Par ses razzias
Ses bains de sang

De ma terrasse
J’ai regardé la terre
Éblouie
Par ses prodiges
Ses surgissements

Depuis je glisse
Des ombres à l’éclat
Je navigue
Entre arc-en-ciel
Clartés et soupçons.

(Andrée Chedid)

 

Recueil: L’Étoffe de l’univers
Traduction:
Editions: Flammarion

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VERS GNOMIQUES (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2022




    
VERS GNOMIQUES

Je t’ai vu grandir comme un arbre,
Inénarrable éternité;
Je t’ai vu durcir comme un marbre,
Indicible réalité.

Prodige dont le nom m’échappe,
Granit trop dur pour le ciseau,
Bonheur partagé par l’oiseau
Et par l’eau que le chien lappe.

Secrets qu’il faut savoir et taire!
Tout ce qui dure est passager;
Je sens sous moi tourner la terre;
Le ciel plein d’astres m’est léger.

Vous souriez, morts bien couchés;
Tout ce qui passe pourtant dure;
Les brins minces de la verdure
Sont faits du grain noir des rochers.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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LE GRAND DÉFI (Jacques Rabemananjara)

Posted by arbrealettres sur 14 juillet 2021




LE GRAND DÉFI

I

Ton corps était tendu de grâce et d’insolence :
Le grand défi brillait d’un feu de diamant
dans tes yeux où l’amour en pleine virulence
rutilait comme un astre au fond du firmament.

Nous reprîmes le chant de nos premières fêtes :
Le monde de nouveau chancela sous nos poids,
tellement nous étions lourds de tous nos émois ;
royale tu m’ouvris les alcôves secrètes.

Aussitôt jaillissant du sarcophage d’or
telle tu m’apparus qu’en songe j’avais prise :
reine Néfertiti sans voile ni trésor,

ayant pour seul atour sa beauté reconquise
ou bien, livrée à la caresse de nos brises,
ondine d’Alassour, nymphe des lacs du Nord.

II

Royale tu m’ouvris les alcôves du ciel :
Par quel prodige, par quelle métamorphose
dans ton lit devenu l’axe de toute chose,
l’Univers retrouva son centre essentiel !

Ce fut le tourbillon fantastique des sens
pris soudain dans la ronde éternelle des astres.
Et tel fut le combat que jouant les désastres
il nous rongea les os et nous brilla le sang.

Cherchant de nos volcans les plus riches vestiges
nous tournions, nous tournions sur nos propres vertiges
avant la chute d’or dans le cratère en feu.

Le bonheur renaissait de la chaude coulée
des laves dévalant les flancs nus et nerveux
de ta divinité de nouveau révélée.

III

O Déesse, voici le temps de l’apogée :
La terre disparaît avec son rituel
et son cortège de soucis habituels.
C’est l’ivresse du ciel par l’amour propagée

qui déferle sur nous en beaux cyclones d’or.
Quelle force nous lance au-delà de nous-mêmes,
plus haut que notre rêve et plus loin que la mort.
Le zénith nous délivre un message suprême

pour franchir la frontière au col de l’infini.
Nous avons à passer la charge la plus lourde
dont un simple mortel se soit jamais muni.

Notre soif est si grande et si fraîche la gourde
que du désert brillant le sable et les rocailles
s’en trouvent attendris jusque dans les entrailles.

(Jacques Rabemananjara)

Illustration

 

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LA GRÂCE DE L’INSTANT (Robert Momeux)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2021



LA GRÂCE DE L’INSTANT

Quand le jour s’immobilise
Quand muet le soleil pose ses ombres bleues
A peine l’herbe encore un peu bouge frémit
Et le vent retient son souffle
Une femme apparaît alors dans le sentier
Grande grave elle emplit toute l’étendue
Elle se tait elle a les yeux ouverts
Ou bien c’est un oiseau qui vient de loin
Il ne fait que passer
Et l’on ne sait les distinguer dans la lumière
On ne sait pas lequel est le plus vrai
Femme ou oiseau c’est même image dans le songe
Un glissement dans l’air un mouvement sans bruit
Comme un geste d’appel
Comme un serment enfin tenu
Dans le temps fugitif qui voudrait bien s’asseoir
Enfin un peu dans le prodige de l’instant

(Robert Momeux)


Illustration

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UN DÉSIR D’ODYSSÉE (Jacques Lacarrière)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2021




    
UN DÉSIR D’ODYSSÉE

Relever la parole ancienne
Ranimer les mots refroidis
Fermente aux lèvres un nouveau chant
Embrasements ? non, embrasures
Où sur la fresque de midi
S’éploie un désir d’odyssée

Un désir d’odyssée
Par les routes imprononcées
Par les routes jamais écrites
Par les mers encore inchantées

Par les lagunes innommées
Et les déserts indénombrés
Par les chemins non murmurés
Un désir d’odyssée
Par les vents à réinventer
Les orages inéclatés
Les azurs à revisiter

Par les prodiges improclamés
Les sirènes à réenchanter
Sur le portulan des légendes

Un désir d’odyssée
Par les îles inépelées
Et les embruns imbalbutiés
Des vagues jamais chuchotées

Un désir d’odyssée
Vers le lieu ou l’Improféré
Sibylle des mots à venir
Guette en sa grotte improfanée
Le poète qui, d’un baiser
Sur sa bouche délivrera
Les oracles inapaisés.

(Jacques Lacarrière)

Recueil: A l’orée du pays fertile
Traduction:
Editions: Seghers

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LUMIERE SUR LES MURS DE LA VIE (Lidia Chiarelli)

Posted by arbrealettres sur 18 août 2020




    
Poem of the Week Ithaca 640
by Lidia Chiarelli, Italy

Poem in Dutch Spanish, English, French, Italian, German, Portuguese, Sicilian, Romanian, Polish, Greek, Chinese, Arab, Hindi, Japanese, Farsi, Bulgarian, Icelandic, Russian, Malaya, Filipino, Hebrew, Tamil, Kurdish
– All translations are made in collaboration with Germain Droogenbroodt –

LUMIERE SUR LES MURS DE LA VIE
A Lawrence Ferlinghetti pour son 101 anniversaire

Apprends-moi à peindre
la lumière sur les murs de la vie

Apprends-moi
à regarder le monde
comme toi tu le vois
à devenir une larme de soleil
une colline de poésie
un mot dans un arbre.

Emmène-moi
voir le soleil
qui frappe les rochers
les marées qui sans arrêt vont et viennent
les oiseaux de mer qui défient le vent.

Ecoutons ensemble
le souffle des feuilles frémissantes
le silence parfait d’une nuit parsemée d’étoiles
la musique de l’été dans les gouttes de pluie.

Ici et maintenant
aide-moi à gagner les rivages de lumière
attendant
la renaissance du prodige
avec toi
à nouveau et pour toujours.

Traduction de Elisabeth Gerlache
Translation into French by Elisabeth Gerlache

***

LICHT OP DE MUREN VAN HET LEVEN

Aan Lawrence Ferlinghetti voor zijn 101ste verjaardag
Leer me om het licht
op de muren van het leven te schilderen.

Leer me
om naar de wereld te kijken
zoals jij hem ziet
om een traan van de zon te worden
een heuvel van poëzie
een woord in een boom.

Leid me
om de zon te zien
die tegen de steile rotsen slaat
de getijden die rusteloos komen en gaan
de watervogels die de wind tarten.

Laten we samen luisteren
naar de adem van ritselende bladeren
naar de perfecte stilte van een sterren bezaaide nacht
naar het geluid van de zomer in de regendruppels.

Hier en nu
help me om de kusten van het licht te bereiken
wachtend
op de wedergeboorte van het wonder
met jou
opnieuw en voor altijd.

Vertaling Germain Droogenbroodt
Translation into Dutch by Germain Droogenbroodt

***

LUZ EN LAS PAREDES DE LA VIDA

A Lawrence Ferlinghetti por su 101 cumpleaños

Enséñame a pintar
la luz en las paredes de la vida.

Enséñame
a mirar el mundo
como tú lo ves
para convertirse en una lágrima del sol
una colina de poesía
una palabra en un árbol.

Guíame
para ver el sol
atizando los escarpados acantilados
las mareas que van y vienen sin cesar
las aves acuáticas desafiando al viento.

Escuchemos juntos
el aliento de las hojas susurrantes
el perfecto silencio de una noche estrellada
el sonido del verano en las gotas de lluvia.

Aquí y ahora
ayúdame a alcanzar las orillas de la luz
esperando
el renacer del milagro
contigo
de nuevo y para siempre.

Traducción Rafael Carcelén
Translation into Spanish by Rafael Carcelén

***

LIGHT ON THE WALLS OF LIFE

To Lawrence Ferlinghetti for his 101st birthday

Teach me to paint
the light on the walls of life.

Teach me
to look at the world
as you see it
to become a tear of the sun
a hill of poetry
a word in a tree.

Lead me
to see the sun
hitting the sheer cliffs
the tides that restlessly ebb and flow
the water birds challenging the wind.

Let’s listen together
to the breath of rustling leaves
the perfect hush of a starry night
the sound of summer in the raindrops.

Here and now
help me reach the very shores of light
waiting for
the renaissance of wonder
with you
again and forever.

Translation into English by Stanley Barkan

***

LUCE SULLE PARETI DELLA VITA

a Lawrence Ferlinghetti per il suo 101° compleanno

Insegnami a dipingere
la luce sulle pareti della vita.

Insegnami
a guardare il mondo
come tu lo vedi
per diventare una lacrima del sole
una collina di poesia
una parola su un albero.

Guidami
per vedere il sole
a strapiombo sulla scogliera
le maree che vanno e vengono senza sosta
gli uccelli acquatici che sfidano il vento.

Ascoltiamo insieme
il respiro delle foglie fruscianti
il silenzio perfetto di una notte stellata
il suono dell’estate nelle gocce di pioggia.

Qui e ora
aiutami a raggiungere le rive della luce
in attesa
della rinascita del miracolo
con te
di nuovo e per sempre

Traduzione di Luca Benassi
Translation into Italian by Luca Benassi

***

LICHT AN DEN WÄNDEN DES LEBENS

An Lawrence Ferlinghetti zu seinem 101. Geburtstag

Lehre mich. das Licht
an die Wände des Lebens zu malen.

Lehre mich,
die Welt anzuschauen
wie du sie siehst
eine Träne der Sonne zu werden
ein Hügel der Poesie
ein Wort in einem Baum.

Führe mich
die Sonne zu sehen
wie sie die steilen Klippen trifft,
die Gezeiten, jene unruhige Ebbe und Flut,
die Wasservögel, die den Wind herausfordern.

Lasst uns zusammen
dem Atem der raschelnden Blätter lauschen,
der perfekten Stille einer sternenklaren Nacht,
dem Klang des Sommers in den Regentropfen.

Hier und jetzt
hilf mir die Ufer des Lichts zu erreichen
wartend auf
die Wiedergeburt des Wunders
mit dir
wieder und wieder.

Übersetzung Wolfgang Klinck
Translation into German by Wolfgang Klinck

***

LUZ NAS PAREDES DA VIDA

Para Lawrence Ferlinghetti pelo anioversário de 101 anos

Ensina-me a pintar
a luz nas paredes dessa vida.

Ensina-me
a olhar o mundo
como tu o vês
para transformar-se numa lágrima de sol
uma colina de poesia
uma palavra numa árvore.

Leva-me
para ver o sol
avivando as escarpas altaneiras
as marés que vão e que vêm incessantemente
as aves aquáticas desafiando o vento.

Escutemos juntos
a respiração das folhas sussurrantes
o perfeito silêncio de uma noite estrelada
o alarido do verão nas gotas de chuva.

Aqui e agora
ajuda-me a alcançar os horizontes da luz
esperando
o renascer do milagre
contigo
de novo e para sempre.

Tradução ao português, José Eduardo Degrazia
Translation into Portuguese by José Eduardo Degrazia

***

LUCI SUPRA LI MURA DI LA VITA

Nzignami a dipinciri
La luci supra li mura di la vita

Nzignami
A taliatri lu munnu
Comu tu lu vidi
A divintari na lacrima di suli
Nu poju di puisia
Na palora nton arburu

Portami
a vidiri lu suli
ca illumina li sdirrupi
li marei chi vannu e venunu
l’aceddi marini ca sfidanu lu ventu.

Ascutamu nzemmula
Lu friscari di lu ventu ntra li fogghi
Lu silenziu pirfettu di na notti di stiddi
Lu scrusciu di la stati nta li gocci d’acqua

Ccà ora
Aiutami a ghicari a la stissa riva di la luci
Mentri aspettu
La rinascenza di la miravigghia
Cu ttia
Di novu e pir sempri.

Traduzioni di Gaetano Cipolla
Translation into Sicilian by Gaetano Cipolla

***

LUMINĂ ÎN ZIDURILE VIEȚII

lui Lawrence Ferlinghetti, cu ocazia împlinirii vârstei de 101 de ani

Învață-mă să pictez
lumina din zidurile vieții.

Învață-mă
să privesc lumea
așa cum o vezi tu
să devin lacrimă de soare
un deal de poezie
cuvânt într-un copac.

Îndrumă-mă
să văd cum soarele
izbește stânca malului abrupt
neobosite zbateri printre valuri
păsări marine opintindu-se în vânt

să ascultăm alăturați
suflarea frunzelor foșnind
perfecta liniște a nopții înstelate
sunetul verii rezonând prin picături de ploaie.

Aici și acum
ajută-mă s-ating țărmul luminii
așteptând
renașterea minunii
cu tine iarăși
pe vecie.

Traducere: Gabriela Căluțiu Sonnenberg
Translation into Romanian by Gabriela Căluțiu Sonnenberg
***

ŚWIATŁO NA ŚCIANACH ŻYCIA

Lawrence’owi Ferlinghettiemu na jego 101 urodziny

Naucz mnie malować
światło na ścianach życia.

Naucz mnie
patrzeć na świat
tak jak ty go widzisz
stać się łzą słońca
wzgórzem poezji
słowem w drzewie.

Prowadź mnie
abym widziała słońce,
godzące w strome skały
fale które niespokojnie odpływają i przypływają
wodne ptaki walczące z wiatrem.

Posłuchajmy wspólnie
powiewu szeleszczących liści,
idealnej ciszy gwieździstej nocy
brzmienia lata w kroplach deszczu.

Tu i teraz
pomóż mi dotrzeć na sam brzeg światła
czekając na
renesans cudu
z tobą
znowu i już na zawsze.

Przekład na polski: Mirosław Grudzień – Małgorzata Żurecka
Translation into Polish by Mirosław Grudzień – Małgorzata Żurecka

***

ΦΩΤΙΣΕ ΤΟΥΣ ΤΟΙΧΟΥΣ ΤΗΣ ΖΩΗΣ

Δίδαξε με να ζωγραφίσω φως
στους τοίχους της ζωής
τον κόσμο να κοιτάζω
όπως κι εσύ
το δάκρυ του ήλιου να γενώ
λόφος ποιητκός
κόσμος ενός δεντρού.

Οδήγησε με
να δω τον ήλιο
να πέφετει στις πλαγιές
και στις παλλίρριες που πάνε κι έρχονται
στους γλάρους με τον άνεμο
που πολεμούν

Μαζί ν’ αφουκραστούμε ανάσες
στο θρόϊσμα των δέντρων
της πάναστρης νύχτας την τελειότητα
τον ήχο του καλοκαιριού στις στάλλες

Εδώ και τώρα βοήθα με
να βρω του ήλιου την ακρογιαλιά
να περιμένω
του θαύματος την Αναγένηση
μαζί σου
και για πάντα.

Μετάφραση Μανώλη Αλυγιζάκη//translated by Manolis
Translation into Greek by Manolis Aligizakis

***

生命墙上的光

献给劳伦斯·费林赫蒂的101岁生日

教我画画
把光芒画上生命之墙。

教我
看世界
如你所见的那样
变成太阳的一滴泪
一座诗山
树上一个字

领着我
去看太阳
碰撞纯粹的悬崖
碰撞不停涨落的潮水
碰撞挑战风的水鸟。

让我们一起倾听
沙沙树叶的呼吸
星夜的完美宁静
雨点中夏日的声音。
此时此地
帮助我到达光明的海岸
与你
再次且永远
等待
奇迹的复兴

汉 译:中 国 周道模
Translation into Chinese by William Zhou

***

بصيص ضياء على جدران الحياة
إلى لورانس فيرلينغيتي في عيد ميلاده الواحد بعد المائة

علمني كيف أرسم
الضوء على جدران الحياة.
علمني
أن أنظر للعالم
كما تراه
لأصبح دمعة الشمس،
ركاما من الشعر،
كلمة على شجرة
خذ بيدي إلى
الشمس كي أراها.
كي أصيب المنحدرات الشديدة
وأمواج المد والجزر التي لا تعرف السكينة
وطيور الماء التي تتحدى الرياح.
لنصغي معا
إلى حفيف أوراق الشجر
وأسماك السلمون وهو تلهو في ليلة ساطعة النجوم
وإلى قطرات المطر التي تنث صيفا
ساعدني الآن ومن مكاني هذا
لكي أبلغ سواحل الضياء تماما
وأنتظر هناك انبعاث المعجزة
معك مرة أخرى وإلى الأبد.

ترجمة عن الإنجليزية: سارة سليم
Translation into Arab by Sarah Selim

***

いのちの壁の光〜ローレンス・ファーリンゲッティに捧ぐ

いのちの壁に光を描くことを教えてください

あなたのように世界を見られるよう教えてください

太陽の涙になれるように
詩の丘に、また樹木のことばになれるように

太陽が絶壁を照らすのを
絶え間なく潮が満ち引くのを
水鳥が風に挑むのを
見られるように導いてください

一緒に耳を傾けましょう
葉がさらさらと音をたてるのに
星空の下のまったくの静けさに
雨しずくの中の夏の音に

いま、ここに

光の岸にたどり着くのを助けてください
神秘のルネサンスを待ちながら
あなたとともに
ふたたび、そして永遠に

Translation into Japanese by Manabu Kitawaki

***

نوری بر روی دیوارهای زندگی

به لارنس فرلینگتتی برای تولد 101

به من یاد بده نقاشی کنم
بر روی دیوارهای زندگی.
به من یاد بده
تا به دنیا نگاه کنم
چنانکه تو می بینی اش
تا قطره ای از آفتاب شود
یک توده از شعر
یک کلمه در یک درخت.

راهنماییم کن
تا خورشید را ببینم
به صخره های حریری میخورد
جزر و مدی که بیقرار جاری می شود و جریان می یابد
پرندگان دریایی که باد را به چالش می کشند.

جازه بده با هم گوش بدهیم
نفس کشیدن خش خش برگها را
سکوت کامل شبی پرستاره
و صدای تابستان در میان قطرات باران را.
اینجا و حالا
اجازه بده به ساحل نور برسم
در انتظار
رنسانسی از شگفتی
با تو
دوباره برای همیشه.

ترجمه: سپیده زمانی

Translation into Farsi by Sepideh Zamani

***

СВЕТЛИНА НА СТЕНИТЕ НА ЖИВОТА

На Лоурънс Фърлингети за неговия 101-ви рожден ден
Научи ме да рисувам
светлината на стените на живота.

Научи ме
да гледам на света
както ти го виждаш
да се превърна в сълза на слънцето
поетично възвишение
дума в дърво.

Води ме
да видя слънцето
осветяващо отвесните скали
приливите които неспокойно се оттеглят
и носят водните птици предизвикващи вятъра.

Да послушаме заедно
диханието на шумящите листа
съвършеното мълчание на звездната нощ
звука на лято в капките на дъжда.

Тук и сега
помогни ми да достигна самите брегове на светлината
чакайки за
за възраждане на чудото
със теб
отново и завинаги.

превод от английски: Иван Христов
Translation into Bulgarian by Ivan Hristov

***

LJÓS Á VEGGJUM LÍFSINS

Til Lawrence Ferlinghetti á 101 árs afmælinu

Kenndu mér að mála
ljósið á veggi lífsins

Kenndu mér
að sjá heiminn
eins og þú sérð hann
að verða tár sólarinnar
ljóðahæð
og orð í tré.

Leiddu mig
þangað sem sólskinið
skellur á þverhníptu bjargi
flóðbylgjan flæðir eirðarlaus út og inn
og sjófuglarnir storka vindinum.

Við skulum hlusta saman
á skrjáfandi laufið anda
algera þögn stjörnubjartrar nætur
og sumarið hljóma í regndropunum.

Hjálpaðu mér
hér og nú að ná landi ljóssins
og bíða þess að
undrið endurfæðist
með þér
aftur og enn.

Translation into Icelandic by Thór Stefánsson

***

СВЕТ НА СТЕНАХ ЖИЗНИ

Лоуренсу Ферлингетти в его 101-летний юбилей

Научи меня
красить стены жизни в цвет света.

Научи меня
смотреть на мир,
каким его видишь ты,
чтобы стать слезой солнца,
холмом поэзии,
словом в дереве.

Приведи меня
увидеть солнце,
оно освещает крутые скалы,
беспокойные приливы и отливы,
водных птиц, что смеются над ветром.

Давай вместе услышим
дыхание шуршащей листвы,
идеальную тишину звездной ночи,
звуки лета в каплях дождя.

Здесь и сейчас
помоги мне добраться до берегов света,
они ждут
возрождения чуда
с тобой
снова и навечно.

Перевод Гермайна Дрогенбродта – Дарьи Мишуевой
Translation into Russian by Daria Mishueva

***
CAHAYA PADA DINDING KEHIDUPAN

Kepada Lawrence Ferlinghetti bersempena dengan hari ulang tahun kelahiran yang ke-101.

Ajarkan aku melukis
cahaya pada dinding kehidupan.

Ajarkan aku
melihat dunia
seperti yang kau lihat
menjadi air mata mentari
bukit puisi
diksi pohon.
Pimpin aku
melihat mentari

melanggar cenuram amat curam
0
burung air yang mencabar angin.
Biar kita sama-sama mendengar
nafas dedaun yang berkerisik
hening malam berisi bintang
bunyi musim panas dalam titis hujan

Di sini dan kini

bantu aku mencapai pesisir cahaya

menanti

kelahiran semula keajaiban
dengan kau

Penterjemah: Dr.Raja Rajeswari Seetha Raman
Translation into Malay by Dr.Raja Rajeswari Seetha Raman

***

ILAW SA MGA DINGDING NG BUHAY

Para kay Lawrence Ferlinghetti sa kanyang ika-101ng kaarawan

Turuan mo akong iguhit
ang ilaw sa mga dingding ng buhay.

Turuan mo ako
na tingnan ang mundo
gaya ng iyong pagtingin
na maging butil ng luha ng araw
isang burol ng mga tula
isang salita sa isang puno.

Akayin mo ako
upang makita ang sikat ng araw
na tumatama sa matatalas na mga bangin
ang walang kapagurang paglaki at pagliit ng mga alon
Ang mga ibong tubig na humahamon sa hangin.

Sabay tayong makinig
Sa hininga ng ingay ng mga dahon
ang mainam na katahimikan ng mabituing gabi
ang hugong ng tag-araw sa patak ng mga ulan.

Dito at ngayon na
tulungan mo akong maabot ang pinakadulo ng ilaw
naghihintay para sa
pagbabalik ng mga kagilagilalas na panahong
makasama kang
muli at magpakailanman.

Isinalin sa Wikang Filipino ni Eden Soriano Trinidad
Translation into Filipino by Eden Soriano Trinidad

***

לידיה צ’יארלי, איטליה

ללורנס פרלינגטי ליום הולדתו ה – 101

לַמֵּד אוֹתִי לְצַיֵּר
אֶת הָאוֹר עַל קִירוֹת הַחַיִּים.

לַמֵּד אוֹתִי
לְהִתְבּוֹנֵן בָּעוֹלָם
כְּמוֹ שֶׁאַתָּה רוֹאֶה אוֹתוֹ
לִהְיוֹת דִּמְעָה שֶׁל הַשֶּׁמֶשׁ
גִּבְעָה שֶׁל שִׁירָה
מִלָּה בְּעֵץ.

הוֹבֵל אוֹתִי
לִרְאוֹת אֶת הַשֶּׁמֶשׁ
מַכָּה בַּצּוּקִים הַתְּלוּלִים
אֶת הַגֵּאוֹת וְהַשֵּׁפֶל שֶׁעוֹלִים וּנְסוֹגִים חַסְרֵי מָנוֹחַ
אֶת צִפּוֹרֵי הַמַּיִם שֶׁמְּאַתְגְּרוֹת אֶת הָרוּחַ.

הָבָה נַקְשִׁיב יַחַד
לִנְשִׁימַת הֶעָלִים הַמְּרַשְׁרְשִׁים
לַשֶּׁקֶט הַמֻּשְׁלָם שֶׁל לַיְלָה זְרוּעַ כּוֹכָבִים
לְקוֹל הַקַּיִץ בְּטִפּוֹת הַגֶּשֶׁם.

כָּאן וְעַכְשָׁו
עֲזֹר לִי לְהַגִּיעַ עֲדֵי חוֹפֵי הָאוֹר
מְחַכָּה
לִתְחִיַּת הַפְּלִיאָה
אִתְּךָ
שׁוּב וְלַנֶּצַח.

Translation into Hebrew by Dorit Weisman

***

வாழ்க்கையின் சுவற்றில் வெளிச்சம்!

லாரன்ஸ் ஃபெர்லிங்கெட்டி அவர்களது101வது பிறந்தநாள் வாழ்த்து.

வர்ணம் பூச எனக்குக் கற்றுத்தாருங்கள்
வாழ்க்கையின் சுவற்றில் வெளிச்சத்தைத்தர
நீங்கள் பார்க்குமாறு
நானும்

உலகைக் காண கற்றுத்தாருங்கள்
கதிரவனின் கண்ணீர்த்துளியாக மாறுவதற்கு

கவிதைக் குன்றாக
மரத்தில் ஒரு சொல்லாக
அழைத்துச் செல்லுங்கள்
கதிரவனைக் காண

செங்குத்துப் பாறையின் மேல் நேராக இடிக்குமாறு
அலைகள் ஓய்வற்று எழுந்தும் தணிந்தும் பாய்வதற்கு
தண்ணீர்ப் பறவைகள் காற்றின் திறமையைச் சோதிக்க!

நாம் சேர்ந்தே கேட்போம்
சருகிப்போன இலைகளின் மூச்சைக் கேட்க
விண்மீன்கள் நிறைந்த இரவின் துல்லியமான அமைதியை
மழைத்துளிகளில் வெய்யிற்கால இசையைக் கேட்க!

இப்பொழுதே இங்கேயே
வெளிச்சத்தின் கறையைஅடைய

அதிசயங்களின்மறுவாழ்விற்காக உங்களுடன் காத்திருக்கும்பொழுது

உங்களுடன்
மீண்டும் எப்பொழுதும்!

தமிழில், முனைவர் என். வி. சுப்பராமன், சென்னை,
Translation into Tamil by Dr. N V Subbaraman

***

RONAHÎ LI SER DÎWARÊN JIYANÊ

Pêşkeş e bo Lawrence Ferlinghetti bi bûneya 101 salîyê

Ronahî yî! Min hîn bike
ez dîwarên êşê birengînim.
Min hîn bike
ez li cîhanê binhêrim
çawa tu wê dibînî
bibim rondikeke rojê
girekî helbestvaniyê
peyvek di darekê de.
Min bihindavîne
ez rojê bibînim
çawa li zinarên peravan dide
wan deman, ewên nemengiya avrabûn û vekêşê
wan çivîkên avî, ewên ribata bê dikin.
Bihêle em bihevra
li xişxişa pelan guhdarbikin
li hêminiya şeveke stêrkanî
li awaza tirpîna dilopên havînî.
Li vir û niha
yarmetiya min bide ez bi kenara ronahiyê gîhnim
çehvrêkirina
jinûva peydabûna matmaniyê
bi te re bikim
jinûva û bo hertimiyê.

Translation into Kurdish by Hussein Habasch

(Lidia Chiarelli)

 

Recueil: ITHACA 640
Editions: POINT
Site: http://www.point-editions.com/en/

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La source dans les bois (Alphonse de Lamartine)

Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2020



La source dans les bois

Source limpide et murmurante
Qui de la fente du rocher
Jaillis en nappe transparente
Sur l’herbe que tu vas coucher,

Le marbre arrondi de Carrare,
Où tu bouillonnais autrefois,
Laisse fuir ton flot qui s’égare
Sur l’humide tapis des bois.

Ton dauphin verdi par le lierre
Ne lance plus de ses naseaux,
En jets ondoyants de lumière,
L’orgueilleuse écume des eaux.

Tu n’as plus pour temple et pour ombre
Que ces hêtres majestueux
Qui penchent leur tronc vaste et sombre
Sur tes flots dépouillés comme eux.

La feuille que jaunit l’automne
S’en détache et ride ton sein,
Et la mousse verte couronne
Les bords usés de ton bassin.

Mais tu n’es pas lasse d’éclore :
Semblable à ces cœurs généreux
Qui, méconnus, s’ouvrent encore
Pour se répandre aux malheureux.

Penché sur ta coupe brisée,
Je vois tes flots ensevelis
Filtrer comme une humble rosée
Sous les cailloux que tu polis.

J’entends ta goutte harmonieuse
Tomber, tomber, et retentir
Comme une voix mélodieuse
Qu’entrecoupe un tendre soupir.

Les images de ma jeunesse
S’élèvent avec cette voix ;
Elles m’inondent de tristesse,
Et je me souviens d’autrefois.

Dans combien de soucis et d’âges,
O toi que j’entends murmurer,
N’ai-je pas cherché tes rivages
Ou pour jouir ou pour pleurer !

A combien de scènes passées
Ton bruit rêveur s’est-il mêlé !
Quelle de mes tristes pensées
Avec tes flots n’a pas coulé!

Oui, c’est moi que tu vis naguères,
Mes blonds cheveux livrés au vent,
Irriter tes vagues légères
Faites pour la main d’un enfant.

C’est moi qui, couché sous les voûtes
Que ces arbres courbent sur toi,
Voyais, plus nombreux que tes gouttes,
Mes songes flotter devant moi.

L’horizon trompeur de cet âge
Brillait, comme on voit, le matin,
L’aurore dorer le nuage
Qui doit l’obscurcir en chemin.

Plus tard, battu par la tempête,
Déplorant l’absence ou la mort,
Que de fois j’appuyai ma tète
Sur le rocher d’où ton flot sort !

Dans mes mains cachant mon visage,
Je te regardais sans te voir,
Et, comme des gouttes d’orage,
Mes larmes troublaient ton miroir.

Mon cœur, pour exhaler sa peine,
Ne s’en fiait qu’à tes échos ;
Car tes sanglots, chère fontaine,
Semblaient répondre à mes sanglots.

Et maintenant je viens encore,
Mené par l’instinct d’autrefois,
Écouter ta chute sonore
Bruire à l’ombre des grands bois.

Mais les fugitives pensées
Ne suivent plus tes flots errants,
Comme ces feuilles dispersées
Que ton onde emporte aux torrents ;

D’un monde qui les importune
Elles reviennent à ta voix,
Aux rayons muets de la lune,
Se recueillir au fond des bois.

Oubliant le fleuve où t’entraîne
Ta course que rien ne suspend,
Je remonte, de veine en veine,
Jusqu’à la main qui te répand.

Je te vois, fille des nuages,
Flottant en vagues de vapeurs,
Ruisseler avec les orages
Ou distiller au sein des fleurs.

Le roc altéré te dévore
Dans l’abîme où grondent tes eaux,
Où le gazon, par chaque pore,
Boit goutte à goutte tes cristaux,

Tu filtres, perle virginale,
Dans des creusets mystérieux,
Jusqu’à ce que ton onde égale
L’azur étincelant des cieux.

Tu parais! le désert s’anime ;
Une haleine sort de tes eaux ;
Le vieux chêne élargit sa cime
Pour t’ombrager de ses rameaux.

Le jour flotte de feuille en feuille,
L’oiseau chante sur ton chemin,
Et l’homme à genoux te recueille
Dans l’or ou le creux de sa main.

Et la feuille aux feuilles s’entasse,
Et, fidèle au doigt qui t’a dit :
« Coule ici pour l’oiseau qui passe ! »
Ton flot murmurant l’avertit.

Et moi, tu m’attends pour me dire :
« Vois ici la main de ton Dieu!
Ce prodige, que l’ange admire,
De sa sagesse n’est qu’un jeu. »

Ton recueillement, ton murmure,
Semblent lui préparer mon cœur :
L’amour sacré de la nature
Est le premier hymne à l’auteur.

A chaque plainte de ton onde,
Je sens retentir avec toi
Je ne sais quelle voix profonde
Qui l’annonce et le chante en moi.

Mon cœur grossi par mes pensées,
Comme tes flots dans ton bassin,
Sent, sur mes lèvres oppressées,
L’amour déborder de mon sein.

La prière brûlant d’éclore
S’échappe en rapides accents,
Et je lui dis : « Toi que j’adore,
Reçois ces larmes pour encens. »

Ainsi me revoit ton rivage,
Aujourd’hui différent d’hier :
Le cygne change de plumage,
La feuille tombe avec l’hiver.

Bientôt tu me verras peut-être,
Penchant sur toi mes cheveux blancs,
Cueillir un rameau de ton hêtre
Pour appuyer mes pas tremblants.

Assis sur un banc de ta mousse,
Sentant mes jours près de tarir,
Instruit par ta pente si douce,
Tes flots m’apprendront à mourir !

En les voyant fuir goutte à goutte
Et disparaître flot à flot,
« Voilà, me dirai-je, la route
Où mes jours les suivront bientôt. »

Combien m’en reste-t-il encore ?
Qu’importe ! je vais où tu cours ;
Le soir pour nous touche à l’aurore :
Coulez, ô flots, coulez toujours !

(Alphonse de Lamartine)

Illustration: ArbreaPhotos  

 

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