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Poésie

Le bouquet sous la croix (Marceline Desbordes-Valmore)

Posted by arbrealettres sur 19 Mai 2018



 cimetiere _

Le bouquet sous la croix

D’où vient-il ce bouquet oublié sur la pierre ?
Dans l’ombre, humide encor de rosée, ou de pleurs,
Ce soir, est-il tombé des mains de la prière ?
Un enfant du village a-t-il perdu ces fleurs ?

Ce soir, fut-il laissé par quelque âme pensive
Sous la croix où s’arrête un pauvre voyageur ?
Est-ce d’un fils errant la mémoire naïve
Qui d’une pâle rose y cacha la blancheur ?

De nos mères partout nous suit l’ombre légère ;
Partout l’amitié prie et rêve à l’amitié ;
Le pèlerin souffrant sur la route étrangère
Offre à Dieu ce symbole, et croit en sa pitié !

Solitaire bouquet, ta tristesse charmante
Semble avec tes parfums exhaler un regret.
Peut-être es-tu promis au songe d’une amante :
Souvent dans une fleur l’amour a son secret !

Et moi j’ai rafraîchi les pieds de la Madone
De lilas blancs, si chers à mon destin rêveur ;
Et la Vierge sait bien pour qui je les lui donne :
Elle entend la pensée au fond de notre coeur !

(Marceline Desbordes-Valmore)

4 Réponses to “Le bouquet sous la croix (Marceline Desbordes-Valmore)”

  1. Évangile reptilien
    ———-

    Le serpent sur la croix nous donne des leçons,
    Lui qui fut condamné à ramper sur la terre ;
    De l’humain libre arbitre évoquant le mystère,
    Il dit à ce propos des vers à sa façon.

    Un ange qui l’écoute en éprouve un frisson,
    Lui qui n’a pas accès à la mort volontaire ;
    Il envie quelque peu cet être réfractaire
    Mais ne peut avec lui chanter à l’unisson.

    Cet animal poursuit, glosant sur le calice,
    Rappelant au public la beauté des supplices ;
    Il retrouve des mots de l’Ancien Testament.

    Accomplir faut, dit-il, les Saintes Écritures,
    Le fils du charpentier nous le dit clairement ;
    Et chacun répondra de sa propre lecture.

    • Croix magique
      ———-

      C’est un gage d’honneur et de fidélité,
      La croix qui du passé garde la remembrance ;
      D’un objet ordinaire elle prend l’apparence,
      Seuls quelques érudits savent ses qualités.

      Son transcendant pouvoir ne peut être imité,
      Pas même par l’esprit d’une vestale en transe ;
      Tout seigneur qui en use évite les outrances,
      Ses désirs abusifs se trouvent limités.

      Au rhapsode elle dit des mots surnaturels,
      Au prêtre elle décrit des faits intemporels ;
      Ils laissent de côté ce monde transitoire.

      L’Empereur, cependant, la range en un placard,
      Disant que la magie c’est fait pour les tocards
      Et que lui ne veut plus de ces vieilles histoires.

  2. Arbre précurseur de la croix
    ———

    L’âme des végétaux est au destin soumise,
    Affrontant les tourments sans craindre la douleur ;
    Les arbres abattus au pie des autres gisent,
    Je ne sais pas s’ils ont le souvenir des fleurs.

    Ce qu’ils pensent de nous, jamais ils ne le disent,
    N’ayant point le souci de se mettre en valeur ;
    L’un d’entre eux se souvient d’une antique traîtrise,
    Il n’a pas oublié le reptile enjôleur.

    La Dame fut tentée par la pomme vermeille
    Dont les parfums valaient ceux du miel des abeilles ;
    Alors survint pour nous le temps du désespoir.

    De l’arbre, on fit la Croix, pire qu’une potence
    Mais qui fut l’instrument de notre renaissance ;
    Car ce jour a marqué la fin des siècles noirs.

    • Un dragon rêve de la Croix
      ————

      Un songe a tourmenté l’étrange créature
      Dont l’âme éprouve alors un profond désarroi ;
      Ce dragon se rêvant sur une haute croix
      Ne sait pas d’où lui vient cette déconfiture.

      Nul ne veut compatir aux tourments qu’il endure,
      Aussi, rien ne lui sert de donner de la voix ;
      Ils lui sont inconnus, les visages qu’il voit
      Tournés vers son malheur qui s’acharne et qui dure.

      Un érudit l’observe, il couvre un parchemin
      De phrases qu’il destine à ses frères humains ;
      Aussi, de temps en temps, dans la marge il dessine.

      Son corps ne verse pas une goutte de sang,
      Mais en dépit de ça, la douleur l’assassine,
      Il perd un peu l’espoir, il se sent impuissant.

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