La Création (Anna Akhmatova)

Ca se passe ainsi : une sorte de langueur;
A mes oreilles les heures tintent sans cesse;
Au loin un roulement de tonnerre s’apaise.
J’entends comme la plainte et le gémissement
De voix inconnues, prisonnières;
Un cercle mystérieux se rétrécit,
Mais de cet abîme qui murmure et résonne
Monte un bruit qui domine tous les autres.
Autour de lui, c’est un silence tel
Que l’on entend pousser l’herbe dans la forêt,
Sur la terre marcher le mal et sa besace…
Mais voici que déjà des mots se font entendre
Et les signaux sonores des rimes légères;
Alors je commence à comprendre,
Et les lignes qui me sont simplement dictées
Se couchent sur mon cahier blanc comme la neige.

(Anna Akhmatova)

Caressais-tu (Jacques Izoard)

Savais-tu qu’un village
s’appelait Village?
Suivais-tu volontiers
les lignes de la main?
Caressais-tu,
sous l’aile, sous la nageoire,
ton propre corps?

(Jacques Izoard)

Retouche à la campagne (Daniel Boulanger)

Retouche à la campagne

le soir meurt dans sa paille
les routes à l’odeur de lait
dans un creux s’attardent

et basse où roule le soleil
la lumière à sa paume
lit les lignes humaines

(Daniel Boulanger)

Illustration

 

Les lignes à haute tension (Tomas Tranströmer)

Les lignes à haute tension
s’étirent au royaume du froid
au nord de toute musique.

(Tomas Tranströmer)

Illustration

 

Retouche à l’Equilibre (Daniel Boulanger)

Retouche à l’Equilibre

Dans la paume du soir
les lignes d’une vie simple
traversées par une femme
qui rentre du jardin

chaque chose un instant à sa place
dans la miniature de l’oeil
sur ce haut corps gris

(Daniel Boulanger)

Illustration: Paula Modersohn-Becker