Un poil dans l’âme
Il s’est souvent demandé
si sa fatigue
liberté ceci
volonté cela
et maladie
et patata
il n’a toujours pas
trouvé de réponse
trop fatigué
*
Depuis le big-bang
ce long chemin étoilé
vers la conscience humaine
Tout ça m’a épuisé
se dit-il en tapotant
l’édredon
*
Son cauchemar
bien sûr
escalader l’Everest
Son rêve
tomber infiniment
dans la facilité
Entre les deux
la vaisselle sale s’entasse
*
Pour trouver
la sérénité
le fainéant ne fouille pas les poubelles
de ces philosophies
plus ou moins exotiques
Un bon canapé lui suffit
il reste ainsi des heures
vautré
dans son plus beau sourire
tandis que son esprit essaye
un un
tous les coussins de l’absolu
*
Si vraiment l’avenir
appartient à ceux
qui se lèvent tôt
le reste
appartient aux autres
Franchement
l’affaire
le fainéant la trouve
plutôt bonne
*
Des rêves de grandeur
il n’en nourrit
que pour son lit
Pour le reste
il veut bien
vivre en chien de fusil
*
Pour la beauté
c’est différent
Il n’a qu’à se laisser
transporter
*
De la fenêtre de sa chambre
des heures durant
il admire
l’élévation patiente
l’orgueil
la noblesse des arbres
Les arbres
la seule élite
respectable
*
Rien ne sert de courir
Nul besoin de fable
pour en persuader le fainéant
qui ajoute volontiers
rien ne sert de partir
rien ne sert d’arriver
ce pâté de lièvre est excellent
*
Évidemment
il grossit
rajoute chaque jour
un peu de gras
entre le monde et lui
*
Il n’est pas pour autant
pressé de mourir
Le sommeil
à de telles profondeurs
ne le tente pas encore
Nul n’est parfait
*
Faire son marché
suffit à épuiser
son besoin d’aventure
Dans le cabas
son odyssée
pèse moins que la laitue
D’ailleurs sa Pénélope
supporte mal
les attentes prolongées
*
Sa ligne de conduite
n’exige
qu’une géométrie minimale
Pourquoi perdre son temps
le long des droites
des courbes ou des brisées ?
Dormir
est le plus court chemin
d’un point au même point
*
Il s’affale
dans son fauteuil
gauloise
dans une main
verre
dans l’autre
Vingt heures
la télé
l’informe
de la santé
du monde
Écoutez
dans le whisky
le bonheur
fait craquer
les glaçons
(Jean-Michel Robert)