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Pour Uriel, pas de temple (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2019



Uriel [800x600]

Hommage aux anges
[18]

Pour Uriel, pas de temple,
mais partout,

les enceintes externes et les places
sont fragrantes ;

le festival ouvre comme avant
avec le murmure des colombes ;

pour Uriel, pas de temple
mais les bosquets sacrés de l’Amour,

flétris à Thèbes et à Tyr,
fleurissent ailleurs.

***

For Uriel, no temple
but everywhere,

the outer precincts and the squares
are fragrant;

the festival opens as before
with the dove’s murmuring;

for Uriel, no temple
but Love’s sacred groves,

withered in Thebes and Tyre,
flower elsewhere.

(Hilda Doolittle)

 

 

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Je suis Marie, la fleur d’encens (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 30 juin 2017



La floraison du bâton

[ 15]
Elle dit, j’ai entendu parler de vous ;
il s’inclina ironiquement et ironiquement murmura,

je n’ai pas eu l’honneur,
les yeux à présent posés sur la porte entrouverte ;

elle comprit ; c’était sa seconde rebuffade
mais résolument, elle ferma la porte ;

elle se tenait, dos contre la porte ;
figée, là, elle ouvrit les bras,

autre barrière,
et son foulard glissa à terre ;

son visage était très pâle,
ses yeux plus sombres et plus grands

que beaucoup de ceux dont la profondeur lumineuse
avait inspiré quelques poètes, pas vraiment insignifiants ;

mais des yeux ? il avait connu nombre de femmes —
c’était sa chevelure — peu virginale —

il n’était pas vraiment décent qu’elle se tienne là,
dévoilée, dans la maison d’un étranger.

[ 16]
Je suis Marie, dit-elle, d’une ville tourelée,
en tout cas autrefois elle était sans doute tourelée

car Magdala est une tour ;
Magdala se trouve sur la rive ;

je suis Marie, dit-elle, de Magdala,
Je suis Marie, une grande tour ;

par ma volonté et mon pouvoir,
Marie sera myrrhe ;

je suis Marie — oh, les Marie ne manquent pas,
(bien que je sois Mara, amère) je serai Marie-myrrhe ;

je suis ce myrrhier des gentils,
les païens ; il y a des idolâtres,

même en Phrygie et en Cappadoce,
qui s’agenouillent devant des images mutilées

et brûlent de l’encens à la Mère des Mutilations,
à Attis-Adonis-Tammuz et à sa mère qui était myrrhe ;

elle était une femme affligée,
car le fils qu’elle avait porté n’était pas consacré ;

elle pleura amèrement jusqu’à ce qu’un dieu païen
l’eût transformée en myrrhier ;

je suis Marie, je vais pleurer amèrement,
amèrement… amèrement.

[ 17]
Mais sa voix était ferme et ses yeux étaient secs,
la pièce était petite, à peine une pièce,

c’était une alcôve ou un grand placard
avec une porte fermée, une fenêtre ombragée ;

il n’y avait qu’un peu de lumière à la fenêtre
mais la lumière semblait venir de quelque part,

comme une lumière lunaire sur une rivière perdue
ou un cours d’eau englouti, vu en rêve

par un homme assoiffé, mourant, perdu dans le désert…
ou un mirage… c’était sa chevelure.

[ 18]
Lui qui était sans nul doute
maître des caravanes,

se courba vers le sol ;
il lui tendit son foulard ;

il était inconvenant qu’une femme
apparaisse en désordre, échevelée ;

il était inconvenant qu’une femme
apparaisse, tout simplement.

[19]
Je suis Marie, la fleur d’encens de l’arbre à encens,
moi-même j’adore, je pleure, serai changée en myrrhe;

je suis Marie, bien qu’ayant fondu,
je serai une tour… dit-elle, Sire,

Je n’ai besoin ni de pain ni de vin,
ni de tout ce que vous pourriez m’offrir,

et avec modestie, elle noua son foulard
et se retourna pour ouvrir la porte.

[20]
D’aucuns disent qu’elle s’esquiva et disparut,
d’aucuns disent qu’il la suivit et la trouva,

d’aucuns disent que jamais il ne la trouva
mais qu’il envoya un messager la chercher

avec la jarre d’albâtre ;
d’aucuns disent que lui-même était un Magicien,

un Chaldéen, pas du tout un Arabe
et avait vu le début et la fin,

qu’il était Balthasar, Melchior,
ou cet autre de Bethléem ;

d’aucuns disent qu’il se dissimulait,
qu’il était un Ange déguisé

et avait en fait arrangé cette rencontre
pour se conformer au dessein prévu

que lui ou Balthasar ou un autre
avait calculé exactement à partir des étoiles ;

d’aucuns disent que ce n’est jamais arrivé,
d’aucuns disent que ça arrive encore et encore ;

d’aucuns disent qu’il était un ancien amant
de Marie Madeleine et que le don de la myrrhe

était la reconnaissance d’une ancienne infatuation
consumée et pourtant tout à coup réapparue ;

d’aucuns disent qu’il était Abraham,
d’aucuns disent qu’il était Dieu.

[21]
En tout cas il est écrit précisément,
la maison fut pleine de la senteur du baume ;

c’était plus tard et ce n’était pas une si petite maison
sans doute déjà fragrante de branches et de guirlandes,

car il y avait là banquet, une fête ;
tout était très gai et les rires fusaient,

mais Judas Iscariote fit une grimace,
il murmura Extravagant dans sa barbe,

car le nard bien que peu puissant
possédait cette essence subtile, indéfinissable,

qui dure plus longtemps et coûte plus ;
Judas chuchota à son voisin

et ils se mirent tous alors à parler des pauvres ;
mais Marie, assise par terre,

comme une enfant à une fête, ne faisait pas attention ;
elle était occupée ; elle défaisait adroitement

les tresses longues et tressées avec soin
de son extraordinaire chevelure.

***

Some say she slipped out and got away,
some say he followed her and found her,

some say he never found her
but sent a messenger after her

with the alabaster jar;
some say he himself was a Magician,

a Chaldean, not an Arab at all,
and had seen the beginning and the end,

that he was Balthasar, Melchior,
or that other of Bethlehem;

some say he was masquerading,
was an Angel in disguise

and had really arranged this meeting
to conform to the predicted pattern

which he or Balthasar or another
had computed exactly from the stars;

some say it never happened,
some say it happens over and over;

some say he was an old lover
of Mary Magdalene and the gift of the myrrh

was in recognition of an old burnt-out
yet somehow suddenly renewed infatuation;

some say he was Abraham,
some say he was God.

Anyhow, it is exactly written,
the house was filled with the odour of the ointment;

that was a little later and this was not such a small house
and was maybe already fragrant with boughs and wreaths,

for this was a banquet, a festival;
it was all very gay and there was laughter,

but Judas Iscariot turned down his mouth,
he muttered Extravagant under his breath,

for the nard though not potent,
had that subtle, indefinable essence

that lasts longer and costs more;
Judas whispered to his neighbour

and then they all began talking about the poor;
but Mary, seated on the floor,

like a child at a party, paid no attention;
she was busy; she was deftly un-weaving

the long, carefully-braided tresses
of her extraordinary hair.

She said, I have heard of you;
he bowed ironically and ironically murmured,

I have not had the pleasure,
his eyes now fixed on the half-open door;

she understood; this was his second rebuff
but deliberately, she shut the door;

she stood with her back against it;
planted there, she flung out her arms,

a further barrier,
and her scarf slipped to the floor;

her face was very pale,
her eyes darker and larger

than many whose luminous depth
had inspired some not-inconsiderable poets;

but eyes? he had known many women—
it was her hair—un-maidenly

It was hardly decent of her to stand there,
unveiled, in the house of a stranger.

I am Mary, she said, of a tower-town,
or once it must have been towered

for Magdala is a tower;
Magdala stands on the shore;

I am Mary, she said, of Magdala,
I am Mary, a great tower;

through my will and my power,
Mary shall be myrrh;

I am Mary—O, there are Marys a-plenty,
(though I am Mara, bitter) I shall be Mary-myrrh;

I am that myrrh-tree of the gentiles,
the heathen; there are idolaters,

even in Phrygia and Cappadocia,
who kneel before mutilated images

and burn incense to the Mother of Mutilations,
to Attis-Adonis-Tammuz and his mother who was myrrh;

she was a stricken woman,
having borne a son in unhallowed fashion;

she wept bitterly till some heathen god
changed her to a myrrh-tree;

I am Mary, I will weep bitterly,
bitterly … bitterly.

But her voice was steady and her eyes were dry,
the room was small, hardly a room,

it was an alcove or a wide cupboard
with a closed door, a shaded window;

there was hardly any light from the window
but there seemed to be light somewhere,

as of moon-light on a lost river
or a sunken stream, seen in a dream

by a parched, dying man, lost in the desert .. .
or a mirage … it was her hair.

He who was unquestionably
master of caravans,

stooped to the floor;
he handed her her scarf;

it was unseemly that a woman
appear disordered, dishevelled;

it was unseemly that a woman
appear at all.

I am Mary, the incense flower of the incense-tree,
myself worshipping, weeping, shall be changed to myrrh;

I am Mary, though melted away,
I shall be a tower … she said, Sir,

I have need, not of bread nor of wine,
nor of anything you can offer me,

and demurely, she knotted her scarf
and turned to unfasten the door.

(Hilda Doolittle)

Illustration: Jean-Jacques Henner

 

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CANZONE : SUR L’ENCENS (Ezra Pound)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2015




CANZONE : SUR L’ENCENS

Votre gracieuse aisance,
Ô Dame de mon coeur,
A jeté sur ma pensée un charme sacré.
Comme les flambeaux d’ambre quand d’étranges chevaliers
Avancent légèrement sous le bouclier damassé de la nuit,
S’élèvent de l’acier fuyant venu se refléter,
De même, sur ma pensée cuirassée qui vous accompagne,
Le chemin serait-il noir, tombe le charme sacré.

II
L’encensoir se balance,
Et les charbons ardents doivent
Libérer ce que l’oliban tenait avant serré,
Jusqu’à ce que, sur les fermes de l’est, l’été
Trouble les sens et rêve dans la lumière,
Comme la mémoire, corrigée par l’amour qui naît,
Avec la saveur que seul un nouvel amour connaît,
Par des chemins subtils, se rappelle le passé caché.

III
Les jours d’absence,
Lorsque, à l’écart, j’ai
Médité sur votre immense charme,
J’ai vu, sous le charme d’une musique ailée
Le silence qui vous crée. Ô rare délice!
Sons clairs modulés de la mélodie
Assourdis quand votre présence enveloppait le mépris,
Dans un accord de notes tremblantes qui jamais n’a faibli.

IV
Incandescence,
Qui, des flèches du soleil
A vêtu d’or tours et mâts dominants,
La flamme safran, feu qui ne blesse pas
Cache la perle du Khédive et la puissance du saphir
Des vagues lisses, devant sa porte rassemblée.
Ce manteau de grâce qui, autour de vous, rougeoie,
Cache la chose que vous êtes, ainsi décrite.

V
Toutes les choses méritant louange,
Qui vers le marché du Khédive
Venues de si loin, ont traversé maints périls,
Santal, myrrhe et nard qui désarment
La brusque colère du léopard, tout cela n’est rien
A côté de vos merveilles, Khédive! Protégé seulement

Par son immense grâce qui se reflète en lui,
Mon chant s’envole et implore merci.

VI
Ô Encensoir de la pensée qui brille,
Sois lumineux devant elle à la tombée de la nuit.

VII
Sois fragrant comme le champ nouveau qu’on moissonne,
Ô mon chant qui à « Elle » demande merci.

(Ezra Pound)

 

 

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Mon chant s’envole (Ezra Pound)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2015




Par son immense grâce qui se reflète en lui,
Mon chant s’envole et implore merci.

Ô Encensoir de la pensée qui brille,
Sois lumineux devant elle à la tombée de la nuit.

Sois fragrant comme le champ nouveau qu’on moissonne,
Ô mon chant qui à « Elle » demande merci.

(Ezra Pound)

Illustration: Henry Cousinou

 

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