Un souffle de plantes vénéneuses en fièvre
Me fait rêver dans des crépuscules lunaires,
Et je me sens enlacé en silence,
Et vois, comme un sabbat de sorcières folles,
Des fleurs couleur de sang dans l’éclat des miroirs
Pressurer de mon cœur des fureurs enflammées,
Et leurs lèvres rompues à tous les arts
Se gonfler de colère contre ma gorge enivrée.
Fleurs couleur de peste des rives tropicales,
Elles tendent à mes lèvres leurs coupes,
Les troubles fontaines de bave de tourments écoeurant
Et l’une enlace — Ô Ménade en furie —
Ma chair exténuée par les lourds effluves,
Et ravie de douleur par de terribles luxures.
(Georg Trakl)
Recueil: Oeuvres complètes
Traduction: de l’allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider
Editions: Gallimard