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Poésie

Nous sommes les vagues profondes (Joseph Autran)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2019



 

George Dmitriev  ro1_500George Dmitriev  ro1_500

Prélude aux « Poèmes de la Mer »

Nous sommes les vagues profondes
Où les yeux plongent vainement ;
Nous sommes les flots et les ondes
Qui déroulent autour des mondes
Leur manteau d’azur écumant !

Une âme immense en nous respire,
Elle soulève notre sein ;
Soue l’aquilon, sous le zéphyre,
Nous sommes la plus vaste lyre
Qui chante un hymne au trois fois Saint.

Amoncelés par les orages,
Rendus au calme, tour à tour,
Nous exhalons des cris sauvages
Qui vont bientôt sur les rivages
S’achever en soupirs d’amour.

C’est nous qui portons sur nos cimes
Les messagers des nations,
Vaisseaux de bronze aux mâts sublimes,
Aussi légers pour nos abîmes
Que l’humble nid des alcyons.

Sur ces vaisseaux si Dieu nous lance,
Terribles nous fondons sur eux ;
Puis nous promenons en silence
La barque frêle qui balance
Un couple d’enfants amoureux !

C’est nous qui d’une rive à l’autre
Emportons les audacieux ;
Le marchand, le guerrier, l’apôtre,
N’ont qu’une route, c’est la nôtre,
Pour changer de terre et de cieux.

Nos profondeurs, Dieu les consacre
À son mystérieux travail ;
Dans nos limons pleins d’un sel âcre,
Il répand à deux mains la nacre,
L’ambre, la perle et le corail.

Pelouses, réseaux de feuillages,
Arbres géants d’hôtes remplis,
Monstres hideux, beaux coquillages,
La vie est partout sur nos plages,
La vie est partout dans nos lits.

Nous vous aimons, bois et charmilles,
Qui sur nous versez vos parfums !
Nous vous aimons, humbles familles,
Dont sur nos bords les chastes filles
Attendent leurs fiancés bruns !

Vaisseaux couverts de blanches toiles,
Reflets des villes et des monts,
Jours de printemps purs et sans voiles,
Nuits d’été, riches en étoiles,
Nous vous aimons ! nous vous aimons !

Mais nos amours sont inquiètes,
Et nous vous préférons souvent
Le ciel noir, le vol des tempêtes,
Et le chant des pâles mouettes
Que berce et qu’emporte le vent.

Nous aimons voir l’éclair dans l’ombre
Que déchirent ses javelots,
Et l’effroi du vaisseau qui sombre
En jetant à la grève sombre
Le dernier cri des matelots !

Nous sommes les vagues profondes
Où les yeux plongent vainement ;
Nous sommes les flots et les ondes
Qui déroulent autour des mondes
Leur manteau d’azur écumant.

(Joseph Autran)

Illustration: George Dmitriev

 

3 Réponses to “Nous sommes les vagues profondes (Joseph Autran)”

  1. Pigeon voyageur
    ———-

    J’admire sa mémoire et son entendement,
    Il calcule sa route ainsi qu’une hirondelle ;
    Il dit la stratégie, il porte les nouvelles,
    Tu ne le verras point se poser lourdement.

    Le pigeon voyageur s’envole au firmament,
    Il voit du haut des cieux que la campagne est belle ;
    Il ne recherche point une gloire immortelle,
    Il ne croit jamais être un héros de roman.

    C’est un bon messager, plein de coeur à l’ouvrage,
    Un vrai navigateur affrontant les orages ;
    Il accomplit sa tâche avec ténacité.

    Nous aimons contempler sa personne menue,
    Nous écoutons les mots que dit sa voix ténue ;
    C’est l’oiseau de Vénus, l’honneur de la cité.

    • Navigation vraiment précaire
      ——————

      Cette nef n’est, vois-tu, qu’une faible nacelle,
      Aucun des passagers n’est sûr de son retour ;
      Il leur reste d’espoir à peine une parcelle,
      La barque cependant se perd en vains détours.

      Au-dessus de la nef passe un vol d’hirondelles
      Rapidement filant vers un nouveau séjour ;
      Elles savent leur route et la suivent toujours,
      Puisque leur trajectoire est aux astres fidèle.

      Il faut border la voile, il faut parfois ramer,
      Il ne faut surtout pas craindre d’être affamé ;
      Veuille un ange du ciel nous prendre sous son aile !

      Quand nous débarquerons, nous aurons un repas
      Arrosé d’un bon vin qu’on ne refuse pas ;
      Nous prendrons le café sous la fraîche tonnelle.

  2. Oiseau facteur
    ——–

    Je porte le courrier de la reine Adeline,
    Je suis un messager, je suis un bel oiseau ;
    Je vois à l’horizon le soleil qui décline,
    Dans la douceur du soir je plane sur les eaux.

    Je salue en passant le héron des roseaux
    Alors que son plumage au couchant s’illumine ;
    Je franchis un plateau, non loin de Palaiseau,
    Traversant les jardins de l’École des Mines.

    Je rejoins notre reine, entourée de sa cour,
    Je remets en ses mains les lettres de ce jour ;
    Elle me remercie, pleine de gentillesse.

    Va-t-elle m’accorder un titre de noblesse ?
    Serai-je fait seigneur de l’un ou l’autre lieu ?
    Si je deviens baron, j’en rendrai grâce à Dieu.

Qu'est-ce que ça vous inspire ?