Persiennes tirées à quatre épingles
Son et lumière dans le même lit
La fille de tristesse est une horloge
Qui marque six heures moins le quart
Sur le trottoir d’en face
Toujours au même endroit
Plantée chaque jour à la même heure
Femme close : coupures à ses poignets de fée
Elle a gardé son coeur de petite fille
Qui enfle quand elle fait l’amour.
(Jean-Michel Maulpoix)
Recueil: Rue des fleurs
Editions: Mercure de France
Les feux verts que tu manipules sur le trottoir sont plus lourds que toi.
Pourtant, tu les hisses à l’épaule et tranquille
tu les mets en place, tu les visses, tu les synchronises.
J’ai envie de rester jusqu’au bout pour comprendre.
Moins la mécanique des feux que la tienne.
Car tu vins en ville à trente ans sans l’idée d’un métier.
Quelle marche dans l’ombre as-tu faite pour ce droit de dresser au soleil
et tout seul un carré de machines qui fonctionnent au micron ?
sur le trottoir gris
les bouquets de fleurs fanées
comme ils sont mouillés
La poésie est sève,
feu, parfum envahissant,
énergie transformatrice
passant d’un être
à un autre…
(Pascale Senk)
Recueil: L’effet Haïku Lire et écrire des poèmes courts agrandit notre vie
Editions: Leduc. S
Devant les portes bien fermées,
Sur un fleuve d’oubli, va la chanson ancienne.
Une lumière pense au loin
Comme à travers un ciel.
Tous dorment peut-être,
Tandis que solitaire il porte son destin.
Fatigue d’être vivant, d’être mort,
Avec du froid au lieu de sang,
Du froid qui sourit s’insinuant
Par les trottoirs éteints.
La nuit l’abandonne, l’aurore le rencontre,
Sur ses traces l’ombre obstinément.
Tout doucement, il s’est couché sur le trottoir plat,
Le trottoir part à toute vitesse.
Il s’est assis par terre
Et son siège s’envole.
Il n’espère plus de repos que sur la tête de ses enfants,
Il les attend patiemment.
Les enfants de la liberté
ne s’habillent pas en Petit Bateau.
Leur peau s’habitue vite à une étoffe rêche.
Les enfants de la liberté
ont des vêtements usés
et des chaussures trop grandes pour leurs pieds.
Souvent ils enfilent l’air nu ou la terre.
Les enfants de la liberté
ne connaissent pas le goût de la banane
ni de la fraise.
Ils mangent du pain sec
trempé dans l’eau de la patience.
Le soir,
les enfants de la liberté
ne prennent pas de bain,
ils ne soufflent pas dans des bulles de savon.
Ils jouent avec des pneus, des cailloux
et les débris
des bombes.
Avant de dormir,
les enfants de la liberté ne se brossent pas les dents.
Ils n’attendent pas les histoires magiques
de prince et de princesse.
Ils écoutent le bruit de la peur et du froid.
Sur les trottoirs de la rue,
devant les portes de leur maison détruite,
dans les camps des pays voisins ou
dans les tombes.
Les enfants de la liberté
attendent comme
tous les enfants du monde
le retour de leur mère.
(Maram al-Masri)
Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey
Un homme couvert de poussière
assis sur un trottoir
regarde au loin.
Sur ses genoux
un bébé d’une pâleur lumineuse
remue ses bras, ses mains,
en buvant
un biberon que l’homme porte à sa bouche.
Derrière eux
un jeune garçon
serre contre sa poitrine
un sac de pain
en regardant lui aussi au loin.
Dans un autre coin de la scène
deux silhouettes:
un enfant assis contre la porte
d’une maison détruite.
Une femme agenouillée devant lui,
essaie de calmer sa terreur.
Ce n’est pa une scène de western:
c’est une famille
en Syrie aujourd’hui.
(Maram al-Masri)
Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey
Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça
Le temps d’un jean et d’un film à la télé
On se retrouve à vingt-huit balais
Avec dans le coeur plus rien pour s’émouvoir
Alors pourquoi pas s’asseoir
Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça
Depuis le temps qu’on est sur pilote automatique
Qu’on fait pas nos paroles et pas notre musique
On a le vertige sur nos grandes jambes de bazar
Alors pourquoi pas s’asseoir
Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça
J’appuie sur la gâchette accélérateur
Y’a que des ennemis dans mon rétroviseur
Au dessus de cent quatre vingts je perds la mémoire
Alors pourquoi pas s’asseoir
Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça
La nuit je dors debout dans un R.E.R.
Dans mon téléphone tu sais j’entends la mer
Y’a pas le soleil dans ma télé blanche et noire
Alors pourquoi pas s’asseoir
Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça
Tu verras bien qu’un beau matin fatigué
J’irai m’asseoir sur le trottoir d’à côté
Tu verras bien qu’il n’y aura pas que moi
Assis par terre comme ça