Icare
tombé du ciel
ailes brisées,
le pilote au regard d’enfant
dort, bercé par des sirènes,
parmi les algues, les gorgones,
sur le sable profond
de la mer tutélaire.
(Frédéric Jacques Temple)
Recueil: Dans l’erre des vents
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Ma chérie est femme à la taille élancée mais robuste,
même si vue d’en haut (j’ai déjà pris l’avion) comme tout un chacun elle doit sembler menue,
mais serais-je à la place du pilote, je saurais l’estimer sans erreur.
Elle lave elle-même son linge et la mousse rêveuse à son bras tremble;
si elle se met en prière à genoux, c’est pour laver par terre et rire, rire :
son rire est comme la pomme qu’elle mord sans l’éplucher.,
et la voici qui rit encore en mordant dans le fruit;
si elle pétrit le pain, elle se lève à l’aube avec les boulangers, frères des fours bien chauds
— voyez comme ils les surveillent, longue pelle à la main,
et vole la farine !… avant de s’aller doucement reposer sur ces libres poitrines
comme ma douce en son lit qui sent bon, après vaisselle faite, après qu’elle a lavé, essoré mon coeur.
Ainsi sera ma femme, quand je serai tout à fait grand
et que viendra l’heure de me marier, ainsi que fit jadis mon Père.
(Attila József)
Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus
Ce pain a goût de souvenir,
que j’ai mangé dans cette pauvre auberge,
au point le plus perdu, le plus encombré du port.
J’aime le goût amer de cette bière,
assis à mi-chemin du retour,
face aux montagnes ennuagées et au phare.
Mon âme venue à bout de l’une de ses peines
avec des yeux nouveaux dans le soir ancien
regarde un pilote avec sa femme enceinte ;
puis un bâtiment dont la vieille coque
luit au soleil, et dont la cheminée
longue comme ses deux mâts est un dessin
d’enfant que j’ai fait il y a bien vingt ans.
Et qui m’aurait prédit ma vie
aussi belle, avec tant de doux tourments,
et tant de béatitude solitaire !
Et s’il faut te suivre jusqu’au gouffre, je te suivrai.
Tu n’es pas la passante, mais celle qui demeure.
La notion d’éternité est liée à mon amour pour toi.
Non, tu n’es pas la passante ni le pilote étrange
qui guide l’aventurier à travers le dédale du désir.
Tu m’as ouvert le pays même de la passion.
Je me perds dans ta pensée plus sûrement que dans un désert.
Tu n’es pas la passante,
mais la perpétuelle amante.
Poésie, mon antidote,
Quand la vie me met sous hotte,
Quand le cœur est en pelote,
Quand l’âme freine et puis capote,
Je t’invite, secret pilote !
A tes signes, je m’orienterai.