Le désir est pareil à cette porte,
Du temps des surréalistes au 54 rue du Château,
À la fois ouverte et fermée,
Pour les départs à tous les vents
Et le refuge des nuits de magie claire.
*
La poésie aussi est cet impossible même
Qui tient les deux côtés de la frontière,
Sur les pentes d’on ne sait quel exil,
Quand le tocsin qui bat le sang
Éveille un chant de mort où renaître.
*
Mais il n’y a pas d’illusion à se faire,
L’insolente issue de série noire
A retrouvé ses garde-fous domestiques,
Chambranle, serrure, verrou,
Tout l’agencement de la syntaxe grégaire.
*
Le génie du lieu n’a pas laissé de gages,
Juste un éclair de légende libertaire
Et guère plus de réalité jetée hors champ
Que quelques mutineries de corps, d’esprit,
Voire de cadavres exquis.
*
L’embarcadère perdure pourtant,
Qui ravive l’insomnie du dernier navire venu
Au large de Tossa de Mar,
Vaisseau fantôme caréné d’or et d’aube
Dans les yeux fauves d’Ava Gardner.
*
C’est qu’une splendeur fatale
Mène les amours et les âmes
Jusqu’à revenir de tout
Sans qu’il y ait à changer d’impatience
Ni de sens ascendant.
*
Nous avançons à l’orient de nous,
Avec la force de conquérants inutiles,
Décidés comme jamais
À découvrir les traces qui tout effacent
Autant de ce côté-ci que de l’autre.
(André Velter)
Editions: Gallimard