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Poésie

QUIA HORTULANUS ESSET (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 30 avril 2022



Illustration: Salvadore Dali    
    
QUIA HORTULANUS ESSET

Je suis l’ouvrier du silence,
L’au-delà des gestes humains,
L’obole qui contrebalance
L’or des Césars entre vos mains.

Je suis l’innocence de l’aube
Et l’oeuf fragile au fond du nid;
Les replis usés de ma robe
Ont la largeur de l’infini.

Je suis plus vendu qu’un esclave,
Et, plus qu’un pauvre, abandonné;
Je suis l’eau céleste qui lave
Le sang que pour vous j’ai donné.

Les lys et les agneaux, mes frères,
Sont comme moi sans défenseur;
Je revêts tous ceux qui pleurèrent
D’une cuirasse de douceur.

Peu m’importe que l’on me nie :
Je suis l’obscur et l’insulté
Semant sa sueur d’agonie
Aux sillons du futur été.

Je suis la neige qui prépare
La lente éclosion des fleurs;
Deux bras ouverts, vivante barre,
Diamètre de vos douleurs.

La rose à mes côtés relève
Son visage innocent et beau;
Le bois mort s’humecte de sève;
Et la Madeleine au tombeau,

Moite encor des larmes versées,
Reconnaît, dieu qui sanglota,
Le jardinier aux mains percées
Sous l’arbre noir du Golgotha.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

Une Réponse to “QUIA HORTULANUS ESSET (Marguerite Yourcenar)”

  1. — 6 commentaires — Imprimer —

    Les Trophées, 1893

    Blason céleste

    J’ai vu parfois, ayant tout l’azur pour émail,
    Les nuages d’argent et de pourpre et de cuivre,
    À l’Occident où l’œil s’éblouit à les suivre,
    Peindre d’un grand blason le céleste vitrail.

    Pour cimier, pour supports, l’héraldique bétail,
    Licorne, léopard, alérion ou guivre,
    Monstres, géants captifs qu’un coup de vent délivre,
    Exhaussent leur stature et cabrent leur poitrail.

    Certe, aux champs de l’espace, en ces combats étranges
    Que les noirs Séraphins livrèrent aux Archanges,
    Cet écu fut gagné par un Baron du ciel ;

    Comme ceux qui jadis prirent Constantinople,
    Il porte, en bon croisé, qu’il soit George ou Michel,
    Le soleil, besant d’or, sur la mer de sinople.

    Commentaire (s)
    Déposé par Cochonfucius le 1er juillet 2014 à 11h37

    Splendeur des blasons
    —————————-

    Chandelle de sinople, incomparable émail,
    Ornant de tes reflets le robinet de cuivre,
    Au pays des blasons ma plume te veut suivre !
    Tu seras le sujet d’un magique vitrail

    Où se promènera le magique bétail :
    De sable un crocolion, de platine une vouivre,
    D’argent un gidouillon, d’orange un rhapsode ivre,
    Plus une basilique avec son grand portail.

    Le soleil, traversant cette verrière étrange,
    Fera sur mon bureau danser quelques archanges,
    Comme s’ils désiraient se disputer le ciel,

    Comme rivalisant auprès de leurs disciples,
    Comme voulant piquer son trône à Saint Michel,
    Ou pour (car c’est dimanche) amuser le dieu triple.

    [Lien vers ce commentaire]
    Déposé par Cochonfucius le 1er juillet 2014 à 12h42

    Retouches : « cette verrière » (début du premier tercet ) ;

    remplacer l’un des deux « magique » par un « prodigieux ».

    [Lien vers ce commentaire]
    Déposé par Cochonfucius le 1er juillet 2014 à 12h43

    Retouches : « cette verrière » (début du premier tercet ) ;

    remplacer l’un des deux « magique » par un « prodigieux ».

    [Lien vers ce commentaire]
    Déposé par Cochonfucius le 1er juillet 2014 à 12h55

    Rectificatif : pas besoin de retouche à « verrière ».

    [Lien vers ce commentaire]
    Déposé par Cochonfucius le 4 juillet 2020 à 12h22

    Ambiporc d’azur
    ———-

    Je suis l’ambicochon, vêtu d’un noble émail,
    Je n’ai pour tout trésor que des pièces de cuivre;
    Où sont les songes bleus que j’aimais tant poursuivre?
    Fourbus de lassitude, ils dorment au bercail.

    Une reine jadis admira mon travail,
    Qui, je ne sais pourquoi, s’est transformée en vouivre;
    Le roi me tutoyait quand il était bien ivre,
    Puis me reconduisait jusqu’à son grand portail.

    Je sais qu’au bout d’un temps la vie devient étrange,
    Que ce soit pour un porc ou bien pour un archange;
    Je n’ai pas d’opinion sur les décrets du Ciel.

    Je termine mes jours sans maître et sans disciple,
    Et je ne marche plus vers le pont Saint Michel,
    Mais ces nouveaux quartiers ont des splendeurs multiples.

    [Lien vers ce commentaire]
    Déposé par Cochonfucius le 31 octobre 2022 à 11h03

    Baron céleste
    ———-

    Je traverse le ciel, vêtu d’un gros chandail,
    Car trop lourde serait mon amure de cuivre ;
    Un nuage véloce, et que j’aime poursuivre,
    Au long d’un clair matin m’éloigne du bercail.

    Je suis un aristo, j’échappe à tout travail,
    Définitivement ce statut m’en délivre ;
    Je feuillette, le soir, tranquillement, des livres,
    Assis sur une pierre, auprès de mon portail.

    Un grand seigneur qui vole, est-ce une chose étrange ?
    Je dois probablement être cousin des anges,
    Ou filleul d’un d’entre eux, (je m’appelle Michel).

    Mon voisin le marquis, jadis mon condisciple,
    Dit que sorcière fut ma grand-tante Rachel
    Et que je suis moi-même ennemi du dieu triple…

Qu'est-ce que ça vous inspire ?