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Poésie

CHÂTEAU RURAL (Emile Nelligan)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2020



CHÂTEAU RURAL

J’eus ce rêve. Elle a vingt ans, je n’en ai pas moins;
Nous habiterons ces chers coins
Qu’embaumeront ses soins.

Ce sera là tout près, oui, rien qu’au bas du val;
Nous aurons triple carnaval :
Maison, coq et cheval.

Elle a les yeux de ciel, tout donc y sera bleu :
Pignon, châssis, seuil, porte, heu!
Dedans peut-être un peu.

Elle a les cheveux blonds, nous glanerons épis,
Soleils, printemps, beaux jours, foins, lys
Et l’amour sans dépits.

Sans doute, elle m’aura, m’ayant vu si peu gai
— Ne fût-ce que pour me narguer —
Un ange délégué !

Brusque je m’éveillai. Mon coq au jour qui gagne
Pleurait là-bas dans la campagne
Son poulailler d’Espagne.

(Emile Nelligan)


Illustration: Georges Paul François Laurent Laugée

2 Réponses to “CHÂTEAU RURAL (Emile Nelligan)”

  1. Trinité inconnaissable
    —————

    Triplement ignoré de votre père Adam,
    Je ne suis qu’un trio d’hypostases fictives ;
    Je suis, dans le Cosmos, une force inactive
    Comme dans vos palais sont les rois décadents.

    Je ne m’exprime point en signes transcendants,
    Je n’envoie nul tonnerre à des foules craintives ;
    N’inspirant nul prophète aux paroles plaintives,
    Je n’exerce sur vous pas le moindre ascendant.

    Vous ne me prendrez pas pour le dieu de l’ivresse,
    Tout juste, à la rigueur, celui de la paresse ;
    Et me faire une offrande, il n’y faut pas songer.

    Je sais que je suis Dieu, c’est cela seul qui compte,
    Mais un dieu solipsiste, en faut-il avoir honte ?
    Je ne répondrai point, c’est mon jour de congé.

    • Trinité des Pyrénées
      ———-

      Libère-nous du mal, triple dieu des montagnes,
      Et que notre sort soit remis entre tes mains ;
      Car nous avons tracé de périlleux chemins
      Qui franchissent les monts de Capcir et Cerdagne.

      Nous ne voulons point vivre au pays de Cocagne,
      Nous sommes, tu le sais, de modestes humains ;
      Nous réparons la route et les vieux ponts romains
      Par où les promeneurs leurs pénates regagnent.

      Nous écoutons souvent le tavernier narrant
      Tes exploits d’autrefois, qu’il trouve assez marrants ;
      Nous savons qu’un vieux texte interdit qu’on te nomme.

      Un sculpteur du village, assemblant trois galets,
      Fit ton triple portrait pour orner son chalet ;
      Nous trouvons que ça fait un drôle de bonhomme.

Qu'est-ce que ça vous inspire ?