Arbrealettres

Poésie

Recueillement (Charles Baudelaire)

Posted by arbrealettres sur 19 novembre 2018



Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

(Charles Baudelaire)

 

 

3 Réponses to “Recueillement (Charles Baudelaire)”

  1. Lara said

    Tu broies du noir ?………

  2. (1) Salamandre en Eden
    ————

    Privé de ses humains, le jardin fut tranquille,
    Ils s’étaient éloignés et le serpent aussi ;
    Je ne regrette pas ces créatures viles,
    Ma vie de salamandre est sans aucun souci.

    Je ne vois pas les jours ni les saisons qui filent,
    Je sais bien que Chronos est un dieu sans merci ;
    L’âge a déjà rendu mes jambes malhabiles
    et mon oreille sourde, et mon coeur indécis.

    Cette terre, pourtant, n’est pas abandonnée,
    Même si l’infraction ne fut point pardonnée ;
    En leur mémoire l’ont les mages d’Orient.

    Je sais que bien plus tard, ils se mettront en marche
    Pour aller saluer un enfant souriant ;
    Le roi David, alors, dansera devant l’Arche.

    (2) Sagesse d’un amphibien
    ——————————

    La salamandre vit dans la flamme tranquille
    Qui se forme au-dessus du ruisseau que voici.
    Elle passe son temps, recluse, loin des villes ;
    Son âme est sans tourment, son coeur est sans souci.

    Au bord de la rivière, une aragne d’or file ;
    Sa toile de l’insecte aura toujours merci,
    Tranquilles voleront les sveltes drosophiles
    Et tout autre diptère arrivant par ici,

    Loin de tout, traversant la plaine abandonnée,
    Apportant avec eux leur chanson bourdonnée ;
    Au matin, quand le ciel blanchit à l’Orient,

    Un passereau d’azur au bord des flots se perche,
    Et, dormant à demi, l’amphibien souriant
    Entend la mélodie qui s’élève et se cherche.

    (3) Paix d’un animal
    ————-

    Un triton fait son nid dans un plasma dormant
    Qui s’accroît plus haut qu’un canal coulant ici ;
    Il vit ainsi, captif, loin d’un urbain roman,
    Sans affliction, sans cri, sans chagrin, sans souci.

    Son voisin fait un fil inactif, mais charmant ;
    Aux animaux s’offrant sous un jour adouci,
    Ni fulminant, ni noir, ni dur, ni alarmant,
    Nul jour par son action tari, ni raccourci.

    Loin, fort loin, franchissant un sol à l’abandon,
    Portant un joli son, la chanson du bourdon,
    Au matin, dans l’azur, au mitan du grand parc ;

    Un piaf au ton saphir au bord du flot chanta ;
    Du triton pur cobalt l’audition s’aimanta,
    Apprivoisant l’amour, ainsi qu’a dit Saint Marc.

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