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Du fond de l’abîme (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 8 novembre 2023




    
Du fond de l’abîme

V

Je parle du fond de l’abîme
Et je vois le fond de l’abîme
L’homme creusé comme une mine
Comme un port sans vaisseaux
Comme un foyer sans feu

Pauvre visage sacrifié
Pauvre visage sans limites
Composé de tous les visages saccagés
Tu rêvais de balcons de voiles de voyages
Tu rêvais de printemps de baisers de bonté
Tu savais bien quels sont les droits et les devoirs
De la beauté mon beau visage dispersé

Il faudrait pour cacher ton horreur et ta honte
Des mains nouvelles des mains entières dans leur tâche
Mains travailleuses au présent
Et courageuses même en rêve.

VI

Je parle du fond de l’abîme
Je parle du fond de mon gouffre
C’est le soir et les ombres fuient
Le soir m’a rendu sage et fraternel
Il ouvre partout ses portes lugubres

Je n’ai pas peur j’entre partout
Je vois de mieux en mieux la forme humaine
Sans visage encore et pourtant
Dans un coin sombre où le mur est en ruines
Des yeux sont là aussi clairs que les miens
Ai-je grandi ai-je un peu de pouvoir.

(Paul Eluard)

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L’Amour de l’Amour (Germain Nouveau)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023



Illustration: Marc Chagall
    
L’Amour de l’Amour
I

Aimez bien vos amours ; aimez l’amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C’est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l’amour qui joue au soleil des peintures,
Sous l’azur de la Grèce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l’amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l’arceau ;
C’est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l’amour que Dieu souffla sur notre fange,
Aimez l’amour aveugle, allumant son flambeau,
Aimez l’amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l’amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l’antique amour du règne de Saturne,
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,
Qui suspendait, ainsi qu’un papillon nocturne,
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c’est lui dont la terre appelle encore la flamme,
Lui dont la caravane humaine allait rêvant,
Et qui, triste d’errer, cherchant toujours une âme,
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle
A frémi comme un monde au ventre de la nuit,
C’est le commencement des rumeurs de son aile ;
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes,
C’est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,
C’est ce Dieu. C’est ce Dieu qui tord les oriflammes
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile,
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ;
C’est lui que les lions contemplent dans l’étoile ;
L’oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse,
Et l’arbre le nommait, car il sera le fruit,
Et l’aube l’attendait, lui, l’épouvante douce
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,
Aimez l’amour, riez ! Aimez l’amour, chantez !
Et que l’écho des bois s’éveille dans la roche,
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l’Océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles !
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II

Mais adorez l’Amour terrible qui demeure
Dans l’éblouissement des futures Sions,
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure
Sur la croix, dont les bras s’ouvrent aux nations.

(Germain Nouveau)

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Les biches (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 17 septembre 2023



Illustration: Diane de Bournazel
    
Les biches aux jambes comme de grands yeux
parcourent les bois qui sont l’expression
de leur délicatesse infinie mais furieuse
dans leur agilité elles semblent peindre
le gracile au sein du fouillis
trouver le fragile au milieu des forêts
et délier tout le délire des arbres
du craquement de la branche cassée
elles tirent le grand voile du craquement
dont elles saisissent les coins de leurs dents décisives
et qu’elles emmènent jusqu’aux orées
travailleuses infatigables du mystère
ravaudeuses de beauté
elles réparent les bruits inquiétants
dont elles font le souffle de leur passage.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Fabulaux
Editions: AL MANAR

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L’INTERNATIONALE (Eugène Pottier)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2020




    
L’INTERNATIONALE

Couplet 1 :
Debout ! les damnés de la terre !
Debout ! les forçats de la faim !
La raison tonne en son cratère,
C’est l’éruption de la fin.
Du passé faisons table rase,
Foule esclave, debout ! debout !
Le monde va changer de base :
Nous ne sommes rien, soyons tout !

Refrain : (2 fois sur deux airs différents)
C’est la lutte finale
Groupons-nous, et demain,
L’Internationale,
Sera le genre humain.

Couplet 2 :
Il n’est pas de sauveurs suprêmes,
Ni Dieu, ni César, ni tribun,
Producteurs sauvons-nous nous-mêmes !
Décrétons le salut commun !
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l’esprit du cachot,
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer quand il est chaud !

Refrain

Couplet 3 :
L’État opprime et la loi triche,
L’impôt saigne le malheureux ;
Nul devoir ne s’impose au riche,
Le droit du pauvre est un mot creux.
C’est assez languir en tutelle,
L’égalité veut d’autres lois :
« Pas de droits sans devoirs, dit-elle,
Égaux, pas de devoirs sans droits ! »

Refrain

Couplet 4 :
Hideux dans leur apothéose,
Les rois de la mine et du rail,
Ont-ils jamais fait autre chose,
Que dévaliser le travail ?
Dans les coffres-forts de la bande,
Ce qu’il a créé s’est fondu.
En décrétant qu’on le lui rende,
Le peuple ne veut que son dû.

Refrain

Couplet 5 :
Les Rois nous saoûlaient de fumées,
Paix entre nous, guerre aux tyrans !
Appliquons la grève aux armées,
Crosse en l’air et rompons les rangs !
S’ils s’obstinent, ces cannibales,
À faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.

Refrain

Couplet 6 :
Ouvriers, Paysans, nous sommes
Le grand parti des travailleurs ;
La terre n’appartient qu’aux hommes,
L’oisif ira loger ailleurs.
Combien de nos chairs se repaissent !
Mais si les corbeaux, les vautours,
Un de ces matins disparaissent,
Le soleil brillera toujours !

Refrain

(Eugène Pottier)

 

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Le temps perdu (Jacques Prévert)

Posted by arbrealettres sur 11 décembre 2019




Illustration: Tarsila do Amaral
    
Le temps perdu

Devant la porte de l’usine
le travailleur soudain s’arrête
le beau temps l’a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond
souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l’oeil
familièrement
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c’est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron?

(Jacques Prévert)

 

Recueil: Bris de vers Les émeutiers du XXè siècle
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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Dans la nuit qui finit (Pierre Béarn)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2018



Dans la nuit qui finit l’usine est une étoile
Mitez-vous ô mes moucherons !
Courons, ô ma raideur, sur les pavés bossus
avec la main sur la musette
pour empêcher la vinaigrette
de corrompre en flic-floc mon repas suspendu

Gueule du métro chaude où l’on plonge enfiévrés
Bus et tramways que l’on submerge
— Accours et cours ! l’usine héberge ! —
Camions de brume où l’on s’entasse en étrangers.
Cadrans de pointage au giron
l’usine vous attend au centre de sa toile.

La sirène en serpent furieux se raidissant
s’élance ! Hâtez-vous travailleurs !
elle sera sur les rumeurs
tête coupée bientôt jet de sang s’affaissant.

Au déboulé, garçon, pointe ton numéro
pour gagner ainsi le salaire
d’un morne jour utilitaire
métro, boulot, bistro, mégots, dodo, zéro.

(Pierre Béarn)

Illustration

 

 

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CACHE-CACHE (Philippe Soupault)

Posted by arbrealettres sur 30 mars 2018



 

CACHE-CACHE

Voulez-vous jouer les amis
au jeu du petit lapin gris
ou bien au serpent à sonnette
dépêchez-vous la mort vous guette

Voleurs mendiants combinards
vous les tricheurs en série
tricheurs à la petite semaine
dépêchez-vous la mort vous guette

Vendus valets autres voyous
beaux travailleurs du chapeau
vous n’l’emporterez pas avec vous
dépêchez-vous la mort vous guette

(Philippe Soupault)

Illustration

 

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Front commun! (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2018




    
Front commun!

1
Front commun! (bis)
Nous triompherons demain
Courage! (bis)

2
Front commun! (bis)
Aujourd’hui et pas demain
Bataille! (bis)

3
Front commun! (bis)
Nous nous tenons tous la main
Victoire! (bis)

4
Front commun! (bis)
Ouvrier fais ton chemin
Vengeance! (bis)

5
Front commun! (bis)
Paysan Bonn’ nous la main
En frère! (bis)

6
Front commun! (bis)
Les soldats sont nos copains
Nos frères! (bis)

***

Front commun

1
Si le pain est cher pour l’ouvrier
Si le travail est dur dans les champs
Camarade as-tu pas oublié
Pour qui le blé rapporte l’argent?
Tant de soucis et tant de peines
Et puis la famine en plaine
Pourquoi vivre, amis, si tristement
Quand nous pouvons cesser nos tourments
Et supprimer nos misères
Aujourd’hui! Pas demain! Aujourd’hui

Refrain
Pour combattre avec nos frères,
Aujourd’hui! Pas demain!
Aujourd’hui!
Contre l’exploiteur, Front Commun!

2
À chacun sa part et son labeur
Et à chacun aussi son repos
La machine enfin aux travailleurs
N’imposera plus de lourds fardeaux
Que moins longue soit la semaine,
Plus de travail à la chaîne,
Les barons de l’or et de l’acier
Seront forcés, amis, de plier
Dressons l’ordre populaire
Aujourd’hui! Pas demain! Aujourd’hui!

(Robert Desnos)

 

Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier

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Et maison neuve on bâtira (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2018




    
Et maison neuve on bâtira

Refrain
On va construire une maison
Pour abriter les camarades
On va construire une maison
Du rez-d’-chaussée jusqu’aux mansardes
On va construire une maison
Le toit les murs les fondations
On va construire une maison.

1
Il faut d’abord abattre la masure
Les vieux taudis les nids à rats
Il faut d’abord abattre la masure
Et maison neuve on bâtira.

2
Il faut aussi creuser profond la terre
Le terrassier a de bons bras
Il faut aussi creuser profond la terre
Et maison neuve on bâtira.

3
Maçon construis de solides murailles.
C’est le gros oeuvre et il tiendra
Par le ciment la pierre et la pierraille
Et maison neuve on bâtira.

4
Le fer, le bois soutiendront la charpente
Couvreur, plombiers, faites le toit
Qu’il nous abrite à l’instant des tourmentes
Et maison neuve on bâtira.

5
Pour la lumière et les fortes serrures
Bons compagnons fait’s c’ qu’il faudra
Comme un voilier inclinant sa mâture
La maison neuv’ naviguera.

6
Le menuisier fait les planchers solides
Pour le repos des travailleurs
Et la maison malgré les vents perfides
Verra briller les jours meilleurs.

7
Pour la construire éblouie de lumière
Soyons unis dans la cité
Et que ces buts guident nos coeurs sincères:
La justice et la liberté.

(Robert Desnos)

 

Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier

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UNE HISTOIRE FABULEUSE (Raymond Queneau)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2017



&
 


nbsp;   
UNE HISTOIRE FABULEUSE

La moissonneuse-batteuse-lieuse
s’en va par monts et par vaux
elle n’est point paresseuse
c’est une bonne travailleuse

et vaut bien le prix qu’elle vaut
le taureau roulant ses gros yeux
se dit : oh la belle bête
Pasiphaë pesait bien peu
à côté de cette conquête

il la séduit aussitôt
elle en tombe amoureuse
il me fera un petit veau
songe-t-elle toute rêveuse

elle devint mère effectivement
d’une égraineuse-écosseuse-dénoyauteuse
et le taureau fut bien content
car il approuvait les mutants
et les histoires fabuleuses

(Raymond Queneau)

 

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