Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘largeur’

QUIA HORTULANUS ESSET (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 30 avril 2022



Illustration: Salvadore Dali    
    
QUIA HORTULANUS ESSET

Je suis l’ouvrier du silence,
L’au-delà des gestes humains,
L’obole qui contrebalance
L’or des Césars entre vos mains.

Je suis l’innocence de l’aube
Et l’oeuf fragile au fond du nid;
Les replis usés de ma robe
Ont la largeur de l’infini.

Je suis plus vendu qu’un esclave,
Et, plus qu’un pauvre, abandonné;
Je suis l’eau céleste qui lave
Le sang que pour vous j’ai donné.

Les lys et les agneaux, mes frères,
Sont comme moi sans défenseur;
Je revêts tous ceux qui pleurèrent
D’une cuirasse de douceur.

Peu m’importe que l’on me nie :
Je suis l’obscur et l’insulté
Semant sa sueur d’agonie
Aux sillons du futur été.

Je suis la neige qui prépare
La lente éclosion des fleurs;
Deux bras ouverts, vivante barre,
Diamètre de vos douleurs.

La rose à mes côtés relève
Son visage innocent et beau;
Le bois mort s’humecte de sève;
Et la Madeleine au tombeau,

Moite encor des larmes versées,
Reconnaît, dieu qui sanglota,
Le jardinier aux mains percées
Sous l’arbre noir du Golgotha.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 1 Comment »

Voilà il est arrivé une chose extraordinaire (Pierre-Albert Birot)

Posted by arbrealettres sur 21 août 2017



 

Caroline de Piedoue

Voilà il est arrivé une chose extraordinaire
instantanément tous les arbres des volets de la petite maison sont devenus plus joyeux que jamais
ils ne finissaient ni en largeur ni en hauteur ni en profondeur
puis ils se sont mis à tournoyer et ils m’ont pris
et m’ont lancé dans la joie verte rotative où je devins amoureux du centre

il n’y avait plus de ciel puis les volets redevinrent des planches de bois
au service de la maison les arbres furent de nouveau des sapins et des chênes
peut-être un peu las comme il arrive aux gens les lendemains de fête
le ciel sans rancune était au-dessus d’eux
et je me suis retrouvé assis en face dès que disparut la robe d’un rouge surhumain

(Pierre-Albert Birot)

Illustration: Caroline de Piedoue

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

LES VIEUX AIMENT BIEN (Tennessee Williams)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017



Illustration: Carl Kronberger

    

LES VIEUX AIMENT BIEN

Les vieux aiment bien
les petits faits certains.
Le courrier arrivera
à quatre heures pile, pas environ,
les mots croisés seront
en haut à gauche de la
page vingt-trois.

Le poids d’un enfant,
les longueur et largeur d’une chaussure,
le montant exact d’une facture
et sa date de paiement,

l’endroit de tel événement,
pas sa raison, mais quand précisément.

Les vieux
n’aiment vraiment pas
aller au-delà

de ce qu’ils connaissent le mieux.

Ils ne veulent pas errer dans la purée, encore moins
passer l’avenir au peigne fin
trop loin de chez eux.

Non, les vieux n’aiment pas du tout
s’éloigner beaucoup
de petits faits certains comme ceux susdits,
le nom, la date, le lieu
et le nombre et l’amour et l’appétit…

Mais qu’y a-t-il avec les vieux ?
Tout le monde vieillit un jour ou deux.

***

OLD MEN ARE FOND

Old men are fond
of little certainties.
The mail will arrive
at exactly three-forty-five,
the crossword puzzle will be
in the upper lefthand corner of
page twenty-three.

The weight of a baby,
the length and breadth of a shoe,
the exact amount of a bill
and when it is due,

the place where it happened,
not why, but precisely when.

Old men
are not at all fond
of going beyond

familiar attachments…

They don’t want to roam in the gloam or to comb
the future with a fine-tooth comb
too far from home.

No, old men are not at all fond
of going much distance beyond
such little certainties as those mentioned above,
the name and the date and the place
and the number and hunger and love…

But what about old men?
Everybody gets to be old now and then.

(Tennessee Williams)

 

Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 4 Comments »

Je cherche (Rose Ausländer)

Posted by arbrealettres sur 23 Mai 2017



 

Illustration
    
Je cherche

Une fois un poème
Trouvé
Je cherche
Le mot interligne
Dans la danse des lettres
Consonnes voyelles
Je palpe la longueur la largeur
Des mots
Cherche et invente
Le mot
Animé du souffle

(Rose Ausländer)

 

Recueil: Pays maternel
Traduction: Edmond Verroul
Editions: Héros-Limite

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

Le ciel existe (Milan Dekleva)

Posted by arbrealettres sur 10 juin 2016



Le ciel existe. La largeur du silence
donne aux oiseaux l’aspect des jouets
dans les mains du propriétaire de la gravité.
Et le temps, ce vantard premièrement créé,

existe-t-il ? Dans la tendresse maternelle, peut-être,
qui sait que l’infinité du possible
est l’enfant, le seul possible sans infini.

(Milan Dekleva)

 
Découvert ici: https://ecriturbulente.com/

 

Posted in méditations, poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »