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Poésie

Posts Tagged ‘vanter’

Éliante (Molière)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2023



Illustration: Oskar Kokoschka  
    
Le Misanthrope (Acte II, scène 4, tirade d’Eliante)

Éliante

L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces lois,
et l’on voit les amants vanter toujours leur choix ;
jamais leur passion n’y voit rien de blâmable,
et dans l’objet aimé tout leur devient aimable :

ils comptent les défauts pour des perfections,
et savent y donner de favorables noms.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable ;
la noire à faire peur, une brune adorable ;

la maigre a de la taille et de la liberté ;
la grasse est dans son port pleine de majesté ;
la malpropre sur soi, de peu d’attraits chargée,
est mise sous le nom de beauté négligée ;

la géante paroît une déesse aux yeux ;
la naine, un abrégé des merveilles des cieux ;
l’orgueilleuse a le coeur digne d’une couronne ;
la fourbe a de l’esprit ; la sotte est toute bonne ;

la trop grande parleuse est d’agréable humeur ;
et la muette garde une honnête pudeur.
C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est extrême
aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime.

(Molière)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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BOIRE, LA FARIDONDAINE, LA FARIDONDON (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023



Illustration: Le Caravage
    
BOIRE, LA FARIDONDAINE, LA FARIDONDON

1

L’aimable boisson
Que le jus de la treille
C’est avec raison
Qu’on en dit merveille, bon
La faridondaine gai
La faridondon.

2

De cette liqueur
Vantons l’excellence
Faisons tous honneur
A sa bienfaisance, bon
La faridondaine gai
La faridondon.

3

De ce jus divin
Remplissons nos tasses
Et dans ce festin
Buvons avec grâce, bon
La faridondaine gai
La faridondon.

4

Le doux passe temps
Que celui de boire
En rogne bon temps
Imitons Grégoire, bon
La faridondaine gai
La faridondon.

5

Le jour et la nuit
Il aimait à boire
Du moindre réduit
Il faisait sa foire, bon
La faridondaine gai
La faridondon.

6

Un vaste tonneau
Rempli de quoi boire
Sera le tombeau
Qu’on doit à sa gloire, bon
La faridondaine gai
La faridondon.

(Chansons du XVIIIè)

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FERME PROPOS (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2022



    
FERME PROPOS

Ni s’abriter du jour sous l’arbre des ténèbres,
Ni mordre dans les fruits le doux corps de l’été,
Ni baiser longuement sur leurs lèvres funèbres
Les morts évanouis et las d’avoir été.

Ni pénétrer, transis, au coeur froid des algèbres,
Ni clouer sur le vide un masque illimité,
Ni sous l’oubli massif coucher des os célèbres
Et verser son néant dans un cercueil vanté.

Ni caresser, Amour, ta gorge consentante,
Ni brûler son désir au feu noir de l’attente,
Ni tendre à la douleur un garrot résigné.

Ni lever vers le ciel des mains inexaucées,
Mais porter avec soi dans la nuit sans pensées
L’immense creux d’un coeur où la vie a saigné.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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Le phénix (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2020



    

Le phénix

Le phénix, venant d’Arabie,
Dans nos bois parut un beau jour :
Grand bruit chez les oiseaux ; leur troupe réunie
Vole pour lui faire sa cour.
Chacun l’observe, l’examine ;
Son plumage, sa voix, son chant mélodieux,
Tout est beauté, grâce divine,
Tout charme l’oreille et les yeux.
Pour la première fois on vit céder l’envie
Au besoin de louer et d’aimer son vainqueur.
Le rossignol disait : jamais tant de douceur
N’enchanta mon âme ravie.
Jamais, disait le paon, de plus belles couleurs
N’ont eu cet éclat que j’admire ;
Il éblouit mes yeux et toujours les attire.
Les autres répétaient ces éloges flatteurs,
Vantaient le privilège unique
De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cèdre aromatique,
Se consume lui-même, et renaît immortel.
Pendant tous ces discours la seule tourterelle
Sans rien dire fit un soupir.
Son époux, la poussant de l’aile,
Lui demande d’où peut venir
Sa rêverie et sa tristesse :
De cet heureux oiseau désires-tu le sort ?
– Moi ! Mon ami, je le plains fort ;
Il est le seul de son espèce.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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Promesses (Jean-Pierre Siméon)

Posted by arbrealettres sur 4 juillet 2020


 


 

Albert Lichten (14) [1280x768]

Promesses

Je cueillerai l’orange
et le bleu des saisons
Et devant la fenêtre
ouverte comme un livre
je lirai au matin
la phrase du torrent

Je donnerai ma soif
aux raisins de la pluie
Et devant le silence
des bûches étonnées
je vanterai le feu
Je vanterai l’orange
et le bleu des saisons

(Jean-Pierre Siméon)

Illustration: Albert Lichten

 

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Dimanche matin (Michel Butor)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2019




    
Dimanche matin

La neige au-dessus des mimosas, les paquets de
journaux près des flaques, la fontaine dans les bois où le
receveur des contributions nettoie sa voiture.

En bas les bâches bleues et rouges tendues sur les piles
de sacs de ciment et les taches de rouille ou de minium sur
les coques des cargos qui viennent de Limassol ou d’Odessa.

Plus loin quelques fleurs mauves dans les rochers
blancs, les nudistes parcourent le sentier des douaniers,
baisers dans les coins, chiens qui flairent, la mer lape les
galets et les retourne comme des pièces fausses.

Au large les yachts frétillent après une semaine de
somnolence, les mouettes virent à l’assaut, claquent un
peu et plongent vers les épluchures que les cuisiniers
laissent tomber dans leur sillage.

Puis l’heure sonne à travers le frisson des branches
et le tintement des câbles métalliques dans l’accalmie de
la circulation.

Soudain le nid du phénix s’enflamme dans les collines et les mots éperdus, comme lâchés après des mois
de claustration, se cherchent dans ma tête au galop.

Alors je ramasse au bord du chemin les fragments
d’un vieux prospectus vantant les mérites d’une voyante, et
m’appuie sur le dossier d’un banc pour écrire ceci au verso.

(Michel Butor)

 

Recueil: Collation précédé de HORS-D’OEUVRE scandés par les SOUVENIRS ILLUSOIRES D’UN JAPON TRES ANCIENS
Traduction:
Editions: Seghers

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T’aimer (Paul Valéry)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2016



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T’aimer, presque muette et disparue, est dur
Quand chaque éclair de nuit, chaque lambeau d’azur
Chaque heure, hélas, atrocement me vante
La chaleur de ton sein,
Ta bouche au fier dessin
Et l’autre, plus vivante.

Parfois viennent trois mots, lointains et haletants :
Je m’amuse : je vais ; je vois ; je t’aime ; Attends…
C’est si peu pour la soif de votre seul sourire
Que ne ne me sens plus le courage d’écrire.

(Paul Valéry)

Illustration

 

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