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Poésie

L’Echiquier (Jean Joubert)

Posted by arbrealettres sur 5 Mai 2017



L’Echiquier

Je suis seul sur l’échiquier de la cour,
ni cavalier, ni roi, mais le fou.
La main du joueur hésite entre les tours.

Je fais trois pas, je déserte le lierre
pour la lumière épaisse où je m’englue.
Le lézard règne aux aisselles de pierre.

Où sont les filles d’or et de saveur,
ce bruit de blé qui froisse leur épaule,
et le figuier, son feuillage de coeurs,

le premier pas timide, sur les eaux,
du jour qui jouit de visibles trésors?
Rien n’a trompé le zèle des créneaux.

Car il ne vient que l’ombre d’une lame
aiguiser au grès ses tranchants mortels
pour de très lents combats avec les flammes.

Ici veillent le sphinx et la fourmi:
patience de dément dans sa cellule,
et mort repliée qui s’ouvre la nuit.

Mais je sens des formes collées aux murs,
dans l’odeur de sang des chambres désertes,
et qui m’épient par toutes les fissures.

(Jean Joubert)


Illustration

4 Réponses to “L’Echiquier (Jean Joubert)”

  1. Lara said

    Un poeme tres riche de symboles et des images fortes :

    « ce bruit de blé qui froisse leur épaule, » evocation des sons mélé aux autres sens …superbe ..

    et puis la fin :
    « qui m’épient par toutes les fissures. »

    toutes ces fissures de notre vulnérabilité qui mènent aussi à la connaissance ..

  2. A reblogué ceci sur musnadjia423wordpress.

  3. Divertissements des courtisans
    ———-

    Des jeux étranges sont à la Cour en usage,
    Qui sont contre l’ennui le principal recours ;
    Le temps ne se perd point en amoureux discours,
    Le désir ne saurait empourprer les visages.

    Ce sont des jeux d’adresse ou des jeux de langage,
    Sa Majesté le Roi ne gagne pas toujours ;
    Quand un noble étranger chez nous est en séjour,
    À faire une partie les marquises l’engagent.

    Personne ne s’amuse à faire des sonnets,
    Tout au plus, on redit tous ceux que l’on connaît,
    Ce sont des mots d’amour ou de plaisanterie.

    Ces divers passe-temps ne sont point onéreux,
    Sauf lorsque l’on rencontre un sort peu généreux ;
    Un grand seigneur parfois vend son argenterie.

Qu'est-ce que ça vous inspire ?