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Quart d’heure de culture métaphysique (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024



Illustration 
    
Quart d’heure de culture métaphysique

Allongée sur le vide
bien à plat sur la mort
idées tendues
la mort étendue au-dessus de la tête
la vie tenue de deux mains

Élever ensemble les idées
sans atteindre la verticale
et amener en même temps la vie
devant le vide bien tendu
Marquer un certain temps d’arrêt
et ramener idées et mort à leur position de départ
ne pas détacher le vide du sol
garder idées et mort tendues

Angoisses écartées
la vie au-dessus de la tête

Fléchir le vide en avant
en faisant une torsion à gauche
pour amener les frissons vers la mort
Revenir à la position de départ
Conserver les angoisses tendues
et rapprocher le plus possible
la vie de la mort

Idées écartées
frissons légèrement en dehors
la vie derrière les idées

Élever les angoisses tendues
au-dessus de la tête
Marquer un léger temps d’arrêt
et ramener la vie à son point de départ
Ne pas baisser les frissons
et conserver le vide très en arrière

Mort écartée
vide en dedans
vie derrière les angoisses

Fléchir la mort vers la gauche
la redresser
et sans arrêt la fléchir vers la droite
Éviter de tourner les frissons
conserver les idées tendues
et la mort dehors

Couchée à plat sur la mort
la vie entre les idées

Détacher l’angoisse du sol en baissant la mort
en tirant les idées en arrière
pour soulever les frissons
Marquer un arrêt court
et revenir à la position de départ
Ne pas détacher la vie de l’angoisse
Garder le vide tendu

Debout
les angoisses jointes
vide tombant en souplesse
de chaque côté de la mort

Sautiller en légèreté sur les frissons
à la façon d’une balle qui rebondit
Laisser les angoisses souples
Ne pas se raidir
toutes les idées décontractées

Vide et mort penchées en avant
angoisses ramenées légèrement fléchies
devant les idées

Respirer profondément dans le vide
en rejetant vide et mort en arrière
En même temps
ouvrir la mort de chaque côté des idées
vie et angoisses en avant
Marquer un temps d’arrêt
aspirer par le vide

Expirer en inspirant
inspirer en expirant

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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Ô DIEU TRÈS ATTÉNUÉ (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2023




Illustration
    
Ô DIEU TRÈS ATTÉNUÉ

Ô Dieu très atténué
Des bouts de bois et des feuilles,
Dieu petit et séparé,
On te piétine, on te cueille
Avec les herbes des prés.

Dieu des légères fumées,
Dieu des portes mal fermées
On les ouvrit tant de fois
Que l’air traverse le bois.

Et toi, dans l’humaine écorce,
Dieu de qui n’a plus la force
D’avoir un Dieu résistant
Comme celui qu’abandonne
Par ses blessures le sang,

Dieu qui ne remplis sa chose
Qu’à moitié comme à regret,
Dieu sur le point de quitter
Le coeur d’un homme qui n’ose
Le retenir, le goûter,

Tu t’absentes, tu reviens,
Tu es toujours en voyage.
Heureux celui qui retient
Un bon Dieu comme un bon vin
Qui prend avec lui de l’âge.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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LA GOUTTE DE PLUIE (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2023



    

LA GOUTTE DE PLUIE
(Dieu parle)

Je cherche une goutte de pluie
Qui vient de tomber dans la mer.
Dans sa rapide verticale
Elle luisait plus que les autres
Car seule entre les autres gouttes
Elle eut la force de comprendre
Que, très douce dans l’eau salée,
Elle allait se perdre à jamais.

Alors je cherche dans la mer
Et sur les vagues, alertées,
Je cherche pour faire plaisir
A ce fragile souvenir
Dont je suis seul dépositaire.

Mais j’ai beau faire, il est des choses
Où Dieu même ne peut plus rien
Malgré sa bonne volonté
Et l’assistance sans paroles
Du ciel, des vagues et de l’air.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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On ne s’accroche pas, comme ça (Eugène Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 14 décembre 2020



Illustration: René Julien
    
On ne s’accroche pas, comme ça,
À n’importe quoi,

À quelque chose
Qui est là,

Qui vient tout seul,
À la verticale.

Alors,
Il faut bien aller.

(Eugène Guillevic)

 

Recueil: Ouvrir
Traduction:
Editions: Gallimard

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THE BILINGUALIST (Raymond Federman)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2020



THE BILINGUALIST

To answer the question I’m always asked [voyons réfléchissons]
No I do not feel that there is a space between the two tongues that talk in me [oui peut-être un tout petit espace]
On the contrary [plus ou moins si on veut]
For me the one and the other seem to overlap [et même coucher ensemble]
To want to merge {oui se mettre l’une dans l’autre]
To want to come together [jouir ensemble]
To want to embrace one another [tendrement]
To want to mesh one into the other [n’être qu’une]
Or if you prefer [ça m’est égal]
They want to spoil and corrupt each other [autant cue possible]
I do not feel as some other bilingualists have affirmed that one tongue is vertical in me the other horizontal [pas du tout]
If anything my tongues seem to be standing or lying always in the same direction [toujours penchées l’une vers l’autre]
Sometimes vertically [ce haut en bas]
Other times horizontally [d’un côté à l’autre]
Depending on their moods or their desires [elles sont très passionnées vous savez]
Though these two tongues in me occasionally compete with one another in some vague region of my brain [normalement dans la partie supérieure de mon cerveau]
More often they play with one another [des jeux très étranges]
Especially when I am not looking [quand je dors]
I believe that my two tongues love each other [cela ne m’étonnerait pas]
And I have on occasion caught them having intercourse behind my back [je les ai vues une fois par hasard]
but I cannot tell which is feminine and which is masculine [personnellement on s’en fout]
Perhaps they are both androgynous [c’est très possible].

***

LE BILINGUISTE

Pour répondre à la question qu’on me pose tout le temps [let’s see – let me think]
non je ne sens pas qu’il y a un espace entre les deux langues qui parlent en moi [yes perhaps just a little space]
au contraire [more or less if you wish]
pour moi mes deux langues semblent plutôt se chevaucher [and even sleep together]
elles veulent tout le temps jouir ensemble [they want to come together]
s’embrasser [tenderly]
elles veulent être l’une dans l’autre [be only one]
ou si vous préférez [it’s all the same to me]
elles veulent se corrompre [as much as possible]
je ne sens pas comme certains bilinguistes ont affirmé [without proving it]
qu’une langue est verticale en eux tandis que l’autre est horizontale [not at all]
j’ai plutôt l’impression que mes deux langues sont ou droites ou allongées dans la même direction [always leaning towards each other]
parfois verticalement [from top to bottom]
parfois horizontalement [from side to side]
cela dépend de leur humeur et de leurs désirs [they are very passionate – you know]
bien que parfois mes deux langues se disputent ou se font concurrence dans une vague région de mon cerveau [normally in the upper part of my brain]
le plus souvent elles jouent ensemble [some very strange games]
surtout quand je fais pas attention [when l am alseep]
je crois que mes deux langues sont amoureuses l’une de l’autre [it wouldn’t surprise me – the way they act]
et je les ai attrapées une fois en train de faire l’amour derrière mon dos [yes I saw them by chance]
mais je ne peux pas vous dire laquelle est féminine et laquelle est masculine [personally I don’t give a damn]
Peut-être qu’elles sont androgynes [it’s quite possible] .

(Raymond Federman)

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La verticale (Pierre Albert-Birot)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2020



 

piscine_verticale

La verticale est-elle heureuse
N’a-t-elle plus rien à désirer
L’une d’elles m’a dit
Qu’elle a toujours rêvé
D’être l’horizontale

(Pierre Albert-Birot)

 

 

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Le silence (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2019



De toute façon,
Le silence incite

A faire quelque chose
Qui s’insérera

Dans un mouvement
Vers la verticale.

Un mouvement
Qui réunit.

Joie,
Est-il dit.

(Guillevic)

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Habitations (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 9 août 2019


J’ai logé dans le merle.
Je crois savoir comment
Le merle se réveille et comment il veut dire
La lumière, du noir encore, quelques couleurs,
Leurs jeux lourds à travers
Ce rouge qu’il se voit.

J’ai fait leur verticale
Avec les blés.

Avec l’étang j’ai tâtonné
Vers le sommeil toujours proche.

J’ai vécu dans la fleur.
J’y ai vu le soleil
Venir s’occuper d’elle
Et l’inciter longtemps
A tenter ses frontières.

J’ai vécu dans des fruits
Qui rêvaient de durer.

J’ai vécu dans des yeux
Qui pensaient à sourire.

(Guillevic)

Illustration: Vladimir Kush

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Parfois entre l’ombre et l’ombre (António Ramos Rosa)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2018



Parfois entre l’ombre et l’ombre
nous comprenons quelque chose
Et c’est comme si au plus intime de nous un geste nuptial
s’accomplissait telle une ombre encore
mais verticale Et alors respirer
n’est plus que sillonner l’oubli et la paix initiale
comme si l’autre en nous était le même
Et sans images nous entrons au contact
du vide brûlant
qui englobe tous les contraires dans une affirmation silencieuse
et consume à l’intérieur de nous l’obscurité magique
où être revient à ne pas être et ne pas être à être

(António Ramos Rosa)

Illustration

 

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Seul ce qui longe la mer n’est pas bordé (Carole Darricarrère)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2018



Seul ce qui longe la mer n’est pas bordé.
Ce qui fascine le regard n’est pas bordé.
Le Verbe nulle part est bordé.
Ce qui n’est pas bordé n’est pas mathématiquement formulable.
Ni quantifiable.
La parole verticale, qui est pure expansion, n’a pas de bords.
Le Poème nulle part n’est bordé.
Centre advenant du centre, il est partout centre.

(Carole Darricarrère)

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