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Posts Tagged ‘Psyché’

L’Amour de l’Amour (Germain Nouveau)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023



Illustration: Marc Chagall
    
L’Amour de l’Amour
I

Aimez bien vos amours ; aimez l’amour qui rêve
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ;
C’est lui que vous cherchez quand votre avril se lève,
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l’amour qui joue au soleil des peintures,
Sous l’azur de la Grèce, autour de ses autels,
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures,
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l’amour qui parle avec la lenteur basse
Des Ave Maria chuchotés sous l’arceau ;
C’est lui que vous priez quand votre tête est lasse,
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l’amour que Dieu souffla sur notre fange,
Aimez l’amour aveugle, allumant son flambeau,
Aimez l’amour rêvé qui ressemble à notre ange,
Aimez l’amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l’antique amour du règne de Saturne,
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché,
Qui suspendait, ainsi qu’un papillon nocturne,
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c’est lui dont la terre appelle encore la flamme,
Lui dont la caravane humaine allait rêvant,
Et qui, triste d’errer, cherchant toujours une âme,
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle
A frémi comme un monde au ventre de la nuit,
C’est le commencement des rumeurs de son aile ;
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes,
C’est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois,
C’est ce Dieu. C’est ce Dieu qui tord les oriflammes
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile,
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ;
C’est lui que les lions contemplent dans l’étoile ;
L’oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse,
Et l’arbre le nommait, car il sera le fruit,
Et l’aube l’attendait, lui, l’épouvante douce
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche,
Aimez l’amour, riez ! Aimez l’amour, chantez !
Et que l’écho des bois s’éveille dans la roche,
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l’Océan, amour sur les collines !
Amour dans les grands lys qui montent des vallons !
Amour dans la parole et les brises câlines !
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres !
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !
Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres !
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles !
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux !
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes !
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II

Mais adorez l’Amour terrible qui demeure
Dans l’éblouissement des futures Sions,
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure
Sur la croix, dont les bras s’ouvrent aux nations.

(Germain Nouveau)

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Déclaration de Psyché à l’Amour (Pierre Corneille)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023



Illustration: Antonio Canova
    
Déclaration de Psyché à l’Amour

Qu’un monstre tel que vous inspire peu de crainte!
Et que, s’il a quelque poison,
Une âme aurait peu de raison
De hasarder la moindre plainte
Contre une favorable atteinte
Dont tout le coeur craindrait la guérison!

A peine je vous vois que mes frayeurs cessées
Laissent évanouir l’image du trépas,
Et que je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.

J’ai senti de l’estime et de la complaisance,
De l’amitié, de la reconnaissance;
De la compassion, les chagrins innocents
M’en ont fait sentir la puissance :
Mais je n’ai point encor senti ce que je sens.

Je ne sais ce que c’est; mais je sais qu’il me charme;
Que je n’en conçois point d’alarme.
Plus j’ai les yeux sur vous, plus je m’en sens charmer.
Tout ce que j’ai senti n’agissait point de même;
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c’est que d’aimer.

Ne les détournez point, ces yeux qui m’empoisonnent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux,
Qui semblent partager le trouble qu’ils me donnent.
Hélas! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m’attacher sur eux.

Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois,
Moi, de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m’expliquassiez le trouble où je vous vois?

Vous soupirez, seigneur, ainsi que je soupire;
Vos sens, comme les miens, paraissent interdits
C’est à moi de m’en taire, à vous de me le dire;
Et cependant c’est moi qui vous le dis.

(Pierre Corneille)

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Les Amours de Psyché – Éloge de l’Amour (Jean de La Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 15 août 2023



Illustration: Guillaume Seignac
    
Les Amours de Psyché – Éloge de l’Amour

Tout l’Univers obéit à l’Amour ;
Belle Psyché, soumettez-lui votre âme.
Les autres dieux à ce dieu font la cour,
Et leur pouvoir est moins doux que sa flamme.
Des jeunes coeurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.

Sans cet Amour, tant d’objets ravissants,
Lambris dorés, bois, jardins, et fontaines,
N’ont point d’appâts qui ne soient languissants,
Et leurs plaisirs sont moins doux que ses peines.
Des jeunes coeurs c’est le suprême bien
Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien.

(Jean de La Fontaine)

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Fleur de sel (Jacqueline Commard)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2020




    
Fleur de sel

C’est du vent de la mer que naissent ses pétales
Et puis … c’est le soleil qui peaufine son corps
En faisant miroiter, tels des feux de Bengale
De fabuleux cristaux s’offrant à ce décor.

Sous la chaleur d’été, le paludier s’affaire
Armé de son ételle, il sculpte les mulons
Pour en faire des cônes à des fins salutaires
Puis des « Monts Blancs » sublimes à la morte-saison.

Cette manne salée qui relève nos plats
Nous faisant des gourmets depuis la nuit des temps
Trouve toujours sa place à l’heure du repas
Sur la table du riche ou celle du manant I

Saupoudrant les bonnottes et sardines d’argent
Se cachant prestement au coeur de nos gâteaux
L’or blanc de la Vendée, battu par tous les vents
Est la belle alchimie de la sueur des eaux.

Jardin marécageux … parterres rectilignes
Irrigués çà et là par le flux des étiers …
Qu’il est beau cet Eden et cet effort si digne
De ce splendide geste auguste du saunier.

Lorsque le soir descend, les derniers feux du jour
Enflamment les psychés des mouettes rieuses
La sage salicorne errant aux alentours
Rougit comme un rubis et fait l’audacieuse !

Au milieu des oeillets, pousse une fleur de sel
Venue en un bouquet du fond des Océans
Pour former une gerbe d’épis solennels
Au gré des fantaisies de la Rose des Vents !…

(Jacqueline Commard)

 

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DES L’AUBE… (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 27 décembre 2019



épeautre 51

Dès l’aube, on s’ébroue, on s’étrille :
A grande eau, la merde des langes !
Et puis on s’épile, on s’arrange
Dans la grande psyché du jour.
Déjà, l’on est de vieux amis,
Nous deux le chewing-gum de la vie !

On mâche, on mâche et si, parfois,
C’est la carotide d’un autre,
Des mots bizarres comme « Epeautre »
Ou le soleil tombé d’un toit,
Qu’importe, puisque l’on est là ?
Qu’importe, puisque l’on est sauf ?

(Jean Rousselot)

 Illustration

 

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DES L’AUBE… (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 14 septembre 2019



PetitEpeautre02 [800x600]

DES L’AUBE…

Dès l’aube, on s’ébroue, on s’étrille :
A grande eau, la merde des langes !
Et puis on s’épile, on s’arrange
Dans la grande psyché du jour.
Déjà, l’on est de vieux amis,
Nous deux le chewing-gum de la vie !

On mâche, on mâche et si, parfois,
C’est la carotide d’un autre,
Des mots bizarres comme « Epeautre »
Ou le soleil tombé d’un toit,
Qu’importe, puisque l’on est là ?
Qu’importe, puisque l’on est sauf ?

(Jean Rousselot)

Illustration

 

 

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Elle est Notre Dame universellement (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 11 août 2018



Mermet  Marie

Hommage aux anges
[37]

Ceci est un symbole de beauté (poursuis-tu),
elle est Notre Dame universellement,

je la vois comme tu la projettes,
pas du tout déplacée

flanquée de colonnes corinthiennes,
ou dans une nef copte,

ou figée au-dessus de la porte centrale
d’une cathédrale gothique ;

tu t’es montré généreux envers elle
(pour répéter ta propre expression),

tu l’as sculptée haute et on ne peut s’y tromper,
une figure hiératique, la Déesse voilée,

que ce soit des sept délices,
que ce soit des sept fers de lance.

[38]

Oh oui — tu comprends, dis-je,
tout cela est des plus satisfaisants,

mais elle n’était pas hiératique, elle n’était pas figée,
elle n’était pas de grande taille ;

elle est la Vestale
de l’époque de Numa,

elle transporte le culte
de la Bona Dea,

elle porte un livre mais ce n’est pas
le tome de la sagesse ancienne,

les pages, j’imagine, en sont les pages blanches
du volume non écrit de la nouvelle sagesse ;

tout ce que tu dis, est implicite,
tout cela et bien davantage ;

mais elle n’est pas enfermée dans une grotte
comme une Sibylle ; elle n’est pas

emprisonnée dans les barreaux de plomb
d’une vitre colorée ;

elle est Psyché, le papillon,
sortie du cocon.

[39]

Mais plus proche de l’Ange Gardien
ou bon Démon,

elle est le verso de la médaille
de la terreur primitive ;

elle est non-peur, elle est non-guerre,
mais elle n’est pas une figure symbolique

de paix, charité, chasteté, bonté,
foi, espoir, récompense ;

elle n’est pas Justice aux yeux
bandés comme ceux de l’Amour ;

je t’accorde la pureté symbolique de la colombe,
je t’accorde que son visage était innocent

et immaculé et ses voiles
tels ceux de l’Épouse de l’Agneau,

mais l’Agneau n’était pas avec elle,
ni futur Époux ni Enfant ;

son attention est pleine et entière,
nous sommes son époux et agneau ;

son livre est notre livre ; écrit
ou non écrit, ses pages révéleront

une histoire de Pêcheur,
une histoire de jarre ou de jarres,

les mêmes — différents — les mêmes attributs,
différents et pourtant les mêmes qu’auparavant.

***

This is a symbol of beauty (you continue),
she is Our Lady universally,

I see her as you project her,
not out of place

flanked by Corinthian capitals,
or in a Coptic nave,

or frozen above the centre door
of a Gothic cathedral ;

you have done very well by her
(to repeat your own phrase),

you have carved her tall and unmistakable,
a hieratic figure, the veiled Goddess,

whether of the seven delights,
whether of the seven spear-points.

O yes—you understand, I say,
this is all most satisfactory,

but she wasn’t hieratic, she wasn’t frozen,
she wasn’t very tall;

she is the Vestal
from the days of Numa,

she carries over the cult
of the Bona Dea,

she carries a book but it is not
the tome of the ancient wisdom,

the pages, I imagine, are the blank pages
of the unwritten volume of the new;

all you say, is implicit,
all that and much more;

but she is not shut up in a cave
like a Sibyl; she is not

imprisoned in leaden bars
in a coloured window;

she is Psyche, the butterfly,
out of the cocoon.

But nearer than Guardian Angel
or good Daemon,

she is the counter-coin-side
of primitive terror;

she is not-fear, she is not-war,
but she is no symbolic figure

of peace, charity, chastity, goodness,
faith, hope, reward;

she is not Justice with eyes
blindfolded like Love’s;

I grant you the dove’s symbolic purity,
I grant you her face was innocent

and immaculate and her veils
like the Lamb’s Bride,

but the Lamb was not with her,
either as Bridegroom or Child;

her attention is undivided,
we are her bridegroom and lamb;

her book is our book; written
or unwritten, its pages will reveal

a tale of a Fisherman,
a tale of a jar or jars,

the same—different—the same attributes,
different yet the same as before.

(Hilda Doolittle)

Illustration

 

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Psyché, ma soeur (Pierre Louÿs)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2018



Illustration: Paul Delvaux
    
Psyché, ma soeur, écoute immobile, et frissonne…
Le bonheur vient, nous touche et nous parle à genoux.
Pressons nos mains. Sois grave. Écoute encor… Personne
N’est plus heureux, ce soir, n’est plus divin que nous.

Une immense tendresse attire à travers l’ombre
Nos yeux presque fermés. Que reste-t-il encor
Du baiser qui s’apaise et du soupir qui sombre?
La vie a retourné notre sablier d’or.

C’est notre heure éternelle, éternellement grande,
L’heure qui va survivre à l’éphémère amour,
Comme un voile embaumé de rose et de lavande
Conserve après cent ans la jeunesse d’un jour.

Plus tard, ô ma beauté, quand des nuits étrangères
Auront passé sur vous qui ne m’attendrez plus,
Quand d’autres, s’il se peut, amie aux mains légères,
Jaloux de mon prénom, toucheront vos pieds nus,

Rappelez-vous qu’un soir nous vécûmes ensemble
L’heure unique où les dieux accordent, un instant,
À la tête qui penche, à l’épaule qui tremble,
L’esprit pur de la vie en fuite avec le temps.

Rappelez-vous qu’un soir, couchés sur notre couche
En caressant nos doigts frémissants de s’unir,
Nous avons échangé de la bouche à la bouche
La perle impérissable où dort le Souvenir.

(Pierre Louÿs)

 

Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard

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Psyché (Pierre Louÿs)

Posted by arbrealettres sur 24 juin 2018



Psyché

Psyché, ma soeur, écoute immobile, et frissonne…
Le bonheur vient, nous touche et nous parle à genoux
Pressons nos mains. Sois grave. Écoute encor…Personne
N’est plus heureux ce soir, n’est plus divin que nous.

Une immense tendresse attire à travers l’ombre
Nos yeux presque fermés. Que reste-t-il encor
Du baiser qui s’apaise et du soupir qui sombre?
La vie a retourné notre sablier d’or.

C’est notre heure éternelle, éternellement grande,
L’heure qui va survivre à l’éphémère amour
Comme un voile embaumé de rose et de lavande
Conserve après cent ans la jeunesse d’un jour.

Plus tard, ô ma beauté, quand des nuits étrangères
Auront passé sur vous qui ne m’attendrez plus,
Quand d’autres, s’il se peut, amie aux mains légères,
Jaloux de mon prénom, toucheront vos pieds nus,

Rappelez-vous qu’un soir nous vécûmes ensemble
L’heure unique où les dieux accordent, un instant,
À la tête qui penche,à l’épaule qui tremble,
L’esprit pur de la vie en fuite avec le temps.

Rappelez-vous qu’un soir, couchés sur notre couche,
En caressant nos doigts frémissants de s’unir,
Nous avons échangé de la bouche à la bouche
La perle impérissable où dort le Souvenir.

(Pierre Louÿs)

Illustration: François Gérard

 

 

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Psyché (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2018



Illustration: Zinovy Shersher
    
Psyché dans ma chambre est entrée,
Et j’ai dit à ce papillon :
– « Nomme-moi la chose sacrée.
« Est-ce l’ombre ? est-ce le rayon ?

« Est-ce la musique des lyres ?
« Est-ce le parfum de la fleur ?
« Quel est entre tous les délires
« Celui qui fait l’homme meilleur ?

« Quel est l’encens ? quelle est la flamme ?
« Et l’organe de l’avatar,
« Et pour les souffrants le dictame,
« Et pour les heureux le nectar ?

« Enseigne-moi ce qui fait vivre,
« Ce qui fait que l’oeil brille et voit !
« Enseigne-moi l’endroit du livre
« Où Dieu pensif pose son doigt.

« Qu’est-ce qu’en sortant de l’Érèbe
« Dante a trouvé de plus complet ?
« Quel est le mot des sphinx de Thèbe
« Et des ramiers du Paraclet ?

« Quelle est la chose, humble et superbe,
« Faite de matière et d’éther,
« Où Dieu met le plus de son verbe
« Et l’homme le plus de sa chair ?

« Quel est le pont que l’esprit montre,
« La route de la fange au ciel,
« Où Vénus Astarté rencontre
« À mi-chemin Ithuriel ?

« Quelle est la clef splendide et sombre,
« Comme aux élus chère aux maudits,
« Avec laquelle on ferme l’ombre
« Et l’on ouvre le paradis ?

« Qu’est-ce qu’Orphée et Zoroastre,
« Et Christ que Jean vint suppléer,
« En mêlant la rose avec l’astre,
« Auraient voulu pouvoir créer ?

« Puisque tu viens d’en haut, déesse,
« Ange, peut-être le sais-tu ?
« Ô Psyché ! quelle est la sagesse ?
« Ô Psyché ! quelle est la vertu ?

« Qu’est-ce que, pour l’homme et la terre,
« L’infini sombre a fait de mieux ?
« Quel est le chef-d’oeuvre du père ?
« Quel est le grand éclair des cieux ? »

Posant sur mon front, sous la nue,
Ses ailes qu’on ne peut briser,
Entre lesquelles elle est nue,
Psyché m’a dit : C’est le baiser.

(Victor Hugo)

 

Recueil: La chanson des rues et des bois
Traduction:
Editions: Gallimard

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