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Poésie

Posts Tagged ‘repère’

Poésie (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 17 octobre 2023




    
Poésie

Je t’écoute sans cesse plus intensément.
J’entends cette plénitude sonore qui vient de l’espace-temps avec toi,
Comme si terre et ciel n’étaient que la reprise des thèmes d’une symphonie exponentielle.

Je t’écoute toujours au-delà.
J’entends ces lointains qui font chorus en moi pour un sursaut d’aveux renaissants,
Et qui se donnent l’élégance d’improviser ce qui s’est écrit à mesure sur le givre et le vent.

*
Quand je disperse les mots du poème il est un chant qui demeure.
Je le veux sans retour, même s’il rameute mes ailleurs, mes viatiques, mes effractions,
Tous ces vocables précaires qui arpentent les déserts où la soif se déchire.

Je disperse et garde pourtant un charroi de signes,
Une suite de repères infalsifiables dans les zones en mal de sensation et de sens :
C’est qu’il suffit d’un refrain plus vrai que nature pour me ramener à la vie.

*

Je ne peux me passer de ce qui ne passe pas.

*

Je prends note à note les messages éperdus
D’un violoncelle qui joue à fendre l’âme jusqu’aux limites extrêmes
Où la musique met au grand jour les forces de la nuit.
Ce n’est plus proférer, mais composer en langue d’insomnie,
En vue d’arpèges ou de battements d’ailes qui ouvrent à autre chose
Sans qu’il y ait connaissance d’éveil, d’effet ni de cause.

*

Je t’entends autant que je t’écoute.
Il y a des rappels qui n’attendent pas le bout de la route,
Il y a des saluts de hauts désirs qui restent en scène au changement de décor.

Avant le dernier souffle, avant le noir silence, je t’écoute.
Je t’entends me dire encore que tu es la seule promesse qui tienne,
La seule, éternellement présente et réelle, qui dispense des prophéties, des mirages et des songes.

*

Je ne peux me passer de ce qui ne passe pas.

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

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LE VOYAGEUR SÉDENTAIRE (Gilles Vigneault)

Posted by arbrealettres sur 17 juin 2020



Rockwell Kent 10

LE VOYAGEUR SÉDENTAIRE

Le voyageur se dit souvent
Où donc est celle qui m’attend
Le voyageur se dit souvent
Où donc est celle qui m’attend
Est-elle en fête ou en prière
Elle est enfermée au couvent
Où je l’ai mise en mes manières
Le voyageur ne parle guère
Le voyageur ne parle pas

Le voyageur se dit souvent
Que laisserai-je à mes enfants
Le voyageur se dit souvent
Que laisserai-je à mes enfants
L’amour d’aimer le goût de faire
Un oeil tourné vers le dedans
Et la parole de mon père
Le voyageur ne lègue guère
Le voyageur ne lègue pas

Le voyageur se dit aussi
Me faut écrire à mes amis
Le voyageur se dit aussi
Me faut écrire à mes amis
Comment s’écrit le mot : Repère
Je brûle aux flammes de mon cri
Des lettres que je n’envoie guère
Le voyageur n’en écrit guère
Le voyageur n’en écrit pas

(Gilles Vigneault)

Illustration: Rockwell Kent

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Nous sommes dans l’inconcevable (René Char)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2019



Nous sommes dans l’inconcevable,
mais avec des repères éblouissants.

(René Char)

 

 

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Rien n’est à sa place (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2019




    
Rien n’est à sa place.
Mais un jour quelconque
subitement tout est à sa place.

Alors nous comprenons :
ne pas être à sa place
est précisément la façon
d’être à sa place.

Il se peut que le dilemme n’existe pas :
le point de repère manque
pour qu’une chose soit ou ne soit pas à sa place.
Y aurait-il quelque part
un espace dont l’intensité
serait capable d’héberger
ce point de repère
qui n’a pas de place ?

***

Nada está en su lugar.
Pero un día cualquiera
de pronto todo está en su lugar.

Entonces comprendemos:
no estar en su lugar
es justamente el modo
de estar en su lugar.

Pero quizá el dilema no exista:
falta et punto de referencia
para que algo esté o no esté en su lugar.
¿Habrá en alguna parte
un espacio tan intenso
como para poder albergar
ese punto de referencia
que no tiene lugar?

(Roberto Juarroz)

 

Recueil: Quatorzième poésie verticale
Traduction: Sivia Baron Supervielle
Editions: José Corti

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LA CARAVANE DE MES MOTS (Anise Koltz)

Posted by arbrealettres sur 23 août 2018



 

caravane

LA CARAVANE DE MES MOTS

La caravane de mes mots
traverse la page
désert blanc
sans repères
sans points d’eau

(Anise Koltz)

Illustration

 

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Il meurt lentement… (Martha Medeiros)

Posted by arbrealettres sur 20 août 2018




    Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
ne se risque jamais à changer la couleur de ses vêtements
ou qui ne parle jamais à un inconnu.

Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans ses yeux
et réparent les coeurs blessés.

Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés.

Vis maintenant!
Risque toi aujourd’hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux.

(Martha Medeiros)


Illustration: Gilbert Garcin

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J’aime longer la rive (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2018




    
j’aime longer la rive
accompagner les eaux lentes
du fleuve qui descendent
vers le sud et la lumière

désentravée la pensée
n’est plus ce tourment
qui lancine t’oblige
à la combattre
lui imposer silence

elle s’échappe erre
explore des gouffres
se perd en des lointains
jamais entrevus
te coupe de ce qui t’ancre
en ce lieu et ce temps
qui donnent ses repères
à ta vie

quand tu te retournes
le chemin a disparu
qui te relie
à toi-même

(Charles Juliet)

Recueil: une joie secrète
Traduction:
Editions: Voix d’encre

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Image (Claudine Helft)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2018




    
Image

Elle, soudain au passé
comme une image
tombée d’un carnet,
jetée là comme un point
de repère sur le temps.
Une page déchirée
qui traverse le plancher,
une valise oubliée
encore pleine de baisers.

(Claudine Helft)

 

Recueil: Une indécente éternité
Traduction:
Editions: De la Différence

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IL EST DES JOURS (Alfred Kolleritsch)

Posted by arbrealettres sur 30 juin 2018



    
IL EST DES JOURS où les choses
ne sont que le nom des choses,
paraphes,
tracés sous la face du ciel :
déployés par les conteurs.

Un drapeau de glace s’impose,
autrе visage de la mort,
la loi.

C’est alors que tu es partie.
Меsuré à cet adieu,
tout repère disparait.

***

ES GIBT TAGE, an denen die Dinge
die Namen der Dinge sind,
Schriftzüge,
unter den Himmel geschrieben :
aufgeboten von den Erzählern.

Eine Fahne aus Eis herrscht,
das andere Gesicht des Todes
das Gesetz.

Du bist dann fort.
An diesem Abschied gemessen,
zeigt sich kein Mass.

(Alfred Kolleritsch)

 

Recueil: La conspiration des mots
Traduction: Françoise David-Schaumann et Joël Vincent
Editions: Atelier la Feugraie

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Le labyrinthe (Jean Joubert)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2018



Illustration: Edward Burne Jones   
    
Le labyrinthe

A la lisière du Grand Bois
cette gueule béante entre les branches
est l’entrée du labyrinthe.
Une voix impérieuse
venue de nulle part
t’ordonne de marcher,
de pénétrer dans les entrailles noires.
Derrière toi les routes sont coupées,
les villes engluées dans leurs clameurs
où tu n’as plus de place
ni de nom.
Et te voici errant dans la ténèbre;
tu n’entends plus
que le bruit de ton pas,
au loin une rumeur de vie:
grognements, sifflements
souffles, râles et plaintes.
Peu à peu s’est levée une lueur lunaire
sur le vertige des couloirs.
Sans règle ni repères
tu marches droit, suivant ton coeur,
tandis que s’enfle,
toujours plus proche,
le grondement de la Bête.

(Jean Joubert)

 

Recueil: Longtemps j’ai courtisé la nuit
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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