Liberté (Paul Eluard)
Posted by arbrealettres sur 21 juin 2016
Liberté
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
(Paul Eluard)
lesouffledesmots said
Magnifique et célébrissime poème de Paul Eluard.
Paul Eluard, de son vrai nom Paul Grindel ! Il avait changé de nom, car à l’époque aussi quand on s’appelait Grindel on pouvait se faire tuer.
arbrealettres said
Poème magnifique que j’étais persuadé avoir déjà publié!
Merci pour ces précisions 🙂
Lara said
Si je peux me permettre..
Ceci est inexact ! 🙂
Paul Grindel alias Paul Eluard n’était pas juif .
Je cite son ami Louis Aragon qui expliqua dans son discours d’inauguration du Lycée Paul Eluard à Saint-Denis en 1965 :
.. »dans ce temps-là qui était celui de la grande persécution des Juifs, Paul avait inventé de dire à qui voulait l’entendre qu’il était juif, et à ceux qui s’en étonnaient appuyait cette révélation du fait qu’Eluard n’était qu’un pseudonyme, son nom de famille étant Grindel, ce qui bien sûr est un vieux nom paysan de France, mais à quoi il donnait un air germanique à le prononcer Grinedel, on avait même eu toutes les peines du monde à le dissuader de porter l’étoile jaune. Il disait couramment que l’on devrait l’envoyer, lui comme tous les Juifs, à Madagascar, etc. Et je me souviens qu’en 1942 à Nice, Jean Paulhan, nous racontant la chose, y croyait dur comme fer puisque Paul le lui avait dit lui-même. Il avait fallu l’autorité du Parti pour arrêter cela, cette bravade et cette générosité un peu folle, car Paul voulait toujours être du côté des plus malheureux.. » Aragon)
*
Quant au poème « Liberté », poème de lutte, texte emblématique de l’engagement et de la lutte des hommes durant la deuxième guerre mondiale, il fut écrit pour les résistants et parachuté dans les maquis tout comme les armes et munitions..!
lesouffledesmots said
J’avais lu qu’il l’était par son père. Mais peu importe, l’essentiel c’était qu’il se sente solidaire des persécutés.
Un grand homme !.
Il aurait pu écrire comme avait écrit et chanté Guy Béart (vrai nom Behar. ;-))
« Je suis de toutes les couleurs. Et surtout de celles qui pleurent. »
Lara said
🙂
lesouffledesmots said
Parmi tes photos de la marche républicaine je viens seulement de remarquer le poème de Paul Eluard « Gabriel Péri » adapté à Charlie.
Magnifique ce poème « Gabriel Péri ».
Je vois que l’amateur de poésie que tu es n’a pu que le remarquer et être profondément ému.
Moi j’aimerais rendre hommage au héros Lassana Bathily malien musulman qui a caché des gens vendredi dernier, par ces vers de Paul Eluard :
La nuit n’est jamais complète.
La nuit n’est jamais complète.
Il y a toujours puisque je le dis,
Puisque je l’affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.
Il y a toujours
un cœur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
Cochonfucius said
Sur Abel et sur Caïn
Sur Adam et sur Lilith
Sur le fils du charpentier
J’ai des sonnets
Sur les astres vagabonds
Sur les faits non résolus
Sur le long fleuve du temps
J’ai des sonnets
Sur l’archange Gabriel
Sur un horloger aveugle
Et sur Marie-Madeleine
J’ai des sonnets
Sur la vie du roi des arbres
Sur Sapiens et sur Faber
Sur Tartuffe en un couvent
J’ai des sonnets
Sur l’amitié des forums
Sur la joie et la tristesse
Sur le maître Chevillard
J’ai des sonnets
Sur le métier de chercheur
Sur le miroir déformant
Et sur Occam en vacances
J’ai des sonnets
Sur la peinture chinoise
Sur trois puissance quatorze
Sur la faim du prédateur
J’ai des sonnets
Sur le trouble ronsardien
Sur les deux cents éléphants
Sur Newton et Langevin
J’ai des sonnets
Sur la reine Pénélope
Sur la planète ignorée
Sur une vibration morte
J’ai des sonnets
Sur l’amour dans un coin sombre
Sur un campement rustique
Sur une nuit de juillet
J’ai des sonnets
Sur le regard de Saturne
Sur un rêve de voyage
Sur la rose et l’hirondelle
J’ai des sonnets
Sur le jardin et la croix
Sur la plume et l’encrier
Sur la salle et le comptoir
J’ai des sonnets
Et par le pouvoir des rimes
J’ai du soleil dans ma vie,
Je suis né pour te servir
Poésie.
Maître Renard said
A reblogué ceci sur Maître Renard.