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ENTREVUE (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2024



    

ENTREVUE

La neige est drue et forte,
Il neige sur les toits.
Je sors devant la porte.
Devant moi je te vois.

Dans un manteau d’automne,
Sans chapeau, sans sabots,
Tu trembles, tu t’étonnes,
Mâchant des flocons d’eau.

Les arbres, les clôtures
Se noient dans le brouillard.
Seule, au coin du mur,
Tu te tiens à l’écart.

De ton fichu l’eau glisse
Lentement jusqu’aux gants,
Et sur tes cheveux lisses
L’eau scintille en tremblant.

Et une blonde mèche
Eclaire ton fichu,
Ta figure si fraîche,
Ton petit pardessus.

Sur tes cils fond la neige,
Tes yeux sont attristés.
Ton visage, pensé-je,
D’un seul bloc est sculpté.

Ton visage en épure
Comme par de l’airain
Marqué de noircissure
En mon coeur est empreint.

Il garde en souvenance
La douceur de ces traits,
Aussi quelle importance
Si le monde est mal fait ?

Aussi la nuit de neige
Paraît scindée en deux ;
Des frontières n’osé-je
Tracer entre nous deux.

Mais qui donc sommes-nous
Quand il ne restera
De ces temps que ragots
Et de nous que les cendres ?

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

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Il ne reste plus que la pierre (Pierre Albert-Birot)

Posted by arbrealettres sur 6 mars 2020



Il ne reste plus que la pierre
Et un petit vent frais
Les yeux vont vivre de leurs rentes
El les mains
Dans les poches du pardessus

(Pierre Albert-Birot)

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LE VOYAGE (Tomas Tranströmer)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2016




LE VOYAGE

Dans la station de métro.
Le coude à coude entre les affiches
dans une lumière morte au regard égaré.

Le train arriva pour emmener
les visages et les porte-documents.

À la prochaine, l’obscurité. Nous étions assis
comme des statues dans ces voitures
qui dérapaient dans les cavernes.
Contraintes, rêveries, servitudes.

On vendait les nouvelles de la nuit
aux arrêts situés sous le niveau de la mer.
Les gens étaient en mouvement, chagrins et
taciturnes sous le cadran des horloges.

Le train transportait
les pardessus et les âmes.

Dans tous les sens, des regards
lors du voyage dans la montagne.
Et nul changement en vue.

Près de la surface pourtant, les bourdons
de la liberté s’étaient mis à vrombir.
Nous sortîmes de terre.

Une seule fois, le pays battit
des ailes avant de s’immobiliser
à nos pieds, vaste et verdoyant.

Les épis de blé arrivaient en vol
au-dessus des quais.
Terminus! J’étais allé
bien au-delà.

Combien étions-nous encore? Quatre,
cinq, à peine plus.

Et les maisons, les routes, les nuages,
les criques bleues et les montagnes
ouvrirent leurs fenêtres.

(Tomas Tranströmer)

Illustration

 

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