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Le jardin musical (Robert Sabatier)

Posted by arbrealettres sur 2 Mai 2021



Le jardin musical

Qui entend bien l’amour
Plante fleurs en l’oreille.
Et chante l’alouette
Au plus haut de l’été.

Ce sont là semaisons
De notes de musique
Sur l’étrange portée
Des bordures de thym.

Romarin des abeilles,
Calices des bourdons,
Herbes des sauterelles,
Palais d’ambre et de sucre.

Des couleurs symphoniques,
Des caresses qui voient.
Jusqu’au sommeil des rêves
Qui refuse la nuit.

Je dirai l’odyssée
D’une chaste pervenche,
Je conterai l’histoire
De ce brin d’herbe jaune.

Muguet, mon clavecin.
Lavandin, mon pipeau.
Orange, ma guitare.
Chêne, ma contrebasse.

Je m’enivre des mots
Qui chantent les parfums
Dans ce jardin si jeune
Qu’il est d’éternité.

Ainsi tout un orchestre
Pour éblouir le jour.
Qui entend bien la terre
Ne connaît pas le froid.

(Robert Sabatier)

Illustration: Josephine Wall

 

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Une semaison de larmes (Philippe Jaccottet)

Posted by arbrealettres sur 26 Mai 2020



 

nature  a (25)

Une semaison de larmes
sur le visage changé,
la scintillante saison
des rivières dérangées :
chagrin qui creuse la terre

L’âge regarde la neige
s’éloigner sur les montagnes

Dans l’herbe à l’hiver survivant
ces ombres moins pesantes qu’elle,
des timides bois patients
sont la discrète, la fidèle,

l’encore imperceptible mort

Toujours dans le jour tournant
ce vol autour de nos corps
Toujours dans le champ du jour
ces tombes d’ardoise bleue

Vérité, non vérité
se résorbent en fumée

Monde pas mieux abrité
que la beauté trop aimée,
passer en toi, c’est fêter
de la poussière allumée

Vérité, non vérité
brillent, cendre parfumée

(Philippe Jaccottet)

Illustration

 

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LA SEMAISON (Philippe Jaccottet)

Posted by arbrealettres sur 20 Mai 2018



nature  a (6)

 

LA SEMAISON

Notes pour des poèmes

I
Nous voudrions garder la pureté,
le mal eût-il plus de réalité.

Nous voudrions ne pas porter de haine
bien que l’orage étourdisse les graines.

Qui sait combien les graines sont légères
redouterait d’adorer le tonnerre.

II
Je suis la ligne indécise des arbres
où les pigeons de l’air battent des ailes;
toi qu’on caresse où naissent les cheveux
Mais sous les doigts déçus par la distance
le soleil doux se casse comme paille.

III
La terre ici montre la corde. Mais qu’il pleuve
un seul jour, on devine à son humidité
un trouble dont on sait qu’elle reviendra neuve.
La mort, pour un instant, a cet air de fraîcheur
de la fleur perce-neige…

IV
Le jour se carre en moi comme un taureau :
on serait près de croire qu’il est fort…

Si l’on pouvait lasser le torero
et retarder un peu la mise à mort!

V
L’hiver, l’arbre se recueille.

Puis le rire un jour bourdonne
et le murmure des feuilles,
ornement de nos jardins.

Pour qui n’aime plus personne,
la vie
est toujours plus loin.

(Philippe Jaccottet)

 

 

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LA SEMAISON (Philippe Jaccottet)

Posted by arbrealettres sur 15 octobre 2015



 

LA SEMAISON
(extraits)

XII
Tout ce
vert ne s’amasse pas, mais tremble et brille,
comme on voit le rideau ruisselant des fontaines
sensible au moindre courant d’air; et tout en haut
de l’arbre, il semble qu’un essaim se soit posé
d’abeilles bourdonnant; paysage léger
où des oiseaux jamais visibles nous appellent,
des voix, déracinées comme des graines, et toi,
avec tes mèches retombant sur des yeux clairs.

XIII
De ce dimanche un seul moment nous a rejoints,
quand les vents avec notre fièvre sont tombés :
et sous la lampe de la rue, les hannetons
s’allument, puis s’éteignent. On dirait des lampions
lointains au fond d’un parc, peut-être pour ta fête…
Moi aussi j’avais cru en toi, et ta lumière
m’a fait brûler, puis m’a quitté. Leur coque sèche
craque en tombant dans la poussière. D’autres montent,
d’autres flamboient, et moi je suis resté dans l’ombre.

XIV
Tout m’a fait signe : les lilas pressés de vivre
et les enfants qui égaraient leurs balles dans
les parcs. Puis, des carreaux qu’on retournait tout près,
en dénudant racine après racine, l’odeur
de femme travaillée… L’air tissait de ces riens
une toile tremblante. Et je la déchirais,
à force d’être seul et de chercher des traces.

(Philippe Jaccottet)

Illustration

 

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