J’ai la nostalgie du pain de ma mère,
Du café de ma mère,
Des caresses de ma mère…
Et l’enfance grandit en moi,
Jour après jour,
Et je chéris ma vie, car
Si je mourais,
J’aurais honte des larmes de ma mère !
Fais de moi, si je rentre un jour,
Une ombrelle pour tes paupières.
Recouvre mes os de cette herbe
Baptisée sous tes talons innocents.
Attache-moi
Avec une mèche de tes cheveux,
Un fil qui pend à l’ourlet de ta robe…
Et je serai, peut-être, un dieu,
Peut-être un dieu,
Si j’effleurais ton coeur !
Si je rentre, enfouis-moi,
Bûche, dans ton âtre.
Et suspends-moi,
Corde à linge, sur le toit de ta maison.
Je ne tiens pas debout
Sans ta prière du jour.
J’ai vieilli. Ramène les étoiles de l’enfance
Et je partagerai avec les petits des oiseaux,
Le chemin du retour…
Au nid de ton attente !
(Mahmoud Darwich)
Recueil: La terre nous est étroite
Traduction: Elias Sanbar
Editions: Gallimard
La bûche que je mets au feu porte une lettre,
un coeur, jadis gravés par un couple d’amants,
à la fin d’un beau jour, dans l’écorce d’un hêtre…
Ô souvenirs d’amour ! O vieux enchantements…
À la fin de septembre les étoiles refroidissent
et il y a dans le pré une odeur de pommes trop mûres
J’aimerais que la mer qui voyage sans cesse
m’écrive une lettre de sel très blanc avec juste une ombre de
mélancolie
où elle me parlerait de pays très lointains et de rivages verts
une lettre pour l’automne Nous la lirions sous la lampe
parce que les journées raccourcissent au moment des vendanges
et que l’océan est loin malgré le vent qui nous en parle
J’ai monté des bûches et le petit bois pour allumer du feu
et je regarderai la flamme danser sur tes pommettes
(Claude Roy)
Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse
J’écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
Elle songe sans doute au mal qui m’exila
Loin d’elle, l’autre hiver, mais sans trop d’épouvante,
Car je suis sage et reste au logis, quand il vente.
Et puis, se souvenant qu’en octobre la nuit
Peut fraîchir, vivement et sans faire de bruit,
Elle met une bûche au foyer plein de flammes.
Ma mère, sois bénie entre toutes les femmes.