Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘sot’

RONDE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



Illustration: Pal Szinyei-Merse
    
RONDE

Mon père me veut marier,
Sauvons-nous, sauvons-nous par les bois et la plaine,
Mon père me veut marier,
Petit oiseau, tout vif te laisseras-tu lier ?

L’affaire est sûre : il a du bien.
Sauvons-nous, sauvons-nous, bouchons-nous les oreilles
L’affaire est sûre : il a du bien…
C’est un mari… courons, le meilleur ne vaut rien !

Quand il vaudrait son pesant d’or,
Qu’il est lourd, qu’il est lourd et que je suis légère !
Quand il vaudrait son pesant d’or,
Il aura beau courir, il ne m’a pas encor !

Malgré ses louis, ses écus,
Ses sacs de blé, ses sacs de noix, ses sacs de laine,
Malgré ses louis, ses écus,
Il ne m’aura jamais, ni pour moins, ni pour plus.

Qu’il achète s’il a de quoi,
Les bois, la mer, le ciel, les plaines, les montagnes,
Qu’il achète s’il a de quoi,
Le monde entier plutôt qu’un seul cheveu de moi !

Laissez-vous mettre à la raison
Et garder au clapier, hérissons, chats sauvages,
Laissez-vous mettre à la raison
Avant qu’un sot d’époux m’enferme en sa maison.

Engraissez-vous au potager,
Bruyères, houx, myrtils des bois, genêts des landes,
Engraissez-vous au potager
Avant qu’un sot d’époux ne me donne à manger.

Je suis l’alouette de Mai
Qui s’élance dans le matin à tire d’ailes,
Je suis l’alouette de Mai
Qui court après son coeur jusqu’au bout du ciel gai !

J’y volerai si haut, si haut,
Que les coqs, les dindons et toute la volaille,
— J’y volerai si haut, si haut, —
S’ils veulent m’attraper en seront pour leur saut.

Si haut, si haut dans la chaleur,
J’ai peur du ciel, j’ai peur, j’ai peur… les dieux sont proches
Si haut, si haut dans la chaleur,
Qu’un éclair tout à coup me brûlera le coeur.

Et, brusque, du désert vermeil,
Il vient, il vient, il vient !… Hui ! l’alouette est prise !
Et, brusque, du désert vermeil,
Un aigle fou m’emportera dans le soleil.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le Renard et la Cigogne (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
Le Renard et la Cigogne.

Maître renard offrit un beau matin
À dame la cigogne un étrange festin ;
Un brouet fut par lui servi sur une assiette,
Dont l’oison au bec ne put attraper miette.
Aussi, pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là la cigogne le prie :
Dans un vase à long col lui sert friand morceau.
Le sot n’en put tâter ; et léchant son museau,
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris.

Vous me fîtes jeûner, je vous rends la pareille,
Disait la cigogne au renard baissant l’oreille ;
Tout est dans les règles, ami ;
Car à fourbe, fourbe et demi.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Jupiter et les Besaces (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2024



Isaac de Benserade
    
Jupiter et les Besaces.

On dit que Jupiter, comme un joug assez doux,
A posé de sa main deux besaces sur nous.
Devant est celle où sont tous les défauts des autres ;
Et derrière il a mis celle où sont tous les nôtres.

C’est ainsi qu’ici-bas le sot encor la porte ;
Le sage agit d’une autre sorte :
Il la retourne et met ses défauts devant lui,
Tandis que sur son dos il jette ceux d’autrui.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le Souriceau et sa Mère (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
Le Souriceau et sa Mère.

À la vieille souris, disait sa jeune fille,
Je hais le petit coq, j’aime le petit chat :
Le Chat ! répond sa mère : ah ! c’est un scélérat ;
Mais le coq n’a point fait de mal à ta famille.

Ne vous fiez point trop à mine radoucie,
Et ne jugez des gens sur la physionomie.
Plus d’un tartuffe ici l’a bonne, et cependant
Sot qui lui confierait sa femme ou son argent.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

L’APPEL AMER D’UN SANGLOT (Joyce Mansour)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2024



Joyce Mansour
    
L’APPEL AMER D’UN SANGLOT

L’appel amer d’un sanglot
Venez femmes aux seins fébriles
Écouter en silence le cri de la vipère
Et sonder avec moi le bas brouillard roux
Qui enfle soudain la voix de l’ami
La rivière est fraîche autour de son corps
Sa chemise flotte blanche comme la fin d’un discours
Dans l’air substantiel avare de coquillages
Inclinez-vous filles intempestives
Abandonnez vos pensées à capuchon
Vos sottes mouillures vos bottines rapides
Un remous s’est produit dans la végétation
Et l’homme s’est noyé dans la liqueur

(Joyce Mansour)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

La vie de château (Jean Orizet)

Posted by arbrealettres sur 27 décembre 2023




    
La vie de château

L’eau me dit: « Viens dans mon château,
tu verras que la vie est douce
on peut y faire du bateau
se plonger dans des bains de mousse »

l’eau me dit: « viens dans mon château »

J’y suis allé; c’était trop beau!
Il n’y avait, dans ce château,
que des pompes et des tuyaux.

J’ai dit à l’eau: « Tu exagères
de me prendre ainsi pour un sot!
Tu es plus brillante et plus fière
quand tu coules dans les ruisseaux,
les torrents, les grandes rivières
qu’en menant la vie de château
tout en me menant en bateau. »

(Jean Orizet)

Recueil: La peau bleue des rêves
Editions: Le Cherche Midi

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

 » Quelqu’un qui a vu quelque chose  » (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2023



 

 Mozart

 » Quelqu’un qui a vu quelque chose  » :
c’est ainsi que l’on pourrait désigner aussi bien les saints que les génies.
Le plus délicat est ensuite de s’accorder sur ce qui a été « vu ».

Thérèse d’Avila donne à son éblouissement
un nom qui a la vertu de faire crier les sots et les doctes :  » Dieu « .

Quant à Mozart, s’il est difficile de dire ce que précisément il a vu,
il s’agit assurément d’une chose qui engendre puissance, gaieté et compassion.

(Christian Bobin)

Découvert chez la boucheaoreilles ici

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Éliante (Molière)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2023



Illustration: Oskar Kokoschka  
    
Le Misanthrope (Acte II, scène 4, tirade d’Eliante)

Éliante

L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces lois,
et l’on voit les amants vanter toujours leur choix ;
jamais leur passion n’y voit rien de blâmable,
et dans l’objet aimé tout leur devient aimable :

ils comptent les défauts pour des perfections,
et savent y donner de favorables noms.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable ;
la noire à faire peur, une brune adorable ;

la maigre a de la taille et de la liberté ;
la grasse est dans son port pleine de majesté ;
la malpropre sur soi, de peu d’attraits chargée,
est mise sous le nom de beauté négligée ;

la géante paroît une déesse aux yeux ;
la naine, un abrégé des merveilles des cieux ;
l’orgueilleuse a le coeur digne d’une couronne ;
la fourbe a de l’esprit ; la sotte est toute bonne ;

la trop grande parleuse est d’agréable humeur ;
et la muette garde une honnête pudeur.
C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est extrême
aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime.

(Molière)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

PESTE SOIT DU GARÇON TIMIDE (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
PESTE SOIT DU GARÇON TIMIDE

1

Je me trouvais l’autre jour
Par hasard dans un bois sombre,
Je rêvais à mon amour.
En m’y reposant à l’ombre
Dans ce bois délicieux
Tout me paraissait agréable.
Car tout disait à mes yeux
Je n’y voyais rien d’aimable.

2

J’aurais cru que Colinet
Lorsque me trouvant seulette
Dans le fond de ce bosquet
M’aurait parlé d’amourettes.
Je lui préparais de loin
Des raisons pour me défendre.
Mais je n’en ai pas besoin
Car il n’osait rien entreprendre.

3

Au soupir il se borna.
N’était-ce pas bien d’attendre.
Quelque fleur il me donna
Me regardant d’un air tendre.
Je fis exprès un faux pas
En marchant sur la verdure.
Mais le sot ne comprit pas
Toute la fin de cette aventure.

4

Quand on veut nous en conter
Nous avons droit de l’attendre.
La gloire est de résister,
Mais le plaisir de se rendre.
Avec un amant glacé
La résistance est facile.
Mais qu’il m’eut embarrassée
S’il se fut montré plus habile.

5

Hélas puissant dieu d’amour
Prends donc pitié de ma peine.
Tu vois les maux en ce jour
Que j’endure dans cette plaine.
Je suis lasse de languir,
Il est juste qu’à mon âge
Je sois au point de mourir.
Ne serait-ce pas bien dommage.

(Chansons du XVIIIè)

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Ma journée est absurde non-sens (Marina Tsvetaeva)

Posted by arbrealettres sur 1 octobre 2023



Illustration: Pablo Picasso
    
Ma journée est absurde non-sens :
Je demande au pauvre une aumône,
Je donne au riche généreusement.

J’enfile dans l’aiguille un rayon,
Je confie ma clef au brigand,
Et je farde mes joues de blanc.

Le pauvre ne me donne pas de pain,
Le riche ne prend pas mon argent,
Dans l’aiguille le rayon ne passe pas…

Il entre sans clef, le brigand
Et la sotte pleure à seaux,
Sur sa journée de non-sens.

(Marina Tsvetaeva)

Recueil: Poèmes de Russie (1912-1920) suivi de La Porte arrachée par Marina
Traduction: Véronique Lossky & Georges Nivat
Editions: Des Syrthes

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »