Oh ! la joie
De vivre, d’être fort, d’être jeune et d’avoir
L’inapaisé désir de toute humaine proie !
Oh ! la joie
De tout aimer, de tout vouloir et de savoir
Que l’on va mordre à tous les fruits qui sont sur terre
Et saisir d’une main avide et volontaire
Tout ce qui fait le clair trésor du jour qui fuit :
La fragile beauté des fleurs, la fugitive
Caresse tour à tour du bon soleil qui luit
Et de l’ombre qui rêve, entre ses rais captive,
L’ivresse de courir, de bondir, de lutter,
De courber un cheval, de larguer une voile,
De se lancer sur une route, la fierté
De chevaucher un peu de métal et de toile
Dans la nue, et enfin la triple royauté
De l’amour, de l’étreinte et de la volupté !
Oh ! la joie
De regarder la vie avec des yeux d’amant
Qui sait devoir trouver la lumineuse voie
Du bonheur !
Oh ! la joie, oh ! l’émerveillement
D’être ainsi jeune, fort, absolu, téméraire
Et de penser qu’on va, demain, courir la terre,
Qu’on va partir ! Partir ! Ô destin sans pareil
Qui doit nous rapprocher chaque jour du soleil !
Destin qui fut celui de Jason et d’Hercule,
Celui d’Ulysse et de Moïse et de César,
Celui des conquérants qui domptent le hasard
Et des chercheurs par qui l’ignorance recule !
Partir ! Sublime sort des Colomb, des Gama
Et de tous ceux qu’un rêve auguste consuma :
Croisés qui s’en allaient soumettre l’infidèle,
Soldats qui traversaient les mers pour apporter
L’aide de leur jeunesse aux jeunes libertés,
Prêtres, porteurs de dieux, poètes, faiseurs d’ailes…
S’en est fait l’esprit divin
Vient s’emparer de mon âme.
Je sens naître dans mon sein
Une merveilleuse flamme.
Mon cœur en est consolé
Qu’un seul dieu me plaise mes charmes
Tant que je le possédrai
Je ne tarirai point mes larmes.
2
Non le plaisir de la cour
Ne saurait me satisfaire.
Un si aimable séjour
Ne saurait à mon cœur plaire.
Les biens de l’éternité
De mes pensées sont les délices,
Mais comme un cerf altéré
Qui court aux eaux de la justice.
3
A quoi sert ce grand cela
D’une vaine créature
Qui du séjour au trépas
Devient les verts de la parure.
Les rois et les empereurs
Ne risquent hélas que sur la terre,
Mais devant leur créateur
Ne sont que cendres et poussières.
4
Nous voyons le conquérant,
Ces César, ces Alexandre
Dans un affreux monument,
En pourriture et en cendres,
Et les biens pour incertains
Que le bonheur est manifeste
C’est aspirer au vrai bien
Et abandonner les terrestres.
5
Nous avons trois ennemis :
J’entends la chair et le monde
Qui nous combattra à l’envie.
Leur fureur est sans seconde,
Mais pour me mettre à l’abri
De leurs insolentes poursuites
Au couvent de Saint-Denis
Je veux me rendre carmélite.
6
Aujourd’hui toute chargée d’or
Et de pierres précieuses,
Demain être au rang des morts,
Abandonnée et affreuse,
Retombée dans le néant !
Sans nul égard à la noblesse :
Elle prouve constamment
Notre orgueil et notre faiblesse.
7
Ouvrez mes chères sœurs, ouvrez
La porte du monastère.
Je veux rester renfermée
Courant ma vie tout entière
Je suis venue en secret
Sans la vue de mon cher père
Mais il a tant de bonté
Qu’il saura ma vie austère.
8
Je ne veux pas parmi vous
Ouvrir la préférence
Mais partageons entre nous
Le jeûne et la pénitence.
Allez, partez, écriez,
Dites au Roi avec révérence
Que vous avez vu cloîtrer
Madame Louise de France.
Tout là-bas un ruisseau dans un pré,
Dans ses narines l’odeur du foin coupé,
Le noble seigneur de Chou s’écria
En rejetant la neige des montagnes,
«Que passent toutes choses ».
Des roues que tournent des ânes d’un blanc laiteux
Où s’élevaient Ninive ou Babylone ;
Quelque conquérant, serrant la bride, cria
Aux guerriers repus de combats,
« Que passent toutes choses ».
Du coeur de l’homme saoulé de sang
Jaillissent ces branches du jour et de la nuit
Où s’accroche le disque criard de la lune.
Que disent toutes les chansons ?
«Que passent toutes choses ».
***
A rivery field spread out below,
An odour of the new-mown hay
In his nostrils, the great lord of Chou
Cried, casting off the mountain snow,
‘Let all things pass away.’
Wheels by milk-white asses drawn
Where Babylon or Nineveh Rose;
some conqueror drew rein
And cried to battle-weary men,
‘Let all things pass away.’
From man’s blood-sodden heart are sprung
Those branches of the night and day
Where the gaudy moon is hung.
What’s the meaning of all song?
‘Let all things pass away.’
(William Butler Yeats)
Recueil: La Rose et autres poèmes
Traduction; de l’anglais (Irlande) par Jean Briat
Editions: POINTS
J’aurais pu dire :
Vieillir, c’est désolant, c’est insupportable,
C’est douloureux, c’est horrible,
C’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « chiant »
Parce que c’est un adjectif vigoureux
Qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé
et l’on sait encore moins quand ça finira.
Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.
On était bien dans sa peau.
On se sentait conquérant.
Invulnérable.
La vie devant soi.
Même à cinquante ans, c’était encore très bien…. Même à soixante.
Si, si, je vous assure,
j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le suis toujours, mais voilà,
entre-temps j’ai vu le regard des jeunes…..
Des hommes et des femmes dans la force de l’âge
qui ne me considéraient plus comme un des leurs,
même apparenté, même à la marge.
J’ai lu dans leurs yeux
qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard.
Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables.
Sans m’en rendre compte,
j’étais entré dans l’apartheid de l’âge.
Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect »,
« En hommage respectueux »,
« Avec mes sentiments très respectueux ».
Les salauds !
Ils croyaient probablement me faire plaisir
en décapuchonnant leur stylo plein de respect ?
Les cons !
Et du ‘cher Monsieur Pivot’ long et solennel
comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres
qui vous fiche dix ans de plus !
Un jour, dans le métro, c’était la première fois,
une jeune fille s’est levée pour me donner sa place…
J’ai failli la gifler.
Puis la priant de se rasseoir,
je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux,
si je lui étais apparu fatigué. !!!… ?
– « Non, non, pas du tout,
a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que”.
– Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? »
– « Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus,
que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. »
– « Parce que j’ai les cheveux blancs ? »
– « Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout
et comme vous êtes plus âgé que moi, ça a été un réflexe, je me suis levée. »
– « Je parais beaucoup… beaucoup plus âgé que vous ? »
– « Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge. »
– « Une question de quoi, alors ? »
– « Je ne sais pas,
une question de politesse, enfin je crois. »
J’ai arrêté de la taquiner,
je l’ai remerciée de son geste généreux
et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.
Lutter contre le vieillissement
c’est, dans la mesure du possible,
ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages,
ni aux spectacles, ni aux livres,
ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.
Rêver, c’est se souvenir,
tant qu’à faire, des heures exquises.
C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder
entre le désir et l’utopie.
La musique est un puissant excitant du rêve.
La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil
en écoutant soit l’Adagio du Concerto n° 23 en La majeur de Mozart,
soit, du même, l’Andante de son Concerto n° 21 en Ut majeur,
musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés
les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés.
Nous allons prendre notre temps.
Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement.
Nous ignorons à combien se monte encore notre capital.
En années ? En mois ? En jours ?
Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.
Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables,
il faut jouir sans modération.
Aimer la pierre abandonné sur le chemin
Depuis la nuit des temps
Le coquelicot fragile
Loin des bottes des conquérants
Le bouleau qui attend le printemps
Des ailes d’un cheval ailé aimant
Pousseront à la montagne endormie
Ou les cendres d’un volcan
Et si le printemps est en retard
Attends le bourgeon difficile
La neige sera promue
A la source où tu te désaltères
Petits yeux, clairs et bleus
dents si fines et menues,
lèvres roses, belles boucles,
menottes si petites ;
rire de clochette
prompt conquérant !
Si je te loue encore
ce sera encore trop peu.
Être si merveilleux,
ai-je le choix,
comment te nommerai-je ? —
Idéal !
Je suis le cuisinier d’un feu de poésie,
Magicien tournant dans la marmite d’or
Le coeur purifié des paroles choisies
Avec le piment noir et pourpre de la Mort.
Je suis le capitaine d’un prince plus fort
Que tous les conquérants des Indes ou d’Asie,
Chuchotant tout à coup aux oreilles saisies
Le mot de passe impérieux, de port en port.
Par le monde mon seul adversaire est l’ennui;
Pour le mettre en déroute il n’est que sérénades :
Le caprice arlequin en bondissant me suit.
Bien déluré d’ailleurs qui dira d’où je suis,
Car chasseur kurde ou guitariste de Grenade,
J’enferme des oiseaux dans un cercle de nuit.
La nuit t’habille dans mes bras
Pâles rumeurs et bruits de soie
Conquérante immobile
Reine du sang des villes
Je la supposais, la voilà
Tout n’est plus qu’ombre, rien ne ment
Le temps demeure et meurt pourtant
Tombent les apparences
Les amants se perdent en s’aimant
Solitaire à un souffle de toi
Si près tu m’échappes déjà
Mon intime étrangère
Se trouver c’est se défaire
A qui dit-on ces choses-là ?
As down lights up another day
Visions I once had fade away
All of those words unspoken
My widest dreams off broken
It wasn’t supposed to be that way
Should I leave why should
I stay Solitaire un souffle de toi
Leavin’behing me yesterday
Tout près tu m’echappes déjà
Am I free or forsaken
Mon intime étrangère
Cheated or awakened
Se trouver, se défaire
Does it matter anyway?